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Chapitre 3 - Développement de formulations de pro-APLs pour une combothérapie

III. Les pro-APLs comme prodrogues antitumorales

III.2. Toxicité des APLs et des pro-APLs pour les cellules sanguines

possèdent une activité hémolytique trop importante pour qu’une administration par voie intraveineuse soit envisageable.54,73 Seule l’érufosine présente une activité hémolytique réduite et compatible avec son utilisation par cette voie.86 L’activité hémolytique de nos composés a donc été déterminée afin d’évaluer une possible augmentation de la tolérance des cellules sanguines vis-à-vis des pro-APLs. Ainsi, des globules rouges fraîchement préparés ont été mis en présence de concentrations croissantes d’APLs et de pro-APLs afin de déterminer la concentration nécessaire pour provoquer l’hémolyse de 50 % des cellules (Hemolytic Concentration, HC50). Après une incubation des hématies pendant une heure à 37 °C, la perte d’hémoglobine engendrée par l’action des lipides sur les membranes des cellules sanguines a été quantifiée et rapporté au contrôle d’hémolyse complète, qui est obtenue par l’ajout de Triton X-100 sur les globules rouges (Figure 87).

Figure 87. Activité hémolytique des APLs, mesurée sur des globules rouges de mouton, pendant 1 heure à 37 °C. Partant des protocoles les plus fréquemment trouvés dans la littérature (4% d’hématocrites, temps d’incubation d’une heure), nous avons déterminé une activité hémolytique HC50 de 42 µM pour la miltéfosine et de 45 µM pour la périfosine, alors que celle de l’érufosine s’est révélée 3 fois supérieure et s’établit à 135 µM. En ce qui concerne la miltéfosine, les données recueillies sont en accords avec celles de la littérature, à savoir, 41 µM pour 4 % d’hématrocytes,347 ou 34,4 µM pour 2 % d’hématrocytes.348 Nous n’avons trouvé aucune publication rapportant une valeur de HC50 pour la périfosine dans le cas de suspensions de globules rouge, mais seulement pour du sang humain complet.321 L’activité hémolytique 3 fois plus faible de l’érufosine comparée à celle des autres APLs confirme l’intérêt potentiel de ce composé.85

La même analyse a ensuite été menée sur les composés ME12 (4), EE12 (18) et PE12 (13), retenus pour le transfert de gènes (Figure 88). Contrairement aux APLs, il a été impossible de déterminer la HC50 des trois pro-APLs après seulement 1 heure d’incubation. En effet, dans ces conditions, le taux d’hémolyse, pour la concentration maximale de 200 µM, n’est que de 16 % dans le cas de ME12 (4) et il est nul pour les autres pro-APLs.

Figure 88. Activité hémolytique des pro-APLs, mesurée sur des hématies de mouton exposés à des concentrations

croissantes, pendant 24 heures, à 37 °C.

Ce n’est qu’après une durée de 24 heures qu’une activité hémolytique notable est observée et qu’une valeur de HC50 peut être déterminée. Des trois pro-APLs, c’est donc le composé ME12 (4)

qui présente l’activité hémolytique la plus importante, avec une HC50 de 90 µM. Pour la pro-périfosine PE12 (13), elle est de 140 µM. Quant à la pro-érufosine EE12 (18), les données collectées ne permettent pas de déterminer une HC50, puisque le taux d’hémolyse atteint après 24 heures d’incubation à la plus forte concentration de lipide (200 µM) n’est que de 13 %, la même concentration en érufosine induisant 85 % d’hémolyse après seulement 1 heure d’incubation.

Comme pour le profil de toxicité des lipoplexes (vide supra), nous avons représenté sur les graphes d’hémolyse la plage de concentration en lipide correspondant aux expériences de transfection in vitro. Ceci permet de constater que les pro-APLs ne sont pas du tout toxiques vis-à-vis des cellules sanguines à ces concentrations.

Nous avons étudié le profil d’hématotoxicité d’autres pro-érufosines synthétisées au cours de cette thèse, pour la même plage de concentration (3 à 200 µM), afin d’apporter des précisions supplémentaires quant à l’influence de la structure chimique des pro-APLs sur leurs propriétés biologiques. Les taux d’hémolyses obtenus dans cette plage de concentration n’étant pas suffisants pour déterminer des HC50, nous avons uniquement représenté ce taux à la concentration la plus forte testée (200 µM), pour une incubation d’une heure et de 24 heures (Tableau 13).

Tableau 13. Taux d’hémolyse (en %) de globules rouges (4 % d’hématocrytes dans le PBS) incubés pendant 1 et

24 heures avec 200 µM des diverses pro-érufosines.

Temps E 3 EE2 36 EE6 37 EE12 18 EE’12 19 EC12 20 EC’12 21 EE18 42 EE18:1 22 EC-DTG 50 EGem 58

1 h 85 28 25 0 0 0 0 0 2 2 26

24 h - 31 83 13 14 10 15 11 2 72 76

La présence d’un substituant sur le pont acétalique ne semble pas être un facteur déterminant dans la toxicité envers les cellules sanguines. Comme attendu, la présence du motif détergent sur le composé EC-DTG (50) induit une forte hémolyse après 24 heures, ce qui est en accord avec les précédentes observations faites pour ce composé, à savoir une augmentation notable de toxicité par rapport aux autres représentants de la série. Le composé EGem (58) montre également une activité hémolytique importante à 24 heures, même si elle reste inférieure à celle de l’érufosine (d’un facteur 3 à 1 h), ce qui rend éventuellement compte du temps nécessaire pour son hydrolyse. Ceci est particulièrement intéressant compte tenu du fait que nous avons précédemment observé une activité antitumorale semblable à celle de l’érufosine pour ce composé.

De manière générale, les résultats obtenus dans le cadre de cette étude mettent en évidence que la transformation des APLs en pro-APLs améliore très sensiblement leur hématocompatibilité, ce qui valide une partie de nos hypothèses de travail. Cependant, il convient de souligner que l’activité hémolytique a été évaluée pour les pro-APLs nus. En ce qui concerne des lipoplexes

incorporant des pro-APLs, Il est probable que l’hématotoxicité serait encore réduite, mais nous n’avons pas vérifié ce point particulier.

III.3. Conclusion sur la toxicité des pro-APLs

L’étude de la toxicité des APLs et des pro-APLs a donc été réalisée, à la fois, sur des cellules pulmonaires (A549, H292 et 16HBE) et sur des cellules sanguines (érythrocytes de mouton). Ceci a permis d’estimer le potentiel cytotoxique de nos composés dans notre modèle d’étude pour le transfert de gènes, mais aussi d’évaluer leur hématocompatibilité, dans l’optique d’une administration par voie i.v.

L’étude sur les cellules épithéliales pulmonaires a révélé que les pro-APLs possèdent une activité cytotoxique assez similaire à celle des APLs, mais aucune preuve d’une quelconque sélectivité pour les cellules tumorales vis-à-vis des cellules saines n’a pu être apportée. En plus de conduire à des particules de transfection efficaces, les pro-APLs ME12 (4), EE12 (18) et PE12 (13) présentent également un bon potentiel antitumoral, avec des effets légèrement moins importants dans le cas des cellules non cancéreuses 16HBE. Bien que les informations recueillies pour le composé EGem (58) permettent de mettre en lien les propriétés de toxicité avec le potentiel de relargage de l’APL parent, nous n’avons pas tenté de mettre en évidence ledit phénomène de relargage de l’APL dans le compartiment intracellulaire. Pour autant, la preuve de concept de la réversibilité des pro-APLs a été faite lors de l’étude de stabilité hydrolytique de ces composés. L’étude de l’hématotoxicité, quant à elle, suggère que les pro-APLs sont des composés mieux tolérés que les APLs parents, ce qui soutient l’hypothèse initiale qui sous-tend tout notre travail.