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CHAPITRE II : PROPRIETES PHYSIQUES DES BETONS ANDRA

II- 2.1.4 Traction directe

Les essais de traction directe ont été réalisés selon la recommandation Rilem [TC 162-TDF 2001], le protocole est présenté dans l’annexe B. Les mesures ont été effectuées à 2j, 3j, 7j, 28j et 90j de manière à mettre en évidence l’influence de l’hydratation sur le comportement de la matrice cimentaire sollicitée en traction et son incidence sur la capacité des fibres à la reprise d’efforts à travers la fissure.

Figure II-13 : Faciès de rupture d’éprouvettes de CEM VF après un essai de traction directe

Les deux photos de la figure II-13 représentent le faciès de rupture d’une éprouvette de CEM VF après un essai de traction directe. L’état de la zone de rupture est la même pour les différents types de béton. Concernant les fibres, on en retrouve une quantité importante (de 60 à 80 pour une section d’environ 36 cm² selon les éprouvettes). La répartition des fibres est relativement homogène.

Les fibres visibles à l’interface ne sont pas cassées. Ceci signifie que la diminution des résistances résiduelles est due à l’arrachement des fibres, à une diminution progressive de l’ancrage de ce type de fibres. Par leur forme, leur nature ainsi que leur surface spécifique, les fibres utilisées peuvent être décrites comme glissantes (par opposition aux fibres dites adhérentes) [Turatsinze et al. 2003]. Elles offrent une adhérence modérée avec la matrice. Il en résulte un palier de résistance résiduelle bas mais long, c'est-à-dire maintenu jusqu’à des niveaux d’ouverture de fissure élevés.

Les courbes contraintes en fonction de l’ouverture de fissure (CMOD) pour les quatre compositions sont présentées dans les figures II-14 pour le CEM I, II-15 pour le CEM IF, II- 16 pour le CEM V et II-17 pour le CEM VF.

0 1 2 3 4 5 6 7 0 0,02 0,04 0,06 0,08 0,1 0,12 0,14 0,16 0,18 CMOD (mm) Contraintes (MPa) 90j 2j 3j 7j 28j

Figure II-14 : Evolution du comportement en traction directe contrôlé par l’ouverture de la fissure : cas du CEM I

0 1 2 3 4 5 6 7 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 CMOD (mm) Contraintes (MPa) 2j 3j 7j 28j 90j

Figure II-15 : Evolution du comportement en traction directe contrôlé par l’ouverture de la fissure : cas du CEM IF

0 1 2 3 4 5 6 7 0 0,02 0,04 0,06 0,08 0,1 0,12 0,14 0,16 0,18 CMOD (mm) Contraintes (MPa) 3j 7j 28j 90j

Figure II-16 : Evolution du comportement en traction directe contrôlé par l’ouverture de la fissure : cas du CEM V

0 1 2 3 4 5 6 7 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 CMOD (mm) Contraintes (MPa) 3j 7j 28j 90j

Figure II-17 : Evolution du comportement en traction directe contrôlé par l’ouverture de la fissure : cas du CEM VF

Les essais sur CEM VF à des échéances inférieures à 3 jours n’ont pas pu être effectués. Ce béton étant constitué de CEM V (contenant du clinker, des cendres volantes et du laitier de hauts fourneaux), de fumée de silice et d’un superplastifiant retardateur de prise, il a été difficile de démouler les éprouvettes avant 36 heures de conservation, la prise n’étant pas suffisamment avancée. Il n’était donc pas possible de les utiliser pour ce type d’essai. Nous avons tenté de réaliser des essais à 2 jours mais sans doute à cause de l’humidité qui rend le collage problématique, nous avons systématiquement constaté une rupture au niveau de cette faible liaison entre l’éprouvette et le plateau de chargement. Il en va de même des essais sur CEM IF à des échéances inférieures à 2 jours. Certains essais ont pu être réalisés entièrement mais pas en nombre suffisant pour nous permettre, compte tenu de la dispersion, de tirer une conclusion basée sur un comportement moyen solide.

En se basant sur les résultats obtenus à 90 jours, nous proposons une description du comportement en traction directe des différents bétons.

Le comportement des bétons sans fibres, que ce soit le CEM I ou le CEM V, peut globalement se décomposer en deux phases :

- une première phase qui s’étale jusqu’au pic de charge, que l’on peut séparer en deux zones. Une première zone quasi linéaire et dans laquelle on considère que la sollicitation entraîne la propagation des microfissures (défauts) préexistant dans le matériau sans que le module d’élasticité ne soit affecté. Cette première zone est suivie d’une seconde au comportement non linéaire jusqu’au pic de charge. Elle correspond à la propagation non localisée des microfissures dans la matrice. D’après Bernard [Bernard 2000], c’est l’apparition des déformations irréversibles qui explique l’incurvation de la courbe et par la suite un comportement non linéaire ;

- une deuxième phase qui voit son origine au pic de charge et correspond à la coalescence des précédentes microfissures et à la localisation d’une macrofissure. S’agissant d’un essai de traction directe, il n’y a pas de gradient de déformation dans la section de localisation de la macrofissure et le transfert de contraintes est assuré par des ponts de matière et par le seul engrènement résultant de la nature tortueuse du faciès de rupture du béton. La capacité portante de cette section est faible et diminue très rapidement avec la rupture progressive des ponts de matière et la disparition de l’engrènement consécutif à l’augmentation de l’ouverture de la fissure.

Le comportement des bétons renforcés de fibres, quelque soit le ciment utilisé, peut se décomposer en quatre phases :

- la première phase est identique à celle des bétons sans renfort de fibres. Le béton à un comportement linéaire suivi d’une incurvation jusqu’au pic de charge qui coïncide avec la localisation de la fissure ;

- la deuxième partie correspond à une chute brutale de la capacité portante après le pic de charge. Pour les fibres de type glissant, comme celle mises en œuvre dans cette étude, ce décrochement ressemble à celui du béton sans renfort de fibres. En effet, de telles fibres nécessitent une ouverture de fissure relativement importante pour mobiliser un ancrage optimal. Pour cette même raison, on affirme très aisément que la présence de telles fibres n’augmente pas la résistance à la traction comparativement au béton sans fibres ;

- la troisième phase intervient donc lorsque que l’ouverture de fissure permet de mobiliser l’ancrage des fibres. Trois cas sont alors possibles, dépendant du dosage des fibres et de la capacité de la matrice à confiner les fibres, dépendant elle-même de la compacité du béton et de son degré d’hydratation. On pourra donc relever un comportement durcissant, pseudo plastique ou adoucissant ;

- la quatrième et dernière phase correspond à la ruine de l’éprouvette qui intervient progressivement avec l’arrachement des fibres et la perte de capacité portante qui l’accompagne.

L’intérêt de la présence de fibres dans le béton est flagrant lorsque ce dernier est sollicité en traction. Elles permettent le transfert des contraintes à travers une discontinuité de déformation et ainsi d’assurer une continuité structurale. Il en résulte des résistances résiduelles importantes pour de grandes ouvertures de fissure permettant au béton d’avoir un comportement ductile.

Les résultats présentés sur les figures II-14 à II-17 permettent d’observer les effets de l’hydratation sur le comportement des bétons sollicités en traction directe :

Pour les bétons de références, tout comme dans le cas d’une sollicitation en compression, l’évolution de l’hydratation entraîne une augmentation de la rigidité et de la résistance. Une fois la fissure localisée, la diminution des efforts repris est très rapide et l’hydratation n’a que peu d’influence sur les résistances résiduelles.

Pour les bétons renforcés de fibres, l’évolution de l’hydratation a le même effet que pour les bétons sans renforts. La rigidité et la résistance augmentent au cours du temps. Une fois la fissure localisée, les efforts repris diminuent jusqu’à ce que l’ouverture soit suffisamment grande pour que les fibres soient sollicitées. On retrouve à ce moment deux types de comportement selon l’état d’hydratation :

- jusqu’à l’âge de 7 jours, l’hydratation n’est pas suffisamment développée et l’ancrage de la fibre dans la matrice ne peut être assuré de façon optimale. Les résistances résiduelles sont alors faibles et diminuent progressivement à cause du glissement des fibres. Le béton présente dans ce cas un comportement ductile adoucissant ;

- à partir de 28 jours, l’ancrage des fibres dans la matrice cimentaire est plus solide. Lorsque les fibres sont sollicitées, elles peuvent reprendre des efforts importants avant leur arrachement. Les résistances résiduelles vont donc augmenter jusqu’à atteindre un seuil fonction encore une fois de l’adhérence des fibres. Les résistances résiduelles diminuent ensuite progressivement à cause des fibres. Le béton à un comportement qui reste ductile adoucissant.

De manière générale, plus l’hydratation évolue, plus la rigidité, la résistance et la capacité portante résiduelle augmentent. Les résistances des bétons renforcés de fibres sont plus importantes que celles des bétons sans renfort. Comme dans le cas des résistances en

compression, ceci est dû à la présence d’une plus grande quantité de ciment et à la fumée de silice plutôt qu’à la présence des fibres.

Dans le cas du CEM VF à 7 jours, la courbe présente un comportement ductile durcissant et atteint des valeurs de résistances résiduelles importantes, qui sont plus fortes que le pic de charge mesuré à 28 jours. Un tel comportement au jeune âge nous à conduit à en chercher la cause. Il s’avère que pour l’éprouvette concernée, la section fissurée comprenait un nombre moyen de fibres (130) supérieur à la moyenne (70). Malgré une capacité d’ancrage limitée à cet âge, la forte densité de fibres dans la section justifie une telle réponse.

Les valeurs de résistance au pic avant localisation de la fissuration, mais aussi des résistances résiduelles, sont très élevées. On trouve des valeurs à 90 jours d’environ 5 MPa pour les bétons sans fibres et des valeurs d’environ 6 MPa pour les bétons fibrés. Ces bétons étant des bétons de hautes performances, leur compacité améliorée entraine des résistances mécaniques plus élevées comparativement à celles des bétons dits ordinaires.