• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 - Introduction bibliographique

II. Les alkylphospholipides (APLs) contre le cancer

III.1. Les acides nucléiques comme médicaments

III.1.2. L’utilisation thérapeutique d’un plasmide TRAIL

III.1.2.1 TRAIL comme messager de mort cellulaire

Nous avons vu un peu plus tôt que la protéine TRAIL (TNF-Related Apoptosis Inducing

Ligand, ApoL/2) appartient à une famille de ligands impliqués dans la voie extrinsèque de

l’apoptose (Figure 10). De manière plus précise, il s’agit de la superfamille des TNF (Tumor

Necrosis Factor) qui comprend environ 20 ligands et plus de 30 récepteurs intervenant dans de

La protéine TRAIL, identifiée en 1995 sur la base de son homologie de séquence avec le domaine extracellulaire de FasL et du TNF,156 est un ligand d’intérêt thérapeutique. En effet, l’administration

in vivo de la protéine TRAIL induit la suppression de la croissance tumorale par un mécanisme

épargnant les cellules saines.157 Depuis, son potentiel a été étudié dans de nombreuses études cliniques,158 prouvant que son administration est bien tolérée chez l’Homme. Il semble alors que l’utilisation d’un plasmide codant pour la protéine TRAIL pourrait être pertinent dans des applications cliniques en oncologie.

III.1.2.2 La résistance tumorale à TRAIL

Chez l’Homme, la protéine TRAIL peut se lier à 5 récepteurs différents, dont 2 récepteurs de mort qui peuvent induire l’apoptose, TRAIL-R1 (DR4, TNFRSF10A)159 et TRAIL-R2 (DR5, TNFRSF10B) (Figure 14).160 La liaison se fait au niveau d’un domaine de mort (DD) intracellulaire et conduit à la formation du complexe DISC (Death-Inducing Signaling Complex) et à l’activation de diverses caspases. Dans certains types de cellules cancéreuses (cellules de type I), l’activation de ces caspases par TRAIL et l’initiation de la voie extrinsèque sont suffisantes pour induire l’apoptose. Dans d’autres cas (cellules de type II), il est nécessaire d’initier également la voie intrinsèque.161

Figure 14. La présence de plusieurs récepteurs TRAIL peut induire l’apoptose mais également la survie cellulaire,

rendant son utilisation délicate dans certaines cellules tumorales.162

Malgré de nombreux travaux sur les récepteurs de TRAIL, aucune réelle différence n’a été identifiée à ce jour entre les 2 récepteurs actifs, si ce n’est que TRAIL-R1 semble principalement impliqué dans les leucémies chroniques,163 tandis que TRAIL-R2 le serait dans les cancers du côlon et du sein.164 Il convient également de noter que si certaines caractéristiques de TRAIL, notamment sa sélectivité, en font une cible thérapeutique prometteuse, certaines sont à l’origine de la résistance de nombreuses cellules tumorales. En effet, les 3 autres récepteurs de TRAIL, TRAIL-R3 (DcR1, TNFRS10C),165 TRAIL-R4 (DcR2, TNFRS10D)166 et ostéoprotégérine (OPG, TNFRSF11B)167

sont dits inhibiteurs et présentent, respectivement, un domaine de mort inexistant, incomplet ou extracellulaire (Figure 14). Le récepteur TRAIL-R3 est lié à la membrane plasmique par une ancre GPI et la fixation de TRAIL à ce dernier n’induit donc pas la formation du complexe DISC. Le récepteur TRAIL-R4, lui, inhibe l’activation des caspases sans pour autant empêcher la formation du complexe DISC, probablement du fait de la structure originale de TRAIL-R4 qui présente un domaine de mort tronqué. Le rôle du récepteur OPG n’est pas encore bien établi mais il semble cependant que sa présence dans l’environnement tumoral bloquerait l’action de TRAIL. Enfin, la fixation de TRAIL à ses récepteurs peut également d’induire des voies de signalisation de la survie cellulaire, comme NF-B,168 MAPK,169 et PI3K/Akt.170

L’équipe de Hymowitz a établie en 1999 une structure cristallographique de TRAIL liée à son récepteur TRAIL-R2 (Figure 15).171 Cette structure montre trois monomères de TRAIL-R2 liés à la protéine trimérique TRAIL, une configuration caractéristique des ligands des TNF. À l’image de CD95 et des autres ligands des TNF, la fixation de TRAIL au niveau des rafts lipidiques induit un regroupement de monomères et une trimérisation des récepteurs, ce qui constitue l’élément déclencheur de la formation du complexe DISC et de la cascade apoptotique.

Figure 15. Structure cristalline de la protéine TRAIL en interaction avec son récepteur TRAIL-R2.171

Comme TRAIL a la possibilité de recruter différents récepteurs, le trimère de récepteurs formé peut être homotrimérique (recrutement de trois récepteurs identiques), mais également hétérotrimérique (recrutement d’une combinaison de récepteurs distincts). Si les récepteurs mis en jeux sont exclusivement les récepteurs de mort (DR4 ou DR5), alors le trimère évolue vers la formation du complexe DISC, ainsi que la cascade des caspases qui en découle (Figure 16). De nombreux recrutements de ces récepteurs constituent un DISC fort et une réponse importante. Par contre, si des récepteurs inhibiteurs (DcR1, DcR2 ou OPG) sont impliqués dans ces hétérotrimères, cela peut conduire à la formation d’un DISC faible, incapable de recruter les caspases initiatrices et constitue donc une voie d’inhibition. Les cellules tumorales présentant de forts taux d’expression des récepteurs inhibiteurs possèdent donc une résistance potentielle à l’induction de l’apoptose par TRAIL.

Figure 16. Principe de régulation des voies de signalisation de TRAIL et des phénomènes de résistance associée,

par l’intervention des récepteurs inhibiteurs dans la formation des hétérotrimères de récepteurs.162

III.1.2.3 L’utilisation de TRAIL en clinique

Si les mécanismes d’action du ligand TRAIL ne sont pas encore tous élucidés, la capacité de celui-ci à induire sélectivement l’apoptose de cellules tumorales a rapidement entraîné le développement, puis l’entrée en clinique, de protéines recombinantes et d’anticorps contre les récepteurs de mort. Ainsi, la protéine recombinante non taguée Dulanermin® (Apo2L.0 ou rhApo2L/TRAIL), développée par l’équipe d’Ashkenazi en 1999,172 fait actuellement l’objet d’études cliniques en phase III pour des applications en monothérapie,173 ou en combothérapie.174

Cependant, des limitations cliniques résultent de sa demi-vie courte (moins d’une heure)175 et de résistances tumorales intrinsèques et acquises.176 Des anticorps spécifiques contre les récepteurs de mort ont également été produits177 et évalués en clinique.178 Malgré une stabilité satisfaisante et une demi-vie de plusieurs jours, ces derniers se sont avérés décevants et n’ont pas fournis les résultats escomptés.

Diverses stratégies ont été développées pour améliorer la délivrance de protéines TRAIL recombinantes et de gènes codant TRAIL.158 Par exemple, diverses formulations de nanoparticules ont été développées pour encapsuler ces protéines ou les intégrer dans la structure des particules sans altérer leur affinité pour les récepteurs.179 La vectorisation d’un plasmide d’ADN codant TRAIL par des nanoparticules PEGylées conjuguées à l’albumine, quant à elle, a fourni de bons résultats lors de l’administration intraveineuse chez la souris, pour le traitement de gliomes.180 La vectorisation de ce même plasmide au sein de fibroblastes résistants a permis d’établir un réservoir biologique de production de TRAIL pouvant induire l’apoptose des cellules environnantes non résistantes.181

III.1.2.4 Conclusion

L’utilisation de TRAIL à des fins thérapeutiques semble prometteuse, à la vue de son implication dans de multiples études, même si elle est délicate, notamment en raison d’un nombre important de cellules tumorales résistantes. C’est ce système que nous avons choisi pour développer une partie de notre étude (cf. Chapitre 3 – IV. Les pro-APLs en combothérapie antitumorale).