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CHAPITRE 1 : LA MUTATION DU SYSTÈME DE SANTÉ ET SES CONSÉQUENCES SUR

2. LE « TOURNANT GESTIONNAIRE » DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ : LA

Dans cette section, nous nous proposons d’interroger, à partir d’un ancrage plus micro, les conséquences de ce phénomène d’industrialisation des soins présenté au préalable sur l’organisation interne des établissements de santé. Nous présenterons dans un premier temps les différentes transformations de l’organisation induites par ces réformes (restructurations, nouveaux dispositifs gestionnaires), particulièrement dans les cliniques privées (2.1). Dans un second temps, nous verrons que ce « tournant gestionnaire » (Detchessahar et Grevin, 2009) fait ressortir deux problématiques majeures inhérentes à l’activité de soins, celle de la coordination (2.2.) et de la gestion de l’aléa (2.3).

2.1. Conséquences de l’industrialisation des soins : le « tournant gestionnaire » des établissements de santé

La thèse doit donc permettre d’ouvrir cette « boîte noire » que les réformes décrites précédemment ne cherchent pas à pénétrer. L’information fournie par le PMSI aux tutelles locales est en effet extrêmement synthétique et constitue surtout un critère d’évaluation simple en matière d’allocation des ressources (Moisdon, 2000). L’analyse plus fine de la performance est laissée à la responsabilité de chaque établissement incité à prendre les mesures nécessaires afin de respecter la dotation accordée par l’Etat. Les réformes du secteur de la santé visent alors à « l’élaboration (…) de nouvelles doctrines, méthodes et instrumentations en matière de gestion, et prenant en compte l’activité médicale » (id., p. 40) : on assiste ainsi à un véritable tournant gestionnaire des établissements de santé.

En effet, les réformes déployées, et notamment le PMSI, conduisent à une mise en concurrence des établissements (Lenay, 2001). C’est, nous l’avons vu, un des principes du NPM : avec les nouveaux modes de régulation du secteur de la santé, une concurrence se met en place entre les établissements sur l’allocation des ressources. Mais au-delà, l’instrumentation gestionnaire génère une forme de concurrence en ce qu’elle permet la comparaison entre les établissements (plus grande transparence des pratiques, fixation de critères et standards) en matière de qualité (Halgand, 2003 ; Minvielle, 2003) mais aussi de gestion comptable et financière. Nous avons également fait état, dans la première partie, de la logique sous-jacente portée par ces différentes réformes, celle de la standardisation des soins et de l’implémentation de méthodes traditionnellement utilisées dans le secteur

privé (NPM), un constat qui nous a conduits à qualifier le phénomène d’« industrialisation des soins ». Enfin, nous avons montré que ces réformes cherchent à rendre les établissements de santé responsables de leur gestion (Lenay, 2001) en les incitants à s’engager dans une démarche de rationalisation : dans cette perspective, des fonds sont mis à la disposition des ARH par l’Etat entre 1998 et 2000 pour soutenir financièrement des actions de recomposition ou de réorganisation en interne (Couty, 2009). On peut par exemple citer le FMCP, un fond de modernisation à destination des cliniques privées. Par ailleurs, avec le Plan hôpital 2007, est créée la MeaH (Mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers), un organisme qui doit aider les établissements à améliorer leur organisation interne (en matière de qualité, d’efficience et de conditions de travail) et qui sera absorbé par l’'Agence Nationale d'Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) qui voit le jour en 2009 avec la loi HPST.

Compte-tenu de ces considérations, les réformes mises en place à un niveau macro ne sont pas sans effet sur l’organisation interne des établissements de santé qu’ils soient publics ou privés. Le modèle d’affaire de ces établissements est en réalité profondément bouleversé et les restructurations, souvent qualifiées de « restructurations industrielles » (Piovesan, 2003), s’accélèrent du fait des réformes en place (Couty, 2009). Les établissements sont notamment incités à la recherche d’économies d’échelle et on assiste dans cette perspective à bon nombre de fusions (Raveyre et Ughetto, 2003), notamment pour les cliniques privées (Piovesan, 200327). Certains sites se voient également contraints

de fermer et des activités sont arrêtées tandis que d’autres sont regroupées28. On observe

également des fermetures de lits. Les dépenses en matière de personnels sont par ailleurs comprimées29 (Tonneau, 1998). En outre, des mouvements d’externalisation ou de sous-

traitance (Piovesan, 2003) voient le jour, notamment sur les fonctions logistiques (buanderie, entretien…). Ces restructurations sont particulièrement importantes pour les cliniques privées (id.) où le nombre de lits et le nombre d’établissements diminuent plus

27 L’auteur montre sur cet aspect que les opérations de croissance externes sont le mode de développement privilégié des cliniques privées.

28 Les raisons invoquées face à l’arrêt d’une activité ou la fermeture d’un site tiennent tout autant à la qualité qu’à des problématiques de rentabilité financière : par exemple, le centre national de la chirurgie stipule que les établissements réalisant moins de 2000 actes chirurgicaux / an ne permettent pas d’assurer la qualité et la sécurité des soins chirurgicaux tandis qu’en matière de coûts, la Fédération Hospitalière de France (FHF) estime que l’exploitation d’une activité chirurgicale n’est équilibrée que si l’établissement réalise un minimum de 4000 actes chirurgicaux par an (Couty, 2009).

29 Les frais de personnels représentant le premier poste de dépenses dans les établissements de santé (soit 50 % des charges d’exploitation des cliniques privées, selon Piovesan (2003, p. 238)).

fortement que dans le public. Piovesan (2003) souligne par ailleurs l’ampleur des phénomènes de spécialisation des cliniques privées, notamment sur l’activité chirurgicale.

Parallèlement à ces restructurations, on assiste en interne au déploiement de toute une instrumentation gestionnaire d’essence industrielle, tournée vers la performance et l’optimisation du système. La division du travail s’accroît, accompagnée d’une stricte « procéduralisation » des tâches (Pascal, 2003, p. 193). Certaines fonctions sont réorganisées pour faire davantage correspondre rémunération et niveau de qualification (Lapointe et al., 2000). Une vague d’informatisation se déploie par ailleurs dans les établissements de santé pour répondre à des enjeux de coordination, de transparence, tout autant que de traçabilité des actes. Un nouveau vocable émerge également dans les collectifs de travail qui emploient désormais des notions jusqu’alors inconnues telles que « démarche qualité », « contrôle qualité » (Fraisse et al. 2003), ou encore « flexibilité » et « efficience » (Amar et Berthier, 2006). La rationalisation interne des établissements de santé passe également par une tentative d’optimisation de l’espace (de Kervasdoué, 2004) mais aussi du temps : on note sur ce plan une tendance très nette au raccourcissement des durées moyennes de séjours (DMS) (Acker, 2005) et à une hausse conséquente du nombre de patients pris en charge (le « taux de rotation » des malades s’accroît, relèvent ainsi Raveyre et Uhghetto, 2003). Ce phénomène s’explique notamment par le « virage ambulatoire » (Lapointe et al., 2000) que prennent les établissements (de plus en plus de patients dont la prise en charge exige une intervention chirurgicale sont ainsi accueillis en hôpital de jour) mais également par le fait que les traitements et convalescences sont désormais effectuées à l’extérieur de l’hôpital (id.). De Kervasdoué (2004) envisage à ce titre l’hôpital comme un lieu de passage davantage que d’hébergement et écrit dans cette perspective : « L’hôpital de demain sera, pour ce qui est de son architecture, plus proche d’un aéroport que d’un

hôtel30 » (p. 36). L’optimisation du temps se traduit de surcroît par une tentative croissante

de programmation et de planification de l’activité, particulièrement au bloc opératoire (Tonneau et Lucas, 2006) : des contraintes de réalisation (ordre des tâches, rythme, délais) sont dès lors associées à l’application des procédures. Enfin, de nouveaux indicateurs de performance voient le jour31.

30 Cette prédiction est critiquée par Molinier (2010) selon qui la logique de gestion dont il est ici question est peu compatible avec la logique du care portée par les soignants : sur ce plan particulièrement, l’auteur montre que le temps de la gestion n’est pas celui du care (temporalité longue, logique du care faite d’inattendue) (p. 162).

31 Au bloc opératoire par exemple, sont parfois mesurés, à l’aide de l’outil informatique, les temps réels d’occupation des salles (TROS : de l’entrée du patient en salle jusqu’à la remise en état de la salle), les temps de vacation offerts aux praticiens, les temps réels d’occupation de la vacation d’un praticien… autant d’indicateurs qui permettent ensuite au management de calculer des ratios de

2.2. Les enjeux en matière de coordination de l’activité

Une problématique majeure dans les établissements de santé réside dans « la difficulté de faire ensemble » (Pascal, 2000) face à la diversité des tâches, des professions, des logiques et des intérêts à l’œuvre dans le processus de soins. La coordination des pratiques et des acteurs constitue ainsi un enjeu central dans les organisations de santé. On peut dès lors s’interroger sur la façon dont les acteurs se coordonnent à l’hôpital mais aussi, compte-tenu des constats exprimés au préalable, des impacts du tournant gestionnaire des établissements de santé sur la coordination des soins. C’est cette question que nous nous suggérons ici d’étudier.

2.2.1. La coordination au cœur de la performance des établissements

L’organisation hospitalière se caractérise par une division du travail très marquée et par une spécialisation importante, une tendance croissante ces dernières années, nous l’avons vu au préalable. Ainsi, des acteurs aux fonctions, compétences et niveaux hiérarchiques différents se côtoient à l’hôpital. Glouberman et Mintzberg (2001) distinguent, dans cette perspective, quatre mondes d’action au sein des établissements de santé :

 le monde des médecins (au sein duquel différentes spécialités coexistent d’ailleurs, ce qui contribue à accroître la parcellisation à l’hôpital) tourné vers la guérison du patient (« cure ») ;

 le monde des infirmières que nous généraliserons aux soignants en général (aides- soignantes…), un monde tourné vers les soins (« care » : le travail relationnel avec le patient est central)32 ;

le monde du management tourné vers le contrôle (« control ») ;

 les administrateurs (conseil d’administration, patient…), c'est-à-dire la communauté (« community ») ou encore le monde extérieur (Moisdon, 2008) : ce monde dirige ou contraint l’hôpital depuis l’extérieur (Piovesan33, 2003).

Glouberman et Mintzberg (2001) les présentent comme des mondes d’action séparés : ils possèdent en effet des logiques et un langage différents, et poursuivent des objectifs bien performance tels que les taux d’occupation du bloc, les taux de débordements (activité réelle par rapport au programme opératoire), etc. (Tonneau et Lucas, 2006) afin d’évaluer la pertinence de l’organisation actuelle au regard des moyens disponibles et de l’activité constatée.

32 On pourrait ici également rattacher les fonctions logistiques propres à l’activité de soins - agents de service et brancardiers – dont les auteurs ne font pas état. Le patient (confort, satisfaction, sécurité…) est en effet au cœur de la représentation que ceux-ci se font de leur métier.

33 L’auteur identifie à ce sujet une limite importante du modèle de Glouberman et Mintzberg (2001) : celui-ci ne prend pas en compte un acteur essentiel aujourd’hui pour qui s’intéresse aux établissements de santé, à savoir les tutelles.

distincts (Grosjean et Lacoste, 1999). Glouberman et Mintzberg distinguent ainsi deux types de clivages : un clivage vertical34 (« up » vs « down ») – distinction entre les opérationnels,

directement impliqués dans l’activité de soins, et le management stratégique (Piovesan, 2003) – et un clivage horizontal (« in » vs « out ») qui tient à l’appartenance ou non à l’organisation (les médecins des cliniques privés travaillent dans la structure mais pas pour la structure (ils ne sont pas salariés, ne rendent pas de compte au management de l’établissement), une distinction importante qui vient complexifier encore davantage les relations entre ces différentes mondes d’action). Ces quatre mondes peuvent néanmoins s’entendre sur certains aspects, Glouberman et Mintzberg (2001) relevant l’existence d’alliances et de coalitions d’intérêt qu’il faut comprendre si l’on veut parvenir à réunir dans un système unique ces quatre mondes d’action. La figure présentée ci-dessous résume la perspective défendue par les deux auteurs :

Figure n°2 – Les différents mondes d’action au sein des établissements de santé et les coalitions d’intérêts

Source : d’après Glouberman et Mintzberg (2001), p. 58 et 67

34 Un clivage qui renvoie à deux types de pouvoir bien distincts, celui de l’expert, impliqué dans les soins, et qui tire sa légitimité des savoirs médicaux ou techniques possédés, et celui que procure la règle, la hiérarchie formelle.

Mais la division du travail dans les organisations de santé n’est pas seulement fonctionnelle, loin de là. Grosjean et Lacoste (1999) mettent ainsi en évidence la « transversalité » de l’activité de soins marquée par l’existence d’un collectif certes fonctionnellement dispersé mais aussi « spatialement et temporellement éclaté » (p. 54). Ainsi, les différents services et fonctions sont répartis géographiquement dans l’établissement, parfois fortement éloignés les uns des autres, et des équipes se relaient nuit et jour au sein de ces unités de façon à assurer la continuité des soins.

Pourtant, le travail de ces différents mondes, services ou acteurs, qui interviennent dans des lieux et à des temporalités diverses, est centré autour d’un objet unique : le patient (Pascal, 2003). Or, cette situation crée des dépendances interindividuelles entre les acteurs, aussi bien du point de vue du partage d’informations qu’en termes d’agencement physique entre les unités (patient potentiellement occupé dans un autre service pour une autre fin) (Martin et Gadbois, 2004). Finalement, la performance d’un établissement de santé dépend en grande partie de sa capacité à coordonner le processus de prise en charge ou les différentes trajectoires de maladie (Strauss, 1992a), comme de nombreux auteurs le mettent en évidence : tandis que Tonneau (1998) écrit que « l’efficacité et la qualité des soins apparaissent de plus en plus liées à une prise en charge globale et organisée des malades au sein de l’institution hospitalière » (p. 64), Moisdon (2008) estime quant à lui que « le niveau de performance atteint, que ce soit en termes de qualité, mais aussi en termes de coûts et de conditions de travail, dépend de la façon dont sont coordonnées ces trajectoires » (p. 176). Effectivement, la coordination est un élément central pour garantir la qualité des soins : certaines études montrent par exemple qu’une bonne coordination a un impact positif sur le résultat des soins (plus faible taux de mortalité) (Charns et al., 2000). La coordination est ainsi un critère essentiel des référentiels qualité (Fraisse et al. 2003 ; Charns et al., 2000 ). Mais par ailleurs, la coordination est essentielle dans la logique d’efficience poursuivie par les établissements de santé aujourd’hui : la rationalisation, la planification de l’activité obligent à penser l’organisation en termes de processus (Minvielle, 1996). L’enjeu n’est alors pas seulement d’optimiser les différentes étapes de la prise en charge du patient de manière isolée, mais bien de concevoir l’activité à un niveau global, dans lequel les interactions entre ces étapes doivent, elles aussi, être prises en compte et maîtrisées, de façon à ce qu’elles s’enchaînent dans des délais très courts (Nobre et Merdinger-Rumpler, 2002) : il s’agit de favoriser un enchaînement fluide et rapide des actions, des informations et des décisions (Zarifian, 1996).

La coordination constitue alors un enjeu majeur pour les établissements de santé dans le contexte actuel. Or, Moisdon (2008) fait état d’un important déficit de coordination dans les organisations de santé, un constat qui appelle à approfondir cette question. La coordination doit en particulier être examinée par les gestionnaires : elle touche en effet, nous l’avons vu, à des aspects de performance (économique mais aussi en matière de qualité), d’organisation du travail et appelle à analyser les dispositifs gestionnaires en place, à en examiner les effets positifs mais aussi délétères sur le travail. Il s’agit notamment d’étudier les conséquences du tournant gestionnaire mis en évidence au préalable sur les modes de coordination actuels.

2.2.2. Conséquences du tournant gestionnaire : l’hôpital, une bureaucratie professionnelle ?

Dans son analyse des structures organisationnelles, Mintzberg (1982) suggère l’existence de cinq mécanismes de coordination35 : l’ajustement mutuel à travers lequel la coordination

se réalise par « simple communication informelle » (p. 19), la supervision directe où une personne est responsable du travail d’autres acteurs, donne des instructions en amont et contrôle la réalisation du travail en aval, et enfin la standardisation des procédés, des résultats et des qualifications. Avec la standardisation des procédés, « le contenu du travail est spécifié ou programmé » (p. 21), rendant toute forme de supervision ou de communication superflue. La standardisation des résultats implique de définir à l’avance les performances à atteindre, tandis que la standardisation des qualifications s’appuie sur la normalisation des compétences et des savoirs-faires des acteurs, à travers la formation qu’ils reçoivent. L’auteur a, par la suite, introduit une autre forme de coordination et l’a notamment appliquée au milieu hospitalier : la standardisation des normes (Mintzberg et Glouberman, 2001), par laquelle les acteurs partagent des valeurs communes.

35 Cette classification a été révisée par un certain nombre d’auteurs. Elle est par exemple retravaillée par Nizet et Pichault (1995, p. 45) qui suggèrent de regrouper les six mécanismes de coordination ainsi décrits en trois ensembles : la coordination s’appuie alors soit sur les « relations

interpersonnelles » qui s’établissent entre les acteurs (supervision et ajustement mutuel), soit sur

le « travail de formalisation » (standardisation des procédés et des résultats), soit sur la « constitution de représentations mentales appropriées » (standardisation des qualifications et des normes). La classification de Mintzberg (1982) a également été réinterprétée par Lorino (1997, p. 119) au travers de deux axes, l’un politique (la coordination est-elle imposée par voie hiérarchique ou émerge-t-elle dans l’activité ?) et l’autre sémiotique (la coordination est-elle explicite (s’appuie- t-elle sur la circulation de signes ?) ou implicite (s’appuie-t-elle sur la similarité entre les cartes mentales des acteurs ?) ?). L’ensemble de ces écrits appelle à prêter attention dans l’analyse des modes de coordination aux questions de pouvoir, aux dispositifs formalisés (règles, outils…), mais également aux aspects informels inhérents à l’activité (savoirs sous-jacents partagés, échanges interpersonnels…), trois dimensions auxquelles nous serons particulièrement attentive dans la suite de notre propos.

Effectivement, Mintzberg (1982) a lui-même travaillé sur la question de l’hôpital qu’il appréhende comme une « bureaucratie professionnelle » au sein de laquelle la standardisation des qualifications (par la formation et la socialisation) constitue le principal mécanisme de coordination. Le centre opérationnel (constitué par le corps médical) est l’élément de base au cœur de la bureaucratie professionnelle : cette configuration structurelle se caractérise par une structure décentralisée où le pouvoir est entre les mains de l’expert car le travail est trop complexe pour être maîtrisé par un supérieur hiérarchique (supervision directe) ou standardisé. La spécialisation horizontale des professionnels, un système technique peu automatisé et peu sophistiqué ainsi qu’un environnement complexe et stable sont également des attributs de la bureaucratie professionnelle (tableau n°4).

Tableau n°4 - Caractéristiques de la bureaucratie professionnelle Mécanisme de coordination principal Standardisation des qualifications Partie clé de l’organisation Centre opérationnel

Principaux paramètres de conception Formation, décentralisation horizontale et verticale spécialisation horizontale,

Facteur de contingence Environnement complexe et stable, système technique non sophistiqué

Source : Nobre et Merdinger-Rumpler (2002, p. 7)

Toutefois, compte-tenu des profondes transformations qu’a connues ces dernières années le secteur de la santé, peut-on encore aujourd’hui associer les établissements de santé à une bureaucratie professionnelle ? Le mécanisme de coordination dominant est-il réellement toujours la standardisation des qualifications ? La classification qu’opérait Mintzberg en 1982 a, en réalité, été revisitée ces dernières années, y compris par l’auteur lui-même (Mintzberg et Glouberman, 2001). Ainsi, Nobre et Merdinger-Rumpler (2002), revenant sur les différentes caractéristiques de la bureaucratie professionnelle, montrent que la stabilité de l’environnement est aujourd’hui remise en cause du fait des réformes du système de santé et des nombreuses restructurations dont nous avons fait état dans la partie précédente. Les auteurs soulignent en outre que le système technique a évolué et s’est complexifié (nouvelles technologie, automatisation, robotisation…). Enfin, la marge de manœuvre des professionnels s’est réduite, avec une tentative de la part du management de reprendre une partie du pouvoir (inspiration du NPM). Nobre et Merdinger- Rumpler en concluent que le modèle de la bureaucratie professionnelle ne semble plus adapté aujourd’hui aux caractéristiques nouvelles des établissements de santé. Dans ce cas, quels modes de coordination sont désormais mis en avant par les différents auteurs qui se sont penchés sur cette question ? On observe en fait deux tendances très nettes

dans la littérature. Certains auteurs soulignent l’importance des procédures et des plans dans la coordination du travail. Dans cette perspective par exemple, Nobre et Merdinger- Rumpler (2002) associent l’hôpital à une bureaucratie mécaniste plus que professionnelle. Effectivement, la volonté de standardiser les pratiques, la procéduralisation accrue du travail, ainsi que les tentatives de planification de l’activité peuvent laisser penser que le mode de coordination aujourd’hui dominant dans les établissements de santé est celui de la standardisation des procédés. Mintzberg (1982) note en particulier que la bureaucratie mécaniste se développe face à une tentative de contrôle externe de l’organisation, une tentative croissante dans le secteur de la santé ces dernières années, nous l’avons vu. Mais