2.3 Vari´ et´ es analytiques
2.3.2 Tores complexes
Etant donn´ee une vari´et´e ab´elienne sur un corps fini F
qavec q = p
e, nous pouvons relever la vari´et´e
sur une extension alg´ebriqueK deQ
ppuis la plonger dansC
pet utiliser le principe de Lefschetz. Nous
obtenons alors des r´esultats sur le relev´e de la vari´et´e dansK et par r´eduction moduloPles r´esultats se
transportent sur la vari´et´e originale surF
q. Ce principe de demonstration est applicable pour les vari´et´es
ordinaires. Il faut cependant faire attention `a avoir de bonnes propri´et´es de r´eduction modulop.
Par ailleurs, la majorit´e des r´esultats de cette th`ese sont applicables sur des corps de fonctions.
De ce fait nous pouvons consid´erer que les param`etres des courbes ou les coordonn´ees des points sont
des param`etres formels. Il faut cependant faire attention au fait que les corps de fonctions ne sont pas
obligatoirement parfaits.
2.3.2 Tores complexes
Cette section est bas´ee sur le chapitre 4 de [CS86] ´ecrit par Rosen.
Un tore complexe de dimensiong est le quotient deC
gpar un r´eseau Λ. Il est clair queC
g/Λ est une
vari´et´e analytique compacte. Soit Λ
1et Λ
2deux r´eseaux deC
g. Siα∈Mat
g×g(C) est telle queαΛ
1⊂Λ
2alors la multiplication parα,
φ
α:
C
g/Λ
1−→ C
g/Λ
2z 7−→ αz mod Λ
2,
est une application holomorphe entre les deux tores. Ce sont en fait les seules pr´eservant 0.
Propri´et´e 2.3.1. L’application
{α∈Mat
g(C) αΛ
1⊂Λ
2}−→ {φ: C
g/Λ
1→C
g/Λ
2holomorphe et telle queφ(0) = 0}
α 7−→ φ
αest une bijection.
L’´equivalent de la polarisation pour les tores est fourni par l’existence d’une forme hermitienne
particu-li`ere. Pr´ecisons la convention que nous utilisons pour les formes hermitiennes : ce sont des applicationsH
deC
g×C
gdansCqui sontC-lin´eaires par rapport `a la premi`ere variable et telle queH(x, y) =H(y, x¯ ).
De ce fait elles sont anti-lin´eaires par rapport `a la deuxi`eme variable.
Une forme hermitienne H se d´ecompose en une partie r´eelle et une partie imaginaire : pour tout
vecteurs x, y de C
g, nous avons H(x, y) = E(ix, v) +iE(x, y) o`u E = =(H) est une forme bilin´eaire
altern´ee `a valeurs r´eelles. Pour toutx, y, nous avons la relationE(ix, iy) =E(x, y).
D´efinition 2.3.2. SoitT =C
g/Λ un tore et soit H une forme hermitienne sur ce tore. On dit que H
est une forme de Riemann si sa partie imaginaireE==(H) v´erifie E(Λ,Λ)⊂Z.
Un tore est polaris´e s’il existe une forme de Riemann H non d´eg´en´er´ee dessus. Il est principalement
polaris´e si de plusPf(=(H)) = 1(o`uPf est le pfaffien).
Demander que Pf(=(H)) = 1 implique que E ==(H) est non d´eg´en´er´ee. On parle alors de forme
symplectique.
Matrice des p´eriodes
Pour tout r´eseau Λ ⊂ C
g, il existe une base de Λ sur R constitu´ee de 2g vecteurs. Nous pouvons
´
ecrire le r´eseau Λ comme Λ = PZ
2go`u P est une matrice de Mat
g×2g(C). Dans le cas o`u le tore est
principalement polaris´e, la matrice P peut ˆetre choisie comme ´etant la base dans laquelle la matrice
deE==(H) est :
J :=
0 Id
g−Id
g0
.
Streng [Str10, II.4.1] donne un algorithme permettant de transformer une base quelconque du r´eseau en
une base symplectique. Par d´efinition,E(P x, P y) =
txJ y. Lang [Lan72, chapitre 8] prouve que la matrice
P v´erifie des conditions suppl´ementaires suivantes appel´ees conditions de Riemann :
P J
−1tP = 0, 2i( ¯P J
−1tP)
−1>0
o`u >0 signifie que la matrice hermitienne est d´efinie positive. En fait la forme de Riemann est, sur la
base canonique deC
g,
H(u, v) =
tu 2i( ¯P J
−1tP)
−1¯v.
Posons P = (P
1, P
2) avec P
1et P
2dans Mat
g×g(C), les matrices P
isont inversibles car elles sont
compos´ees degvecteurs lin´eairement ind´ependants. En consid´erant l’application
C
g−→ C
gz 7−→ P
2−1z
Le toreC
g/Λ est isomorphe `a C
g/Λ
Ωo`u Λ
Ω= ΩZ
g+Z
gavec Ω =P
2−1P
1∈GL(g,C). Les relations de
Riemann imposent les conditions suivantes sur Ω :
t
Ω = Ω, =(Ω)>0.
D´efinition 2.3.3. L’ensemble des matrices deGL(g,C) sym´etriques et de partie imaginaire d´efinie
po-sitive est appel´e espace de Siegel et est not´e H
g.
Action du groupe symplectique
Un autre choix de base symplectique produit, en g´en´eral, une matrice Ω
0de H
gdiff´erente de Ω.
Explicitons ce qui se passe : soitP
0= (P
10, P
20) une autre base symplectique du r´eseau telle que E ait
la mˆeme matrice J dans cette nouvelle base, il existe une matriceγ de GL
2g(Z) telle queP
0=P
tγ (la
transpos´ee permettant d’avoir une action `a gauche). La matrice deEdans la nouvelle base est alorsγJ
tγ.
Or par hypoth`ese, celle-ci est ´egale `a J doncγ appartient au groupe symplectique Sp(2g,Z) o`u
Sp(2g,Z) =
γ∈GL
2g(Z), γJ
tγ=J
Posons
γ=
A B
C D
A, B, C, D∈Mat
g×g(Z).
L’´equationP
0=P
tγimplique que
P
10=P
1tA+P
2tB, P
20=P
1tC+P
2tD.
Revenons sur le lien entre les matrices Ω et Ω
0. Nous avons
Ω
0=
tΩ
0=
tP
10tP
20−1=
t(P
1tA+P
2tB)
t(P
1tC+P
2tD)
−1= (A
tP
1+B
tP
2)(C
tP
1+D
tP
2)
−1= (A
tP
1tP
2−1+B)
tP
2tP
2−1(C
tP
1tP
2−1+D)
−1= (A
tΩ +B)(C
tΩ +D)
−1Ω
0= (AΩ +B)(CΩ +D)
−1Avant d’´etudier l’action de Sp(2g,Z) sur les ´el´ements deH
g, donnons quelques propri´et´es du groupe
symplectique :
Lemme 2.3.4.
γ∈Sp(2g,Z)⇐⇒γ
−1∈Sp(2g,Z)⇐⇒
tγ∈Sp(2g,Z)
Soitγ=
A B
C D
∈Mat
2g×2g(Z), nous avons les ´equivalences suivantes
γ∈Sp(2g,Z) ⇐⇒
tAC et
tDB sont sym´etriques
t
AD−
tCB= Id
⇐⇒
A
tB etD
tC sont sym´etriques
A
tD−B
tC= Id
Par ailleurs siγ=
A B
C D
appartient `aSp(2g,Z)alors la matriceγ
−1est donn´ee par
γ
−1=
tD −
tB
−
tC
tA
.
D´emonstration. La matriceγappartient `a Sp(2g,Z) si et seulement siγJ
tγ=J. En multipliant `a gauche
parγ
−1et `a droite par
tγ
−1nous obtenons l’´equation J = γ
−1J
tγ
−1qui montre queγ
−1appartient
`
a Sp(2g,Z). Quand nous prennons l’inverse de cette derni`ere ´equation nous obtenons −J =
tγ(−J)
t(
tγ)
ce qui montre que
tγ appartient aussi `a Sp(2g,Z).
Pour montrer la deuxi`eme assertion du lemme, il suffit de calculer le produit de matrices
A B
C D
J
tA
tC
tB
tD
=
A
tB−B
tA A
tD−B
tC
−D
tA+C
tB C
tD−D
tC
Cette matrice doit ˆetre ´egale `aJet donc nous obtenons la premi`ere ´equivalence. Pour montrer la deuxi`eme,
nous appliquons cette ´equivalence `a
tγ au lieu deγ. Grˆace `a ces relations, nous v´erifions que
A B
C D
tD −
tB
−
tC
tA
=
tD −
tB
−
tC
tA
A B
C D
= Id
2gd’o`u la forme deγ
−1.
D´efinition 2.3.5. Le groupeSp(2g,Z)agit surH
gpar
Sp(2g,Z)× H
g−→ H
gA B
C D
, Ω 7−→ γ.Ω = (AΩ +B)(CΩ +D)
−1On peut v´erifier que cette action est bien d´efinie. En particulier, il faut montrer queγ.Ω appartient
bien `a H
g.
Quand nous consid´erons seulement l’action de Sp(2g,Z) sur le demi-espace de Siegel, nous voyons
que−Id
2gagit trivialement (ceci n’est plus le cas si nous rajoutons l’action surC
g). Nous avons alors le
th´eor`eme suivant
Th´eor`eme 2.3.6. L’ensemble des classes de vari´et´es ab´eliennes principalement polaris´ees de dimensiong
modulo isomorphismes est en bijection avecPSp(2g,Z)\H
g.
Soient Ω
1et Ω
2deux repr´esentants de la mˆeme classe de PSp(2g,Z)\H
g. Les toresC
g/Λ
Ω1etC
g/Λ
Ω2sont isomorphes. Il doit donc, d’apr`es la propri´et´e 2.3.1, exister une matrice α ∈ GL
g(C) telle que
l’isomorphisme soit donn´e par la multiplication parα. Un rapide calcul permet de trouverαet montre
la propri´et´e suivante.
Propri´et´e 2.3.7. SoientΩ
1etΩ
2deux matrices deH
gcorrespondant `a des tores (principalement
pola-ris´es) isomorphes. Il existe alors une matriceγ=
A B
C D
deSp(2g,Z)telle que
γ.Ω
1:= (AΩ
1+B)(CΩ
2+D)
−1= Ω
2.
L’isomorphisme entre les deux tores ´etant donn´e par
C
g/Ω
1Z
g+Z
g−→ C
g/Ω
2Z
g+Z
gz 7−→ γ.
Ω1z:=
t(CΩ
1+D)
−1z= (−Ω
2C+A)z
Quand cela est clair par le contexte, nous ´ecrivonsγ.z au lieu deγ.
Ω1z.
Si nous d´ecomposonsz∈C
g/Ω
1Z
g+Z
genz= Ω
1a+bo`uaetb appartiennent `a R
g, nous avons
γ.z=γ.(Ω
1a+b) = (γ.Ω
1) (Da−Cb) + (−Ba+Ab) = Ω
2(Da−Cb) + (−Ba+Ab)
Cette d´ecomposition est utile pour ´etudier l’action sur les points den-torsion du tore.
Sous-groupes du groupe symplectique
Nous allons souvent nous int´eresser `a des classes particuli`eres d’isomorphismes. Commen¸cons par
d´efinir les groupes de congruences suivants.
D´efinition 2.3.8. Pourn≥1, posons
Γ
0(n) =
A B
C D
∈Sp(2g, z), C≡0 modn
Γ
n=
A B
C D
∈Sp(2g, z), B ≡C≡0 modn, A≡D≡Id
gmodn
Γ
n,2n=
A B
C D
∈Γ
n, diag
tAC≡diag
tDB≡0 mod 2n
Avec les notations de la propri´et´e2.3.7, nous avons pour touta, b∈C
gγ.(Ω
1a+b) = (Ab−Ba) + Ω
2(−Cb+Da) mod Λ
Ω2.
Toute matrice de Γ
0(n) laisse globalement invariant le sous-groupe symplectique
1n
Z
g/Z
gdes points de
n-torsion du tore. Il y a en fait une bijection entre Γ
0(n)\H
get les classes d’´equivalence de paires (A, K
1)
o`uAest une vari´et´e ab´elienne principalement polaris´ee et o`u il existe K
2tel que
A[n] =K
1⊕K
2soit une d´ecomposition symplectique de la n-torsion. Les classes d’´equivalences (A, K
1) sont prises
mo-dulo la relation d’´equivalence suivante : (A, K
1) est ´equivalent `a (A
0, K
10) si et seulement s’il existe un
isomorphisme deA versA
0envoyantK
1surK
10.
Soit xet y deux points den-torsion. Posons x= Ωa+b et y = Ωc+davec a, b, c, d appartennant
`
a
1 nZ
g/Z
g. D´efinissons alors
˜
e
n(x, y) = exp −2iπn(
tad−
tbc)
.
Le groupe Γ(n) correspond `a l’ensemble des isomorphismes qui fixent les points de n-torsion. De plus, le
couplage ˜e
nde n’importe quelle paire d’´el´ements den-torsion reste inchang´e.
Dans la suite, il sera alors utile de consid´erer les sous-groupes suivants.
Dans le document
Applications des fonctions thêta à la cryptographie sur courbes hyperelliptiques.
(Page 34-38)