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Rôles des facteurs de transcription dans la régulation de l’expression génique

1.4 Expression des gènes viraux

1.4.5 Rôles des facteurs de transcription dans la régulation de l’expression génique

Les FT sont classifiés en familles distinctes selon la similarité du domaine de liaison à l’ADN. Ainsi, il existe 4 grandes classes de FT qui sont les suivantes : les facteurs contenant un homéodomaine, les protéines contenant un doigt de zinc, les protéines contenant une glissière de leucine et les facteurs de types hélice-spirale-hélice (557, 558). Les FT lient de courtes séquences nucléotidiques spécifiques formant des homo- et des hétérodimères entre membres de la même famille ou de classe différente.

Les VPHs affichent des activités transcriptionnelles différentes qui varient selon le contexte cellulaire, ce qui reflète probablement les interactomes distincts de chacun des types (545, 559-563). La multitude de combinaisons possibles permet de diversifier la régulation de l’expression génique de ces VPHs. Plusieurs facteurs de transcription interagissent avec le LCR du VPH tels que Sp1, AP1, C/EBP, NF1, Oct-1 et YY1. Les prochaines sections se veulent une revue des publications les plus significatives sur le rôle de ces facteurs dans la modulation de l’expression des gènes viraux.

1.4.5.1 La protéine E2

Une des fonctions de la protéine virale E2 est de moduler l’expression des gènes précoces viraux. En fonction de sa concentration et de l’occupation de ses sites, la protéine E2 induit la répression ou l’activation de la transcription des gènes des PVs (voir section 1.2.4 de cette thèse). La protéine reconnaît et lie la séquence consensus 5’-ACC(N)6GGT- 3’, où les nucléotides espaceurs (N) sont préférablement riches en AT (223, 564). Le nombre de sites (habituellement de quatre) ainsi que leur localisation dans le LCR sont assez conservés chez les VPHs muqueux du groupe alpha. Le nombre de E2BS dans le génome des PVs du groupe beta est assez variable pouvant aller jusqu’à une occurrence de 17 sites chez le VPB1, tel que montré par des essais d’empreintes de l’ADN et de retard sur gel, et dont plusieurs sont atypiques et ne correspondent pas au consensus (223, 565). Le site distal du promoteur (E2BS4) active la transcription tandis que les sites à proximité du promoteur (E2BS3, -2 et -1) agissent plutôt comme répresseur (170, 410-412, 517). En général, plusieurs sites pour des FT cellulaires chevauchent les sites de E2 et peuvent donc

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moduler l’activité de E2 selon leur occupation (409, 566). À noter que E2BS1, E2BS2 et E2BS3 flanquent les sites de liaison de E1 et sont requis pour la réplication optimale de l’ADN virale et pour la production de particules virales (487, 567, 568).

1.4.5.2 Sp1 et AP1

Un site Sp1 a été initialement identifié dans la région promotrice du VPH16 et VPH18 par des essais de retard sur gel (518, 569, 570). L’analyse de la séquence de différents LCR indique que ce site est hautement conservé chez les VPHs (409). Sp1 est un important activateur de l’expression génique des VPHs et sa liaison sur le LCR est modulée par l’occupation de sites pour le répresseur YY1 et pour la protéine virale E2 (517, 521, 571). Les niveaux de Sp1 sont plus élevés dans les cellules épithéliales que dans les fibroblastes, indiquant que Sp1 joue un rôle dans la spécificité de la transcription (572). AP1 est impliqué dans la régulation de la prolifération, la transformation cellulaire et l’apoptose (revu dans (573). AP1 est composé d’homodimère ou d’hétérodimère des membres de la famille Jun (Jun, JunB et JunD), Fos (FosB, Fra-1 et Fra-2), et ATF (activating transcription factor) (ATFα, ATF-2 et ATF-3) (574). AP1 reconnait la séquence consensus 5′-TGA(G/C)TCA-3′ (575). L’expression différentielle des membres des familles Jun et Fos dans différents tissus et par leur partenaires d’interaction permet la formation d’une multitude de dimères avec des fonctions distinctes (541, 574, 576, 577). AP1 est un activateur important de l’expression génique des PVs et pourrait être impliqué dans la spécificité de l’activation de la transcription virale dans les cellules épithéliales (527, 578-581). Plusieurs sites de liaison pour AP1 sont présents dans la région centrale et dans le 3’ du LCR, dont deux sont hautement conservés chez les VPHs autant par rapport à leurs positions qu’à leurs fonctions sur la modulation de l’expression des gènes viraux tels que montré par des essais de retard sur gel ou d’empreinte de l’ADN et par des essais fonctionnels (582-587). Toutefois, la stimulation de la région centrale du LCR chez le VPH11 ne dépendrait pas de ce facteur contrairement aux VPHs-HR (588). À noter que l’interaction de AP1 sur le LCR serait à l’origine de la formation de l’amplificateur chez le VPH18 (541).

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1.4.5.3 NF1 et Oct-1/2

NF1 est impliqué dans le développement des tissus et dans la différentiation cellulaire (revu dans (589)). Alors que NF1 active et réprime la transcription cellulaire, il semblerait que ce facteur n’agisse que comme un activateur de l’expression des PVs (409). Des essais d’empreintes de l’ADN montrent que NF1 lie plusieurs motifs 5-TTGGC-3 contenus dans la région centrale du LCR du VPH16 (590). La régulation de la transcription virale par NF1 semblerait être un mécanisme commun chez les PVs alors que la présence de sites de liaison est une caractéristique conservée chez la plupart des types (578, 588, 590-592). Le facteur Oct-1 est impliqué dans la répression de la transcription du VPH18 dont plusieurs sites sont trouvés dans la région centrale du LCR (593, 594). Un site pour le facteur KRF-1 qui chevauche un de ces éléments induit l’activation du LCR du VPH18 par compétition pour la liaison à l’ADN avec Oct-1 (530). Chez le VPH16, Oct-1 activerait plutôt l’expression des gènes par son interaction avec NF1 et dépendrait de la présence de Oct-2, un autre membre de la famille POU (595-597).

1.4.5.4 YY1

YY1 appartient à la famille des protéines à doigt de zinc. Ce facteur est un régulateur important de l’expression d’un grand nombre de gènes impliqués dans la prolifération et la différentiation cellulaire (revu dans (598)) et de la transcription chez le VIH et le virus de l’herpès simplex de type 1(599, 600). YY1 est également un élément important pour la régulation de l’expression des gènes précoces des VPHs en agissant autant comme un activateur que comme un répresseur transcriptionnel. Le LCR des VPHs de type 16 et 18 contiendrait une dizaine de sites YY1 dont quelques-uns ont bien caractérisés dans des essais de retard sur gel (571, 601, 602). Certains de ces sites chevauchent des sites AP1 et Sp1 et induiraient la répression de l’activité transcriptionnelle par compétition pour la liaison à l’ADN (571, 601, 603-605). Chez le VPH31, YY1 est important pour induire l’activité de la région centrale amplificatrice (536).

YY1 peut exercer une double fonction sur l’activité promotrice chez certains PVs (602, 606). Ainsi, pour le VPH18, YY1 induit la répression du LCR dans les cellules HepG2 (602, 607, 608), mais, en interagissant avec C/EBPβ, peut également induire l’activation du LCR dans les cellules HeLa (609). La surexpression de YY1 pourrait

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contribuer à la progression du cancer du sein ou de la prostate (610, 611). Dans les cas de CC, les niveaux de YY1 sont plus élevés que dans les tissus normaux (612, 613). Plusieurs variantes de VPH contenant des polymorphismes ou des délétions dans des sites YY1 ont été identifiées (603, 605, 614, 615). La mutation de ces sites résulte en l’augmentation de l’expression des oncogènes E6 et E7 et de la réplication de l’ADN (603, 605, 614, 615). Ainsi, la dérégulation de la répression induite par YY1 serait associée à un plus grand risque de développer le CC. Finalement, il semblerait qu’YY1 inhibe la réplication de l’ADN viral en interagissant avec la protéine virale E2 dans un système acellulaire de réplication d’un plasmide contenant l’origine de réplication du VPH18 (616).

1.4.5.5 C/EBPβ

Le facteur de transcription C/EBPβ (CCAAT/Enhancer-binding Protein β) ou nuclear factor of interleukin 6 (NF-IL6) qui appartient à la famille des protéines contenant une glissière de leucine régule une multitude de gènes impliqués dans l’immunité, la réponse inflammatoire et la différentiation cellulaire notamment (revu dans (617) et (618)). L’expression de C/EBPβ est régulée par la voie de signalisation dépendante des AMPc via des sites Cre (élément de réponse à l’AMPc) situés dans le promoteur (619-622). Fait intéressant, un site C/EBPβ est également retrouvé dans le promoteur du gène de CEBPB, indiquant que ce FT peut autoréguler son expression (623, 624). C/EBPβ reconnaît préférablement la séquence consensus 5’-ATTGCGCAAT-3’ (617, 618). Les nucléotides aux positions +/-3 et +/-4 suivi de la position +/-2 dans un demi-site (ATTGC) sont les plus importants pour la liaison de C/EBPβ, indiquant qu’une certaine dégénérescence des autres positions est permise (618, 625). C/EBPβ peut interagir avec d’autres membres de sa famille (C/EBPα par exemple) et de la famille des bZIP (ATF et CREB) ainsi qu’avec d’autres éléments régulateurs tels que NF-κB, GR, c-Myb, CBP/p300 et HDAC1 (revu dans (618),(617) et (626)).

Trois isoformes de C/EBPβ peuvent être obtenus par l’utilisation de sites initiateurs de la traduction alternatifs (627). Deux de ces isoformes, LAP* (38 kDa) et LAP (35 kDa) ou communément appelé LAP pour liver-enriched activator proteins, sont des activateurs de la transcription. Le troisième isoforme LIP (20kDa) pour liver-enriched inhibitory protein est un répresseur de l’expression des gènes. Les isoformes LAP et LIP contiennent

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un DBD et un domaine de dimérisation (bZIP) en C-terminal. La différence majeure entre ces deux isoformes est que LIP est dépourvu du TAD et de certaines séquences régulatrices présentes en N-terminal de LAP (voir Fig. 1.12). Bien que la présence du DBD soit commune aux deux isoformes, l’affinité de LIP pour certaines séquences d’ADN est meilleure (627). Finalement, la phosphorylation de certains résidus de C/EBPβ par ERK2 et PKC altère son affinité de liaison à l’ADN et module l’activité de transactivation (618, 625).

Figure 1.12 Représentation schématique des différents membres de la famille C/EBP. Les 6 membres de la famille C/EBP (α, β, δ, ε, γ et ζ) sont représentés

selon l’homologie du domaine de transactivation (TAD), des régions régulatrices (Reg), de la région basique (B) et du domaine de dimérisation de type glissière de leucine (Zip). Les modifications post-traductionnelles sont également indiquées (Sumo, Ac et Phos. étant sumoylation, acétylation et phosphorylation, respectivement). Les flèches représentent les sites d’initiation de la traduction alternatifs donnant lieu à la production de différents isoformes. D’après Tsukada et al. (2011) (618).

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Les fonctions activatrices et inhibitrices de C/EBPβ sont déterminées en partie par l’expression relative des différents isoformes (ratio LAP/LIP) (563, 628). Alors que l’isoforme LAP est habituellement le mieux exprimé dans plusieurs types cellulaires (626), la surexpression de LIP par rapport à LAP favoriserait la tumorigenèse (629). Effectivement, l’expression de LIP est élevée dans les cancers du sein, de l’endomètre, des ovaires et colorectal (630-634). L’utilisation d’inhibiteurs de mTOR contribuerait à réduire les niveaux de LIP et à rétablir la balance LAP/LIP (629).

Le facteur C/EBPβ a été originellement identifié comme un répresseur de l’expression des gènes du VPH11 et 16 (584, 635-638). Certains sites C/EBPβ superposent des éléments pour AP1 et NF1, suggérant que C/EBPβ induit la répression par la compétition pour la liaison à l’ADN. Néanmoins, plusieurs études montrent que C/EBPβ pourrait avoir une double fonction régulatrice au sein de la même séquence promotrice dépendent du contexte cellulaire (562, 609). Ainsi, la surexpression de C/EBPβ résulte en la transactivation du LCR du VPH11 dans les C33A, mais en la répression dans les kératinocytes primaires (562, 637). Cette répression serait dépendante d’un site pour YY1 à proximité du promoteur. Dans un système de culture organotypique en radeau de cellules épithéliales, la mutation des sites C/EBP dans le LCR du VPH11 résulterait en l’augmentation de l’expression des gènes viraux dans des cellules prolifératives (639). Dans le cas du VPH18, son activité transcriptionnelle élevée dans les cellules HeLa dépends d’une région dite de transition (switch region) où la liaison d’un complexe constitué de YY1 et C/EBPβ est observée (602, 609). Dans les cellules HepG2, chez lesquelles le LCR du VPH18 n’est pas actif, le complexe YY1-C/EBPβ n’est pas détecté sur l’ADN. La surexpression de C/EBPβ induit la dissociation du complexe dans les cellules HeLa, causant la répression du LCR du VPH18, mais active le LCR dans les cellules HepG2 suite à la formation du complexe (606). Ensemble, ces résultats suggèrent que les partenaires d’interaction de C/EBPβ peuvent également moduler les fonctions de ce dernier.

Dans des cellules non-différenciées, LIP est la forme la mieux exprimée, ce qui corrèle avec l’état de répression observé dans les cellules non-différenciée chez la plupart des VPHs étudiés (628). Lors de la différentiation cellulaire, les niveaux de LAP restent stables, mais ceux de LIP diminuent significativement, ce qui permettrait l’activation du promoteur tardif. Une étude récente suggère que l’expression des oncogènes E6 et E7 du

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VPH16 peut altérer l’activité transcriptionnelle de C/EBP et pourrait donc moduler l’expression des gènes-cibles de ce facteur (640). Chez les VPHs cutanés, l’oncoprotéine E7 ciblerait C/EBPβ et inhiberait sa capacité à induire l’expression de CCL20, un chimio- attractant important pour la migration des cellules de Langerhans dans l’épithélium (641). Les niveaux de CCL20 sont appauvris chez les individus atteints d’EV, indiquant que C/EBPβ serait impliqué dans la carcinogénèse des VPHs cutanés.