• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE II : PROPRIETES PHYSIQUES DES BETONS ANDRA

II- 2.2.4 Propriétés de transfert

L’étude des propriétés de transfert est très souvent utilisée en génie civil comme indicateur de durabilité. Ces propriétés étant fortement dépendantes de la microstructure du matériau, elles vont être influencées par la composition du béton, mais aussi par le phénomène de décalcification qui, en lixiviant le calcium dans la pâte de ciment, augmente la porosité et

modifie sa constructivité. De même, la décalcification est un phénomène diffusif. Il est donc indispensable de déterminer l’évolution de la diffusion au sein du matériau en cours de dégradation.

II-2.2.4.1. Perméabilité à l’oxygène

Les perméabilités à l’oxygène sont mesurées selon les recommandations [AFPC-AFREM 1997]. Les perméabilités apparentes kapp et intrinsèques kint sur matériaux sains sont présentées dans le tableau II-12. Ces mesures sont effectuées pour un état de saturation de 0% dans le but d’effectuer une comparaison entre les différents bétons. La figure II-34 présente les courbes de variations de la perméabilité en fonction de la pression d’entrée pour les bétons à l’état sain.

kapp (x10 -17

m²) Saturation: 0%

Pe 0,1MPa 0,25MPa 0,4MPa Kint (x10

-17 m²) CEM I 13 ± 1 5 ± 0 5 ± 1 4,0 CEM IF 10 ± 8 9 ± 8 7 ± 7 5,0 CEM V 9 ± 2 8 ± 2 7 ± 2 5,5 CEM VF 6 ± 1 5 ± 0 5 ± 0 5,0

Tableau II-12 : Perméabilité apparentes et intrinsèques des bétons à l’état sain

0,0E+00 2,0E-17 4,0E-17 6,0E-17 8,0E-17 1,0E-16 1,2E-16

0,0E+00 1,0E-06 2,0E-06 3,0E-06 4,0E-06 5,0E-06 6,0E-06 7,0E-06 1/Pmoy (Pa -1 ) Perméabilité (m²) CEM IF CEM I CEM VF CEM V

Figure II-34 : Variations de la perméabilité en fonction de la pression d’entrée des différents bétons à l’état sain

La valeur de 13,2x10-17 m² obtenue pour le CEM I pour une pression d’entrée de 0,1 MPa n’est pas cohérente avec les valeurs trouvées pour les autres pressions. C’est pour cela qu’elle n’est pas utilisée pour tracer les courbes de variation de perméabilité.

Les perméabilités présentées dans le tableau II-12 sont très proches pour les quatre compositions. Que ce soit sur le CEM I ou les autres compositions contenant des additions et des fibres, les valeurs sont du même ordre de grandeur. Ces résultats montrent que contrairement à d’autres essais (cf. coefficients de diffusion en partie II.2.2.4.2), les cendres, laitiers et fumée de silice n’ont qu’une très faible influence sur la perméabilité. Pour mémoire, Lawrence [Lawrence 1986] a mesuré des perméabilités aux gaz sur des bétons de ciment portland ordinaire et des bétons de ciment composés. Il a constaté une diminution de la perméabilité en présence de cendres volantes alors que les laitiers produisent l’effet inverse. Perlot [Perlot 2005] obtient des résultats similaires sur mortiers de CEM I et CEM V à l’état sain.

L’influence des fibres sur la perméabilité est difficilement quantifiable sur ces bétons de par la présence de la fumée de silice. Soit les fibres n’ont aucune influence, soit celle-ci est compensée par la fumée de silice. On peut aussi se poser la question de savoir si les fibres ne sont pas responsables des dispersions importantes pour le CEM IF. Afin d’étudier le rôle des fibres, il faudrait comparer deux bétons de même composition dont le seul paramètre serait la présence ou non de fibres.

Des essais ont été effectués sur les bétons ayant subi la dégradation au nitrate d’ammonium. Les résultats après 18 mois de dégradation sont présentés dans le tableau II-13 et la figure II- 35 permet de comparer les perméabilités des bétons en fonction de la pression d’entrée. Des problèmes ayant été rencontrés lors des essais sur les bétons ayant subi 9 mois de dégradation, les résultats ne sont pas disponibles pour analyse.

kapp (x10 -17

m²) Saturation: 0%

Pe 0,1MPa 0,25MPa 0,4MPa Kint (x10-17m²)

CEM I 124 ± 18 95 ± 18 70 ± 29 21,0

CEM IF 160 ± 22 66 ± 12 55 ± 10 21,0

CEM V 49 ± 14 27 ± 6 20 ± 6 17,2

CEM VF 65 ± 12 34 ± 7 27 ± 7 16,8

Tableau II-13 : Perméabilités apparente et intrinsèque des bétons après 18 mois de dégradation

0,0E+00 2,0E-16 4,0E-16 6,0E-16 8,0E-16 1,0E-15 1,2E-15 1,4E-15

0,0E+00 1,0E-06 2,0E-06 3,0E-06 4,0E-06 5,0E-06 6,0E-06 7,0E-06

1/Pmoy (Pa-1) Perméabilités (m²) CEM V CEM VF CEM I CEM IF

Figure II-35 : Variations de la perméabilité des bétons en fonction de la pression d’entrée après 18 mois de dégradation

Dans le but de comparer les effets de la dégradation sur la perméabilité, les perméabilités intrinsèques ont été déterminées pour les pâtes de ciment à partir des résultats présentés précédemment et des valeurs de quantité de pâte dans les bétons. Les résultats sont présentés dans le tableau II-14.

La valeur de 160x10-17 m² obtenue pour le CEM IF pour une pression d’entrée de 0,1 MPa n’est pas cohérente avec les valeurs trouvées pour les autres pressions. Elle n’est donc pas prise en compte dans l’analyse de nos résultats.

(x10-17m²) CEM I CEM IF CEM V CEM VF

kpate saine 13 14 16 14

kpate dégradée 68 60 49 45

Tableau II-14 : Perméabilités intrinsèques des pâtes saines et après 18 mois de dégradation

Les résultats présentés ici permettent d’analyser l’influence de la dégradation sur la perméabilité. Les résultats à 9 mois n’étant pas exploitables, il ne sera pas possible d’étudier l’influence de la cinétique de dégradation, ceci sera analysé dans la partie II.2.2.4.2. en s’appuyant sur les essais de diffusion.

La modification de la microstructure par la lixiviation entraîne une augmentation de la porosité et de la taille des pores. Ceci a pour effet d’augmenter la perméabilité en zone dégradée.

Bien que l’influence des additions pouzzolaniques ne puisse pas être perçue à l’état sain (figure II-34), une nette différence apparait après lixiviation entre les bétons à base de CEM I et ceux à base de CEM V (figure II-35). L’augmentation de la perméabilité est nettement plus limitée pour le CEM V puisque les valeurs sont en moyenne 4 fois plus fortes alors qu’elles sont 14 fois plus élevées pour le CEM I. La présence de fumée de silice dans le CEM IF a le même effet que le CEM V comparé aux valeurs de CEM I.

Les valeurs des perméabilités intrinsèques ramenées au volume de pâte (tableau II-14) confirment ces résultats. Les valeurs sont similaires à l’état sain pour les quatre compositions. Une fois les pâtes dégradées, l’augmentation des perméabilités des pâtes de CEM I est supérieure à celle des pâtes de CEM V.

II-2.2.4.2. Diffusivité des chlorures

Les coefficients de diffusion ont été mesurés selon la norme [NT BUILD 443 1995]. Les résultats obtenus sur bétons sains et dégradés après 9 et 18 mois de conservation dans le nitrate d’ammonium sont présentés dans le tableau II-15. Les résultats dans le tableau II-16 correspondent aux coefficients de diffusion apparents et effectifs du matériau sain dont le mode de détermination est présenté en annexe F.

Dcl- (x10 -12

m²/s) CEM I CEM IF CEM V CEM VF

T0 8,5 ± 1,9 2,2 ± 1,2 2,0 ± 0,3 2,0 ± 1,1

T0 + 9 mois 95 ± 6 50 ± 10 57 ± 15 54 ± 16

T0 + 18 mois 96 ± 20 85 ± 6 132 ± 6 116 ± 17

Tableau II-15 : Coefficients de diffusion apparent à l’état sain (T0) et dégradés (T0 + 9 mois

et T0 + 18 mois)

x10-12 m²/s CEM I CEM IF CEM V CEM VF

app

D 8,50 2,20 2,00 2,00

e

D 2,50 0,60 0,65 0,50

Tableau II-16 : Coefficients de diffusion apparents et effectifs sur les bétons sains

Les résultats à T0 permettent de mettre en évidence l’influence des additions, à savoir les

renforcés de fibres. Le coefficient de diffusion des CEM V est 4 fois plus faible que celui des CEM I.

La diffusivité n’est pas fonction de la porosité totale, elle est liée à la structure du réseau poreux, à sa tortuosité et à sa connectivité. Ces différentes caractéristiques sont influencées par le ciment et les additions pouzzolaniques qu’il contient.

Sur des essais à l’eau tritiée sur des pâtes de ciment à base de CEM I et CEM V, Richet obtient des valeurs inférieures d’un ordre de grandeur sur CEM V comparé au CEM I [Richet 1992]. Des essais sur mortiers montrent que le coefficient de diffusion des mortiers de CEM I est quatre fois plus grand que sur les mortiers à base de CEM V [Perlot 2005]. D’autres études [Thomas et al. 1999a, Thomas et al 1999b, Ellis et al. 1991, Hassan et al. 2000] montrent l’influence des additions pouzzolaniques qui, diminuant la porosité et la taille des pores, conduisent à la diminution des coefficients de diffusion à condition que les bétons aient subi une cure humide suffisamment longue pour permettre l’hydratation la plus complète possible de ces différents composés.

Nos constatations vont dans le même sens que les conclusions de Thomas et Yssorche [Thomas et al. 1999b, Yssorche 1995] selon lesquels la fumée de silice réduit considérablement la taille des pores. Dans ces conditions, puisque les bétons renforcés de fibres en contiennent, leur coefficient de diffusion est attendu faible en comparaison de celui des bétons à base de CEM I.

Le coefficient de diffusion du CEM VF est de même ordre de grandeur que celui du CEM V. La présence des cendres volantes et des laitiers de hauts fourneaux modifie la microstructure des pores diminuant ainsi l’impact de la fumée de silice dans ce béton. La différence entre la microstructure du CEM V et du CEM VF est faible comparé à la différence entre le CEM I et le CEM IF.

Il se pose ici la question de l’influence des fibres sur les coefficients de diffusion. De même qu’il existe une auréole de transition autour des granulats qui a une porosité plus élevée que le reste de la pâte, on peut penser que l’interface fibre – matrice cimentaire peut constituer un lieu de prédilection de diffusion des chlorures. Néanmoins, vis-à-vis des résultats, et notamment ceux du CEM V et du CEM VF qui sont identiques, soit cet effet n’est pas prépondérant, soit il est contrebalancé par les effets bénéfiques de la fumée de silice.

Les résultats obtenus pour les bétons de référence sont similaires à ceux présentés dans les rapports d’étude de mise au point des formulations. Le coefficient de diffusion donné pour le

CEM I est de 9,3x10-12 m²/s [Mary-Dippe 2001], et de 1,8x10-12 m²/s pour le CEMV [Commene 2001].

Les coefficients de diffusion apparents ont été déterminés car ils seront nécessaire à la mise au point du modèle de décalcification. Ces résultats prennent en compte la fixation des chlorures sur les C-S-H et les aluminates. On note pour les quatre compositions une diminution d’un facteur allant de 3 à 4. Ce facteur pour le CEM I est semblable à ceux des compositions contenant des additions pouzzolaniques car bien que la quantité d’hydrates pouvant fixer les chlorures soit inférieure pour ce béton, la structure poreuse permet une pénétration plus rapide. Les chlorures pénètrent en profondeur et sont en contact avec suffisamment de C-S-H et d’aluminates pour qu’une quantité de chlorures soit fixée de manière semblable aux autres compositions.

Les résultats après 9 et 18 mois de dégradation permettent d’analyser l’influence de la décalcification sur les coefficients de diffusion, mais aussi d’appréhender la cinétique de cette dégradation. Après 9 mois de dégradation, la diffusivité pour les CEM I est environ 11 fois plus élevée alors que pour les trois autres compositions, la valeur est environ 25 fois plus grande. Le calcium étant plus difficilement accessible du fait d’une porosité plus fine pour les bétons contenant des composés pouzzolaniques, ces compositions subissent une attaque plus intense diminuant ainsi les propriétés de durabilité de manière plus importante en zone dégradée. Ces résultats sont en concordance avec ceux obtenus par Perlot [Perlot 2005] qui a étudié la diffusivité de mortier de CEM I et CEM V à l’état sain et dégradé. Cet auteur a aussi montré que le facteur d’augmentation des valeurs des coefficients de diffusion après décalcification était beaucoup plus fort pour les mortiers à base de CEM V.

La comparaison des résultats à 9 et 18 mois permet de déterminer la cinétique de dégradation sur les bétons. En effet, les résultats à 9 et 18 mois sont identiques pour le CEM I alors que pour les autres compositions, les coefficients de diffusion ont continué de progresser. De plus, la progression pour les bétons renforcés de fibres contenant de la fumée de silice, qui ont donc une microstructure plus compacte, est plus faible que celle du CEM V. Ces valeurs permettent d’affirmer que, dans le cas du CEM I, la zone dans laquelle a été mesurée la diffusion était totalement dégradée alors que pour les autres compositions, le phénomène de décalcification étant ralenti par la différence de microstructure, ces zones n’étaient après 9 mois de lixiviation que partiellement dégradées. Ces résultats sont en concordance avec les mesures de quantités

de calcium lixivié qui sont plus faibles pour les bétons à base de CEM V par rapport aux bétons de CEM I.

L’ensemble de ces observations sera considéré pour la modélisation de la lixiviation au chapitre III.