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D. Pathologie

1. Pathogénèse

Le virus de la fièvre jaune est associé à deux propriétés biologiques majeures : le viscérotropisme et le neurotropisme. Le viscérotropisme, se caractérise par la capacité du virus à développer une virémie importante atteignant ainsi un ensemble d’organes tels que le foie (la cible majeure), le rein, la rate ou le système cardiovasculaire. Le neurotropisme, résume la capacité du virus à franchir la barrière hématoencéphalique (BHE), infecter le parenchyme cérébral et causer des encéphalites. Les souches sont classiquement viscérotropiques chez les primates humains et non humains. Cette aptitude a été démontrée dans plusieurs espèces de singes, sensibles à l’infection, après inoculation intracérébrale du virus. La mortalité était en effet principalement due à des hépatites plutôt qu’à des encéphalites.

Le virus se réplique au niveau du site d’inoculation après la piqure du moustique puis est transporté jusqu’aux ganglions lymphatiques avoisinants par les cellules dendritiques et lymphocytes locaux [100].

38 Après réplication, le virus se retrouve dans la circulation sanguine dès le deuxième jour et atteint les

organes cibles dès le troisième jour (foie, moelle osseuse, reins, ganglions centraux).

L’atteinte hépatique est une caractéristique de l’infection par le virus de la fièvre jaune. Observée précocement, son intensité augmente graduellement au cours de l’infection. Cette atteinte est directement liée à l’infection du virus puisque de forts taux d’antigènes viraux ont été détectés dans les nécropsies hépatiques de deux individus européens [92]. L’infection des cellules de Kupffer est le premier évènement observé après inoculation intra-péritonéale du virus chez le singe rhésus. Cette observation est également faite après inoculation sous-cutanée [88]. Dans les dernières 48 heures précédant le décès, une dégénérescence massive, impliquant en moyenne 80 % des hépatocytes, est observée chez l’homme [70]. D’autres données démontrent une perte importante de l’architecture hépatique et une atteinte majoritaire de la région midzonale hépatique [101–103]. L’observation de corps apoptotiques, aussi appelés corps de Councilman, correspondant à des cellules éosinophiles aux noyaux condensés est caractéristique d’une apoptose induite par le virus de la fièvre jaune [101–103]. Cette dégradation hépatique concorde avec les détections sériques d’aminotransférase (AST et ALT) dont les forts niveaux sont observés dans les formes sévères de la pathologie [104]. D’autres modifications hépatiques sont observées comme l’accumulation de lipide (stéatose) et les dépôts de céroïdes ou de lipofuscine (accumulation lysosomale). La mort cellulaire par apoptose plutôt que par nécrose semble expliquer la limitation de la réponse inflammatoire et des infiltrations au niveau hépatique [101–103]. Ces infiltrations impliquent un grand nombre d’effecteurs cellulaires comme les macrophages, des cellules « natural killer » (cellules NK), les lymphocytes T CD4+ et CD8+, les cellules de Kupffer CD68+ et les cellules CD20+ [86,101–103].

Tout comme pour l’atteinte hépatique, l’infection rénale se caractérise par une dégénérescence épithéliale, l’accumulation de lipide et une inflammation modérée. Ces lésions sont majoritairement

39 associées à un choc hypotensif tardif [88]. En revanche, contrairement aux compartiments hépatiques et

systémiques, la quantité de virus détectée reste très limitée [97]. La découverte de virus vaccinal dans les urines de 44% de sujets vaccinés lors d’une étude suggère que les reins sont un site de réplication important du virus de la fièvre jaune [105]. Néanmoins, il pourrait s’agir d’une élimination des virus en provenance d’autres organes puisqu’il a été montré que les ganglions lymphatiques restaient positifs pour le virus après la clairance du virus de la circulation sanguine par les anticorps neutralisants [106]. D’autres organes comme le thymus, la rate ou les ganglions, sont également affectés. Une nécrose au niveau des centres germinatifs est observée sans qu’un lien avec la réplication virale n’ait encore été établi. [88,107]. Enfin, des dysfonctionnements cardiovasculaires et insuffisances circulatoires sont observés. La diminution de la synthèse des facteurs de coagulation par le foie mais également de la synthèse de cytokines pro-inflammatoires et de TNF-α par les macrophages infectés et/ou activés sont décrits comme responsables de la formation de radicaux oxygénés, des altérations vasculaires et des chocs [27,108].

Outre l’aspect viral de la pathologie, une réponse immunitaire exacerbée, inappropriée ou non contrôlée est donc potentiellement à l’origine d’évènements pathologiques lors de l’infection par le virus de la Fièvre jaune. De fait, les anticorps apparaissent dans les 7 à 8 jours qui suivent l’infection. Cette synthèse se faisant en même temps que l’initiation des réponses cellulaires mais également que la période d’intoxication. Par ailleurs des équipes ont identifié un panel de cytokines pro- et anti-inflammatoires (Il-6, TNF-α, MCP-1, IL1-RA, IL-10) dans les sera d’individus avec une forme fatale de fièvre jaune alors que seuls des taux élevés de cytokines anti-inflammatoires étaient retrouvés pour les formes non létales [109]. De manière intéressante, la phase réplicative du virus chez le hamster est caractérisée par une diminution de l’expression de cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-2, l’IFN-γ ou le TNF-α alors que la phase finale de la pathologie se caractérise par une élévation de ces cytokines et la mort de l’animal. Ces observations démontrent l’association étroite de ces facteurs immunitaires avec la pathogénèse virale

40 [110]. Ainsi, les anticorps, des facteurs du complément, la forme soluble de NS1 ou encore des cytokines

pro-inflammatoires sont retrouvés en même temps chez l’individu infecté et peuvent contribuer aux atteintes vasculaires et au choc.