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Représentation des facteurs favorisants

V.2. Traitements antifongiques

V.2.1. Les prescripteurs

La grande majorité des patients atteints de mycose superficielle et qui consultent pour cette pathologie va chez un médecin généraliste 65%. D‟autant plus si on redéfinit généraliste comme non spécialiste des pathologies de la peau et des muqueuses c'est-à-dire comme non dermatologue et non gynécologue. Les mycoses superficielles étant des affections courantes et n‟engageant pas le pronostic vital, il semble logique que les patients s‟orientent d‟abord vers leur médecin traitant, d‟autant que l‟attente pour obtenir un rendez –vous chez un dermatologue est de plus en plus longue, surtout pour une pathologie sans critère urgent.

Les autres prescripteurs répertoriés dans l‟enquête sont des gynécologues 16%, des internistes 7% et des pédiatres 2%.

Par ailleurs, il est remarquable de constater que seulement 10% des patients atteints de mycoses cutanées anciennes et / ou résistantes aux traitements locaux ont consultés un dermatologue. Le pharmacien a sans doute un rôle à jouer dans cette prise en charge en

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V.2.2. Les traitements prescrits

Le traitement des mycoses superficielles est le plus souvent local, en effet ce sont des infections qui répondent en général assez bien à un traitement local simple à condition que l‟observance ait été accompagnée d‟un ensemble de règles d‟hygiène rigoureuses. De plus, le phénomène de rechutes toujours possible oblige à débuter un traitement en gardant un arsenal thérapeutique de réserve.

Les médicaments locaux les plus prescrits sont les imidazolès. Ceci peut s‟expliquer par la polyvalence de cette famille de molécules. D‟une part, elles sont aussi bien utilisées pour traiter les candidoses, que les dermatophyties, que le pityriasis versicolor, du fait de leur large spectre d‟activité. D‟autre part, elles peuvent s‟utiliser sur tous les types de lésions, du fait du nombre de formes galéniques disponibles sur le marché.

Plus particulièrement, le kétoconazole (KETODERM®) est l‟imidazolé le plus utilisé pour traiter les cas de pityriasis versicolor, et le nitrate d‟éconazole (PEVARYL®) pour traiter les autres mycoses cutanées et les mycoses vaginales. Les formes galéniques bien adaptées du premier (shampooing gel ou tube monodose) et la multiplicité de formes galéniques et l‟ancienneté du 2ème

jouent sans doute un rôle dans l‟utilisation importante de ces produits.

La terbinafine (LAMISIL®) est, dans cette enquête, le traitement systémique le plus prescrit pourtant bien qu‟il reste le traitement de choix des onychomycoses à dermatophytes, il n‟apparaît pas comme un très bon traitement anticandidosique notamment pour les onychomycoses. Les essais cliniques et les tests in vitro n‟ont pas démontrés que la terbinafine a une bonne activité anticandidosique [54]. Au regard de la proportion des onychomycoses retrouvées au cours de cette enquête, il semble important de s‟intéresser aux traitements de ces infections. De plus, plus de 70 % des patients atteints d‟onychomycoses réclament des traitements efficaces et sont prêts à dépenser des sommes importantes pour être traités [54].

Jusqu‟à récemment les médicaments disponibles pour traiter les onychomycoses n‟emportaient pas la conviction des médecins en raison de leur manque d‟efficacité ou de

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leurs effets secondaires potentiellement graves [55]. L‟attitude médicale restait plus compassionnelle que combative devant cette pathologie. Les années 1990 ont ouvert de nouvelles perspectives dans leur traitement par le développement de nouveaux antifongiques topiques et systémiques, et par la possibilité de schémas thérapeutiques innovants qui résultent d‟une recherche ayant pris en compte la pharmacocinétique, la pharmacovigilance et le coût économique. D‟après les résultats de l‟enquête, la terbinafine (LAMISIL®), le fluconazole (DIFLUCAN®), l‟amorolfine (LOCERYL®), la ciclopiroxalamine (MYCOSTER®) sont les antifongiques utilisés seuls ou associés dans l‟indication onychomycose. Les solutions filmogènes contenant de l‟amorolfine ou de la ciclopiroxalamine sont des formulations galéniques particulièrement adaptées à l‟ongle. De plus, les traitements associant antifongiques systémiques et topique et une diminution de la zone parasitée des ongles sont de l‟avis international, reconnus comme les plus performants. Ainsi, dans les onychomycoses à dermatophytes les plus fréquentes, ils autorisent même aux patients l‟espoir d‟une guérison définitive. Les traitements semblent donc prescrits à bon escient, d‟autant que, par ailleurs, la grande majorité des prescriptions d‟un traitement systémique remplissent les conditions à l‟administration d‟un tel traitement. Ceci traduit un souci d‟adaptation des traitements.

V.2.3. L’automédication

La proportion importante d‟automédication (10% automédication demandée, 10% automédication conseil) est peu surprenante compte tenu du caractère non grave des infections couplé aux manques de moyens des patients qui n‟ont pas pour la plus part une couverture sociale. De plus, la délivrance d‟un antifongique sans ordonnance ne pose pas de problème à partir du moment où elle s‟accompagne de conseils sur les règles d‟hygiène à respecter et de consignes pour tenter de limiter les rechutes.

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Le pharmacien ne devrait jamais se contenter de délivrer un médicament sans exercer un contrôle de l‟utilisation qui va en être faite. Ainsi, dans ce cas, poser quelques questions simples peut lui permettre de déceler les caractéristiques particulières des mycoses et d‟orienter alors les patients vers une prise en charge plus adaptée (consultation médiale spécialisée chez le dermatologue).

V.2.4. Les traitements adjuvants

D‟après les résultats de cette enquête, il peut être constaté que :

Même si « l‟alcalinisation de l‟eau (avec du bicarbonate de soude notamment) utilisée pour la toilette ou les bains de bouche ont un effet apaisant sur les lésions candidosiques cutanées et muqueuses, souvent inflammatoires » [54], peu de bains de bouche alcalins ont été prescrits en complément d‟un traitement antifongique pour traiter une candidose buccale par exemple.

Dans moins d‟un tiers des prescriptions d‟antifongiques pour traiter une candidose vaginale, une prescription ou une demande de savon à pH alcalin tel SAFORELLE® ou GYNHYDRALIN® est associée. Pourtant, ces savons représentent un traitement adjuvant très utile lors d‟un épisode de candidose vaginale, en effet, ils inhibent la croissance des levures du genre Candida et ont une action antiprurigineuse.

Une faible proportion de prescription de kétoconazole dans le cadre d‟un pityriasis versicolor comprend en complément une prescription d‟un shampooing. Ceci peut s‟expliquer par l‟efficacité d‟emploi du kétoconazole. En effet, même en cas de récidives, il semble plus aisé de retraiter par KETODERM ®shampooing seul.

Très peu d‟antiseptiques sont utilisés en complément d‟un traitement antifongique pourtant, même si leur action est nulle vis-à-vis des levures du genre Candida, ils apparaissent intéressants dans le traitement des intertrigos fissurés en évitant la pénétration de bactéries présentes sur la peau (Streptocoques, Staphylocoques).

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Ainsi, au regard de l‟utilité des traitements adjuvants dans le traitement des mycoses superficielles d‟une part, et de l‟utilisation réduite de ces mêmes traitements d‟autre part, il apparaît intéressant que le pharmacien propose lors de la délivrance d‟un traitement antifongique, un traitement adjuvant lorsqu‟il sera utile au patient, surtout dans le cadre des candidoses vaginales.

V.2.5. Les associations

L‟association d‟un antifongique et d‟un corticoïde, pourtant retrouvée à quelques reprises lors de cette enquête, ne semble présenter aucun intérêt et elle est même déconseillée, dans la grande majorité des cas. En effet, les corticoïdes masquent l‟infection et favorisent le développement du champignon, empêchant ainsi l‟action de l‟antifongique. Au final, « c‟est comme si on ne traitait pas la mycose », constate Feuillade de Chauvin [55]. Or, cette hypothèse se révèle inexacte car le type de corticoïde utilisé n‟est pas assez puissant pour traiter une dermatose corticosensible et l‟antifongique peu actif sur la mycose. Cette association semble néanmoins présenter un intérêt dans des cas particuliers, comme les formes vésiculo-bulleuses des dermatophytes. Son emploi pendant une duré limitée, peut être discuté en cas de réaction inflammatoire très importante (en cas de réaction inflammatoire moindre, l‟emploi de corticoïde pour traiter l‟inflammation peut sembler inutile car cette dernière résultant de la présence de la mycose, disparaît en même temps que celle-ci). De plus, les triples associations (corticoïde + antifongique + antibactérien) ne présentent aucun intérêt dans l‟indication « mycose ».

Ainsi, le pharmacien d‟officine se doit d‟avoir un regard critique sur les prescriptions ou les demandes spontanées d‟association et d‟antifongique et / ou d‟antibactérien, et d‟exercer un contrôle sur celles-ci. Cependant, la règle est d‟éviter de prescrire ces associations.

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V.2.6. Inefficacité relative des traitements locaux

Outre les facteurs extrinsèques (non observance du traitement, existence de foyer de réensemencement, durée de traitement insuffisant…) qui seront envisagés ultérieurement, des facteurs intrinsèques peuvent être à l‟origine de phénomènes de résistance, certes relativement peu élevé en proportion, mais loin d‟être négligeables compte tenu de leur répercussion. En effet, la progression des résistances en mycologie médicale pourrait constituer une menace sérieuse pour l‟efficacité de la thérapeutique antifongique dans les prochaines années. Ainsi, le SONAS (Université d‟Angers) a entrepris de préciser les mécanismes de résistance de colonies de Candida glabrata de plus en plus retrouvées chez des individus sous traitement prophylactique ou curatif à base de kétoconazole ou de fluconazole. Selon ces recherches, l‟exposition au fluconazole permettrait une sélection de colonies « mutantes » présentant une déficience respiratoire mitochondriale. Ces « mutants » acquièrent ainsi une résistance aux dérivés azolés qui agissent notamment en bloquant la respiration fongique. En revanche, il semblerait que la voie de biosynthèse des stérols, principale cible des dérivés azolés, ne soit pas affectée chez ces « mutants ».

Plus généralement, la résistance aux azolés relève de trois mécanismes : modification de la perméabilité membranaire, modification ou hyperproduction de la cellule cible et réduction de la concentration intracytoplasmique de l‟antifongique. Cependant, ces résistances ne concernent que les candidoses buccales et vaginales. Dans les autres atteintes, les résistances n‟existent pas.

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