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Traitement des informations visuo- visuo-spatiales

plans d’architecture 1. INTRODUCTION

1.3. Traitement des informations visuo- visuo-spatiales

Le modèle de la mémoire de travail de Baddeley (1986, 1992) permet de faire des hypothèses sur la nature des processus mnésiques sollicités dans les traitements cognitifs effectués sur des plans d’architecture. Selon ce modèle, le traitement des informations verbales et des informations visuo-spatiales est effectué par deux structures distinctes : la boucle phonologique et le calepin visuo-spatial. Pour autant, cela ne signifie pas que la boucle phonologique ne puisse pas, dans certains cas, être partiellement recrutée pour une tâche visuo-spatiale ou inversement (Dunlap, 1997). Le calepin visuo-spatial est lui-même subdivisé en plusieurs sous-composantes. Cependant, la caractérisation de ces composantes n’est pas établie de manière claire. Le premier découpage proposé reposait sur la nature des stimuli : une composante traiterait les stimuli visuels et l’autre les stimuli spatiaux (Baddeley, 1992; Logie, 1995; Hecker & Mapperson, 1997). Comme la boucle phonologique, le calepin visuo-spatial serait constitué d’un cache passif distinct d’un système actif de traitement (Logie, 1986; Frick & De Rose, 1986). C’est la composante spatiale qui est décrite comme active, i.e. utilisée consciemment et volontairement. La composante visuelle serait

quant à elle passive, fonctionnant de manière automatique (Logie, 1995). Une étude de Bruyer et Scailquin (1998) a contribué à appuyer ce découpage. Dans cette expérience, une tâche concurrente « auditivo-spatiale » (déterminer si un son provient de la gauche ou de la droite) effectuée par les participants interférait avec une tâche principale de génération ou de rotation d’images, mais pas avec une tâche de maintien d’images en mémoire. Cette configuration de résultats corrobore, selon les auteurs, l’équivalence de la distinction entre visuel et spatial avec la distinction entre passif et actif. Selon Bruyer et Scailquin (1998), la génération ou la rotation d’images nécessite la mobilisation de ressources attentionnelles et donc la composante active du calepin visuo-spatial. En revanche, le maintien en mémoire d’une image peut être effectué par sa composante passive.

Plus récemment, Vergauwe, Barrouiller et Camos (2009) ont mis en évidence une interférence entre une tâche de traitement et une tâche de stockage, y compris lorsque ces tâches renvoient l’une à un contenu spatial et l’autre à un contenu visuel. Les auteurs en concluent que les composantes visuelle et spatiale sollicitent une part de ressources communes tout comme les processus de traitement et de stockage. Plutôt que cette division du calepin visuo-spatial en composantes visuelle et spatiale, Pickering, Gathercole, Melanie et Lloyd (2001) proposaient de le scinder en fonction du caractère dynamique ou statique de l’information traitée. De nombreuses recherches ont d’ailleurs montré que le traitement de stimuli visuels présentés de manière séquentielle interfère avec le traitement de stimuli spatiaux mais pas avec des stimuli visuels statiques (Pearson & Sahraie, 2003; Quinn, 1994; Smyth, 1996; Quinn & Ralston, 1986; Smyth, Pearson, & Pendleton, 1988). Malgré l’importante proximité fonctionnelle entre la composante spatiale et les mécanismes de traitements de séquences, ils ne se confondent pas totalement (Smyth & Pendleton, 1989). D’autres auteurs ont montré une association entre la simultanéité de la présentation des stimuli visuels et une sollicitation exclusive de la composante visuelle (Della Sala, Gray, Baddeley, Allamano, & Wilson, 1999; Darling, Della Sala, Logie, & Cantagallo, 2006). Ils parlent alors de composante visuelle (visual component) que Logie (1995) définit comme un système passif permettant l’encodage et le stockage d’informations

visuelles et de composante spatio-séquentielle (spatio-sequential components) décrite comme un système actif d’autorépétition permettant de stocker des séquences de mouvements et de transformer des images mentales (Della Sala et al., 1999; Darling et al., 2006; Frenkel & Bourdin, 2009). Baddeley (2002) précise de plus que le calepin spatial sert non seulement au traitement et au maintien des informations visuo-spatiales, mais il permet également d’intégrer les informations visuelles avec les informations spatiales.

Par conséquent, le calepin visuo-spatial est vraisemblablement mobilisé dans les tâches de traitement de plans d’architecture. Il reste à déterminer de quelle manière il intervient dans différents types de tâches s’appuyant sur des plans et dans quelle mesure ces interventions sont cruciales pour la réussite de ces tâches. L’expérience 1 décrite ici présentait deux objectifs complémentaires : le premier était d’apporter un éclairage général sur les difficultés éventuelles rencontrées par des personnes manipulant des plans en fonction du type de tâche réalisée. Cette expérience avait donc un caractère exploratoire. Le second objectif était d’évaluer le rôle des deux sous-composantes du calepin visuo-spatial dans ces activités de manipulation de plans afin de pouvoir en tenir compte de manière pertinente lors des études suivantes.

2. METHODE

2.1. Participants

Les participants à cette expérience étaient 40 volontaires recrutés à partir de la base de données des volontaires du Laboratoire d'Observation des USages des Technologies de l'Information et de la Communication (LOUSTIC), novices dans la manipulation de plans d’architecture. Le participant le plus jeune avait 18 ans et 5 mois, le plus âgé avait 30 ans et 4 mois, pour une moyenne d'âge de 24 ans (SD = 2,71). Cet échantillon était composé de 14 jeunes actifs et de 26 étudiants Rennais provenant de disciplines variées.

2.2. Matériel

L'ensemble des tâches était effectué à l’aide d’un stylet sur un ordinateur portable hybride HP TouchSmart PC en position tablet PC. Les plans ont été réalisés par les participants sur une interface de dessin volontairement sommaire en termes de fonctionnalités permettant de tracer des traits noirs au crayon et d'effacer en cas d'erreur. Elle permettait aussi, lorsque les participants validaient une production, de faire apparaître automatiquement une nouvelle image préalablement sélectionnée par l'expérimentateur. Cette fonctionnalité spécifique permettait de simuler une fonction que ne possède pas réellement cette interface : la rétro-conversion d'un plan manuscrit. Cette fonctionnalité est simulée par l’apparition à l’écran, à la place du plan dessiné par le participant, d’un plan finalisé (voir Figure 5).

Figure 5. Captures d’écran du plan dessiné par un participant (à gauche) et du plan « interprété » (à droite) sur lequel le participant a entouré les erreurs

Dans cette expérience, une version numérique de l’épreuve des blocs de Corsi a été utilisée afin de mesurer l’empan spatial des participants (Jones, Farrand, Stuart, & Morris, 1995). Il s'agit d'une planche sur laquelle sont disposés neuf carrés. Ces carrés sont désignés successivement dans un ordre donné et le participant doit mémoriser cet ordre pour le reproduire. Le nombre de localisations qu'il faut mémoriser augmente au fur et à mesure du déroulement du test et ce dernier est terminé lorsque le participant échoue deux fois de suite à reproduire une séquence d’une longueur donnée (Berch, Krikorian, & Huba, 1998). L'empan spatial est alors le nombre maximum de carrés retrouvés en un seul essai. Dans cette expérience, l'épreuve des

blocs de Corsi était administrée sur le Tablet PC. Les séquences étaient donc présentées sous la forme de changements de couleur successifs des cases à l’écran, au rythme d’une case par seconde. La désignation de la séquence par le participant se faisait de manière tactile.

Le test des motifs visuels, autrement appelé « épreuve des grilles de Wilson », était aussi utilisé dans cette expérience dans le but de fournir une mesure de l'empan visuel des participants (Della Sala et al., 1999; Darling et al., 2006). Ce test est constitué de grilles dans lesquelles une case sur deux est noircie. Les participants doivent mémoriser les emplacements des cases noircies et doivent ensuite les reproduire sur une grille vierge (voir figure 6). À chaque essai réussi, le nombre de cases noircies augmente de un. L'empan visuel correspond au nombre maximum de cases que le participant parvient à replacer correctement sur la grille.

Figure 6. Captures d’écran des épreuves électroniques des blocs de Corsi (à gauche) et des motifs visuels (à droite)

2.3. Procédure

Les participants commençaient par passer l'épreuve des blocs de Corsi ainsi que le test de Wilson. Dans un second temps, ils devaient travailler sur des plans et ce, dans trois exercices successifs. Dans le premier exercice, l'expérimentateur présentait aux participants le Tablet PC sur lequel était affiché le plan incomplet du LOUSTIC dans l'interface de dessin. La pièce dans laquelle les participants se trouvaient pendant l’expérience avait été effacée du plan. Leur objectif consistait à la redessiner à la main. Pour le deuxième exercice, l'expérimentateur montrait aux participants un modèle de

plan imprimé sur une feuille de papier. Les participants avaient alors pour objectif de reproduire ce plan dans l'interface de dessin. L'expérimentateur expliquait aux participants que le plan qu'ils réalisaient à main levée allait ensuite être interprété puis converti par le logiciel pour aboutir à un plan finalisé. Par exemple, les lignes tracées à main levée allaient être transformées en ligne droite. Cela signifiait que dans le cas idéal, le résultat de la conversion allait être exactement équivalent au modèle. En réalité, cette explication était fausse. Le plan finalisé présenté aux participants était préparé à l'avance et demeurait identique pour tout le monde. Il comportait quatre erreurs que les participants devaient entourer (voir figure 7, les erreurs sont ici entourées en rouge). Pour ce faire, ils comparaient le plan « converti » sur Tablet PC au modèle sur papier (conservé entre temps).

Figure 7. Plan du LOUSTIC complété par un participant (gauche), modèle sur papier (centre) et plan « converti » (droite)

2.4. Mesures

L'épreuve des blocs de Corsi et le test de Wilson permettaient d'attribuer à chaque participant un score d'empan spatial et un score d'empan visuel. Pendant les trois tâches portant sur les plans (complétion, copie et comparaison), plusieurs mesures étaient effectuées. Chacune des trois tâches donnait lieu à des productions manuscrites (voir figure 8). Des critères de qualité ont été définis dans le but d'obtenir un score par participant et par tâche. Ainsi, la complétion du plan de LOUSTIC est notée sur 4 points, un point étant attribué pour chaque élément (porte ou fenêtre) placé sur le bon mur. La tâche de repérage des erreurs était notée sur quatre points

notée sur 22 points car cette notation prend en compte non seulement l'emplacement des différents ouvrants (5 portes, 6 fenêtres et 4 ouvertures intérieures), mais aussi l’agencement des pièces et les longueurs relatives des fenêtres.

Figure 8. Exemples de productions des participants pour les épreuves de complétion (gauche), de recopie (centre) et de correction (droite)

Durant la réalisation des trois tâches liées aux plans, les participants portaient des lunettes caméra. La particularité de ces lunettes est de pouvoir filmer grâce à une caméra miniature dissimulée dans la monture. Cet outil permettait de mesurer le nombre d'allers et retours effectués entre le modèle et la production en cours. Afin de ne pas influencer les mouvements de tête des participants, l'existence de cette caméra leur a été cachée en leur disant que ces lunettes servaient à mesurer en temps réel leurs diamètres pupillaires pendant la tâche. Par ailleurs, un enregistrement vidéo de l'écran, grâce au logiciel de capture CamStudio, était effectué afin de connaître les temps de réalisation des différentes tâches.

3. RESULTATS

Concernant chacune des trois épreuves (complétion, recopie et correction), les données présentées ici sont la performance évaluée par un score, la durée de la tâche et le nombre d’allers et retours visuels. Les liens éventuels entre ces variables ont été évalués par le biais de corrélations.