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Le foie joue un rôle central dans l’organisme. Il reçoit approximativement 1,5 litre de sang toutes les minutes en provenance du tractus gastro-intestinal via la veine porte ou de la circulation sanguine via l’artère hépatique. Ces apports sanguins sont chargés à la fois d’antigènes et de produits de la flore commensale qui ne représentent pas de danger particulier mais également de potentiels pathogènes (virus, bactéries, parasites, cellules cancéreuses) qui doivent être captés, interprétés et éliminés rapidement. La distinction entre ces deux apports nécessite au foie la mise en place d’un mécanisme et d’un seuil de tolérance (Figure 10). Cette capacité tolérogène du système immunitaire hépatique fut décrite pour la première fois en 1969 par Calne qui travaillait sur les allogreffes de foie chez le porc [147]. Une tolérance déficiente ou détournée peut par ailleurs être associée aux développements de pathologies auto-immunes (cholangite, hépatite, cirrhose) et d’infection persistante (HBV, HCV, Plasmodium falciparum) [148,149].

Parmi les cellules hépatiques tolérogènes, les cellules présentatrices d’antigènes (CPA) jouent un rôle central de par leur capacité détruire ou inactiver les lymphocytes T CD4+ et CD8+, à induire la maturation de lymphocytes T régulateurs (Treg) et donc à limiter la mise en place d’une réponse adaptative et mémoire. Le foie contient une multitude de CPA, parmi lesquelles on retrouve une majorité cellules dendritiques myéloïdes (mDC), plasmacytoïdes (pDC), mais également des cellules résidentes comme les cellules de Kupffer, les cellules endothéliales sinusoïdales ou les cellules de Ito.

53 Les cellules dendritiques, dites tolérogènes, conservent leur capacité de présentation des antigènes au

niveau des organes lymphoïdes secondaires. Néanmoins cette présentation est accompagnée de la sécrétion de cytokines suppressives (IL-10, IL-27, TGF-β) ou de récepteurs inhibiteurs comme le PD-L1 (programmed death ligand-1). Cette présentation particulière mènera une perte des facteurs de stimulation, l’apoptose des lymphocytes T ciblés ou à la maturation des Treg. Ces cellules Treg sont caractérisés par l’expression des marqueurs CD4, CD25 et FoxP3 mais aussi par la synthèse d’une enzyme, la IDO (indoleamine 2,3-dioxygenase), qui catalyse le tryptophane pour former la kynurénine, un facteur immunosuppressif [150].

Les cellules de Kupffer sont également capables d’effectuer cette présentation mais celle-ci est fréquemment associée à une surexpression des expressions ou sécrétions du ligand FAS (FasL), de PD-L1, d’IL-10, de TGF-β ou encore de la prostaglandine E2 (PGE2) et d’IDO, résultant ainsi de la suppression des lymphocytes T activés et de l’induction de Treg [151,152].

Les cellules endothéliales et les cellules de Ito, moins décrites pour leur rôle dans l’immunité innée, sont également capables de présenter des antigènes et d’exprimer des molécules de co-stimulations pour les T CD4+ et T CD8+ menant à leur différenciation en Treg ou à la tolérance. A nouveau les productions d’IL-10, de TGF-β de PD-L1 et de PGE2 sont décrites [144,153,154].

La présence permanente de différentes populations et sous populations de lymphocytes sentinelles permet d’assurer une détection rapide et effective de pathogènes et d’engendrer les réponses adaptées [155]. Parmi ces lymphocytes, on retrouve les cellules NK, les cellules NKT, les lymphocytes γδ ou encore les MAIT (mucosal-associated invariant T). Ces lymphocytes T innés possèdent des aptitudes non spécifiques de reconnaissance des pathogènes ou des cellules cancéreuses (incluant les glycosylations ou les pyrophosphates). Leur réactivité et leur capacité à stimuler et promouvoir la maturation des cellules

54 dendritiques, des lymphocytes B, CD4+ et CD8+, des neutrophiles ou des macrophages les rendent

centraux dans le phénomène de rupture de tolérance hépatique.

Les cellules NK sont les plus abondantes et représentent 50% des lymphocytes hépatiques [156]. Le recrutement de ces cellules au niveau hépatique se fait notamment via les cellules dendritiques et les hépatocytes ainsi que par la sécrétion d’IFN, d’IL-12, d’IL-15 et d’IL-18 [157]. Caractérisées par leurs expressions du marqueur CD56, on distingue deux populations, les lowCD56 et les highCD56. Les lowCD56 ont une capacité cytotoxique plus prononcée que les highCD56 qui sécrètent plus particulièrement des cytokines comme l’IFN-γ, le TNF-α et l’IL-10 avec pour objectif de polariser et de réguler les réponses immunitaires [158]. La cytotoxicité est quant à elle médiée par la sécrétion de granules cytolytiques (perforine, granzyme B) et du facteur TRAIL (TNF-related apoptosis-inducing ligand), un inducteur d’apoptose [159]. L’activité des cellules NK est par ailleurs régulée par les niveaux d’expression de CMH de classe I sur les cellules infectées ou cancéreuses et des ligands stimulateurs ou inhibiteurs à la surface des cellules NK [160].

Les MAIT (mucosal-associated invariant T) humains représentent 20 à 40% des lymphocytes hépatiques [161]. Ils expriment un TCR invariant au niveau de la chaine alpha (Vα7.2-Jα33) et reconnaissent des ligands bactériens présentés sur un analogue du CMH de classe I, le MR1 [162]. Leur recrutement au niveau du foie est notamment assuré par l’expression de récepteurs de chémokines, comme les CCR5, CCR6, CCR9 ou encore CXCR6 [163]. Leur rôle dans la reconnaissance de monocytes ou de cellules dendritiques infectés par divers bactéries et champignons a été démontré [162]. Une fois activés, ils produisent un ensemble de cytokines pro-inflammatoires comme l’IFN-γ, le TNF-α, l’IL-17A et l’IL-22 ainsi que le granzyme B pour détruire les cellules infectées [164].

55 Les cellules NKT se composent de deux classes chez l’homme et la souris bien que des différences

existent entre les deux espèces [165]. Les NKT de type 1, aussi appelés NKT invariants (iNKT) représentent environ 2% des lymphocytes T hépatiques chez l’homme, contre 50% chez la souris. La plupart des NKT hépatiques (10-15%) sont de type 2 et expriment une variété de TCR reconnaissant des glycolipides présentés sur un analogue du CMH de classe I, le CD1d [166]. Ils sont recrutés au niveau hépatique dans un contexte de réponse pro-inflammatoire Th1, via leur expression des récepteurs CXCR3 et CXCR6 [167]. Une fois actifs, les lymphocytes NKT produisent un panel de cytokines Th1 (IFN-γ et TNF-α), Th2 (IL-4, IL-5 et IL-13), Th9 (IL-9), Th17 (IL-17A et IL-22) et Treg (IL-10) de façons simultanées ou non. Ces sécrétions contribuent à l’activation des lymphocytes T, des cellules NK ou encore des macrophages et des cellules dendritiques [168,169].

Enfin les lymphocytes T γδ représentent 1 à 5% des lymphocytes T du sang périphérique mais peuvent être fortement enrichis au niveau d’un site infectieux. Ils sont divisés en trois groupes en fonction de l’expression de leur chaine δ et reconnaissent des facteurs de stress comme le MICA et le MICB ainsi que des glycolipides présentés par les analogues du CMHI, les CD1c et CD1d [170,171]. Leur expansion a été montrée dans plusieurs infections par les virus HIV et HBV [172,173]. Leur activation contribue à l’activation et la différenciation des lymphocytes T et B, des cellules dendritiques ou encore des neutrophiles [174].