A. L’éthanol
4. Toxicité
a) Vue d’ensemble de la toxicité de l’éthanol
Par convention, la toxicité de l'éthanol est subdivisée en toxicité aiguë et en toxicité
chronique.
Les manifestations cliniques des intoxications aigues alcooliques sont bien connues, et sont
étroitement liées à l’alcoolémie. Ces symptômes sont essentiellement d’ordre
neuropsychiques, retrouvant une excitation intellectuelle et psychique, suivi d’un syndrome
cérébelleux accompagnant l’ivresse caractérisée, puis d’un coma plus ou moins profond
pouvant engager le pronostic vital par paralysie des centres respiratoires (Wimer et al. 1983;
Girre et al. 1995).
Chez l’Homme, les premiers symptômes sont observables à partir de 0.2 g/L, pouvant donner
lieu à une diminution de la coordination motrice, du temps de réaction, et des troubles du
jugement. Ces effets, caractérisant l’ébriété, disparaissent rapidement après la fin de
l’exposition (Bismuth et al. 2000). Les effets dépresseurs neuropsychiques de l’éthanol sont
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La toxicité chronique de l’éthanol est quant à elle multi-organe, retrouvant des atteintes
hépatiques, neurologiques, cardiovasculaires, hématologiques, reprotoxiques, ou encore des
maladies cancéreuses. L’objet de ce travail se voulant centré sur les hépatotoxicités, seules les
atteintes hépatiques seront développées dans cette présente partie. Toutefois, un travail de
synthèse plus global portant sur les effets néfastes et bénéfiques de l’éthanol, aussi bien aiguë
que chronique, ainsi que sur ses effets immunomodulateurs est présenté en Annexe 2 (Revue
2).
b) Pathologies hépatiques liées à l’éthanol
Les lésions hépatiques dues à l’éthanol peuvent être divisées en trois phases : la stéatose
hépatique alcoolique, la stéatohépatite alcoolique et la fibrose/cirrhose alcoolique. La figure
19 ci-dessous représente l’évolution de ces atteintes.
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a. Stéatose hépatique alcoolique
La stéatose, caractérisée par une accumulation de lipides au sein puis autour des hépatocytes,
est la plus répandue et la plus précoce des lésions hépatiques. Elle se développe chez plus de
90% des individus consommant quatre à cinq unités standard d’alcool de manière chronique
(Lieber 2004), ou chez les individus pratiquant le binge drinking , définit par une
consommation de quatre à cinq unités d’alcool en moins de 2 h. Etant réversible, la stéatose
hépatique est de bon pronostic, bien que sa chronicité constitue un facteur de risque de
pathologies fibrotiques hépatiques (Teli et al. 1995).
Sa physiopathologie est étroitement liée au métabolisme oxydatif de l’éthanol, générant des
hauts niveaux de NADH et de l’acétaldéhyde, qui altèrent la balance redox cellulaire. En
conséquence, la protéine early growth response-1 (Egr-1) est induite, entrainant d’une part
l’activation du facteur de transcription sterol regulatory element binding protein-1C
(SREBP-1c) qui induit l’expression des gènes de la lipogenèse et d’autre part la synthèse de TNF-α,
une cytokine lipogénique (Osna et al. 2017) (Figure 20).
Figure 20 : Mécanismes proposés d’induction de la lipogenèse hépatique par l’éthanol
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Parallèlement à cette augmentation de la production lipidique intra-hépatique, il est
aujourd’hui bien décrit que l’éthanol altère la synthèse des lysosomes, indispensables au bon
fonctionnement de la lipophagie. Ce processus, qui permet la digestion lipidique par des
lipases et l’entrée dans la β-oxydation mitochondriale, est donc retardé (Kharbanda et al.
1995). De plus, la génération de NADH lors de l’oxydation de l’alcool, et la toxicité
mitochondriale de l’acétaldéhyde inhibent la β-oxydation, résultant en une augmentation de
l’accumulation lipidique.
Enfin, l’éthanol s’est montré inhibiteur de la production de very low density lipoprotein
(VLDL), constituant responsable de l’export hépatique de triglycérides et de cholestérol
(Kharbanda et al. 2009).
En provoquant la lipolyse au niveau des adipocytes, la consommation chronique d’alcool
augmente également la fraction d’acides gras libres pouvant être capté par le foie (Wei et al.
2013). Par ailleurs, il est important de souligner que la production précoce de ROS lié à son
métabolisme est responsable d’une augmentation rapide de la fluidité membranaire des
hépatocytes. Cette dernière, provoquant une élévation secondaire de la teneur en fer de bas
poids moléculaire cytoplasmique, conduit à une augmentation de la production de ROS. Ce
phénomène peut alors induire une peroxydation lipidique et le déclenchement de l’apoptose
(Sergent 2004). Considérant cette explosion de la production de ROS par l’augmentation de la
fluidité membranaire, on comprend dès lors l’effet pervers d’une consommation chronique
d’alcool.
b. Stéatohépatite alcoolique
La stéatohépatite alcoolique, qui se développe à partir de la stéatose sous-jacente, survient
chez 30 à 40% des individus rapportant une consommation chronique d’alcool. En effet, les
lipides accumulés au sein des hépatocytes sont d’avantage sujet à la peroxydation lipidique et
aux dommages oxydatifs subséquents. Elle est associée à un fort taux de mortalité à court
terme (Osna et al. 2017).
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Les cellules de Küpffer jouent un rôle central dans la progression dans l’induction de
l’inflammation hépatique. Ces cellules, représentant 15% des cellules hépatiques et 50% des
macrophages de l’organisme, sont classiquement regroupées en deux phénotypes : les
macrophages M1 pro-inflammatoires, et les macrophages M2 anti-inflammatoires. Cette
polarisation est fonction de leur microenvironnement, incluant les facteurs de croissance
circulants, les cytokines, les PAMPs, et les DAMPs, venant notamment du système digestif
par la veine porte.
Lors d’une exposition chronique à l’éthanol, des interactions complexes impliquant les effets
de l’acétaldéhyde, les ROS, les lésions médiées par les endotoxines intestinales
(Lipopolysaccharide (LPS)) et le stress du réticulum endoplasmique sont responsables de la
polarisation des macrophages en phénotype M1 pro-inflammatoire. Ces derniers, secrétant
alors des cytokines pro-inflammatoires, promeuvent l’activation de l’inflammasome NLRP3
et le relargage de chimiokines, provoquant l’infiltration hépatique de cellules du système
immunitaire comme les polynucléaires neutrophiles et les lymphocytes (Bode et Christian
Bode 2003; Osna et al. 2017).
Les lésions hépatocytaires, et le relargage de signaux de danger associés comme l’ATP, liées
notamment au métabolisme oxydatif de l’éthanol, serait également responsable d’une
activation de l’inflammasome NLRP3 via les récepteurs purinergiques. Parallèlement,
l’exposition à l’éthanol, notamment par l’intermédiaire du LPS, activerait le complément,
interagissant avec les récepteurs macrophagiques C3aR et C5aR et conduisant à
l’augmentation de la production de cytokines pro-inflammatoires (Dixon et al. 2013).
Le relargage massif de ces dernières, notamment le TNF-α, est directement responsable de la
mort des hépatocytes par apoptose et de l’entretien de l’hépatite alcoolique (Duddempudi
2012). La figure 21 ci-dessous représente les principaux mécanismes d’activation des
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Figure 21 : Principaux mécanismes impliqués dans l’activation des cellules de Küpffer
par la consommation d’éthanol. Etape 1 : Augmentation de la perméabilité intestinale
entrainant le relargage de LPS dans la circulation systémique et l’activation du récepteur
TLR4. Etape 2 : activation du complément, notamment par l’intermédiaire du LPS. Les étapes
1 et 2 entrainent la production de chimiokines, cytokines et médiateurs pro-inflammatoires.
Etape 3 : métabolisme oxydatif de l’éthanol; les ROS et l’acétaldéhyde entrainent l’activation
de l’inflammasome NLRP3 et la production de cytokines pro-inflammatoires. Etape 4 :
Dommages hépatocytaires dues au métabolisme oxydatif de l’éthanol entrainant le relargage
de signaux de danger, notamment l’ATP. Etape 5: L’ATP active l’inflammasome NLRP3 par
l’intermédiaire des récepteurs purinergiques. Etapes 6 : Relargage des chimiokines, cytokines
et médiateurs de l’inflammation produits en amont. Abbréviations : DAMPs : Danger
associated molecular patterns ; LPS : lipopolysaccharide ; ROS : reactive oxygen species.
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c. Fibrose et cirrhose hépatique alcoolique
La troisième phase est le reflet de la progression de la stéatohépatite à partir de l’état
inflammatoire, où la régénération des hépatocytes est sévèrement compromise. A ce stade, les
cellules stellaires hépatiques jouent un rôle clé dans le dépôt de matrice extracellulaire,
composant caractérisant la fibrose. Normalement quiescentes dans l’espace de Disse, ces
cellules subissent de complexes processus d’activation, du fait des lésions hépatiques, ainsi
que du relargage de cytokines pro-inflammatoires par les cellules de Küpffer (Osna et al.
2017).
La progression de la fibrose lors de l’inflammation chronique produite par l’éthanol mène au
remplacement progressif du parenchyme hépatique par un tissu cicatriciel, compromettant les
fonctions métaboliques et homéostasiques hépatiques (Osna et al. 2017). Ce stade de cirrhose
est alors le siège de développement de complications sévères, comprenant l’hypertension
portale et le carcinome hépatocellulaire, deuxième cause de décès par cancer (Grewal et
Viswanathen 2012).
Les mécanismes d’immunomodulation de l’éthanol apparaissent comme déterminants dans la
toxicité de cet alcool et ouvrent ainsi de nombreux champs d’exploration. Les cellules de
Küpffer, centrales dans la physiopathologie du tournant inflammatoires des alcoolopathies
hépatiques, attirent donc les regards quant à de nouveaux espoirs thérapeutiques. Dans cette
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Xénobiotiques hépatotoxiques : études de métabolisme et mécanismes d’action
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