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I. 2. 2.Le roman algérien postcolonial

I.5. Le Titre, fonctions et jonctions

Dans sa définition du titre, Charles Grivel précise les fonctions du titre: «ensembles de signes linguistiques …qui peuvent figurer en tête d'un texte pour le

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designer, pour en indiquer le contenu global et pour allécher le public visé54. » Ces trois fonctions indiquées dans cette citation sont aussi exprimées par Achour Christiane et Rezzoug Simone: « (…) à la fois stimulation et début d’assouvissement de la

curiosité du lecteur ; aussi réunit-il les fonctions de tout texte publicitaire, référentielle, conative et poétique55. » Or, elles ne sont pas nécessairement toutes présentes. La première, qui est la désignation, est la seule qui doit être présente parmi les trois. Les deux autres fonctions; l'indication du contenu et la séduction sont facultatives. Car plusieurs titres sont sémantiquement vides (mais ils existent), ils ne donnent aucune indication du contenu et sont déplaisants à la fois.

Les relations qui existent entre ces trois fonctions ont conduit Hoek à la classification des titres sur le plan sémantique en deux classes de titres: «les subjectaux », qui désignent « le sujet du texte », comme Madame Bovary, et les

« objectaux » qui réfèrent au « texte lui-même » ou désignent « le texte entant qu'objet», comme Poème saturniens56. »

Qu'ils soient subjectaux ou objectaux, une vérité est incontestable; le titre ne se détache jamais, sauf quelques exceptions, du contexte historique, littéraire et social et permet d'articuler des réflexions, d’émettre des hypothèses de lecture dont l’affirmation ou l’infirmation constitue un dialogue perpétuel entre l’auteur, le lecteur et le texte.

I.5.1.La fonction de désignation

La désignation veut dire l'attribution d'un nom. Cette identification est peut-être la plus importante de toutes les fonctions du titre. Elle permet de distinguer les uns des autres. C'est ce que Leo Hoek appelle :« […] Une fonction distinctive : le titre

singularise le texte, qu'il annonce, le distingue de la série générique des autres ouvrages dans laquelle il s’inscrit57

54 GRIVEL Charles, Production de l'intérêt romanesque, op.cit., pp.169-170.

55 ACHOUR Christiane ; REZZOUG, Simone, Convergences critiques. Introduction à la lecture du

littéraire, op.cit., p.28.

56 HOEK HUIB, Léo, Pour une sémiotique du titre, février, 1973, cité par, GENETTE, Gérard, Seuils. Paris, Seuil, Collection Poétique, 1987. p.74

57 HOEK HUIB, Léo, La Marque du titre: dispositifs sémiotiques d'une pratique textuelle. Paris, Mouton, 1981. Cité par GOLDENSTEIN, Jean-Pierre, In Entrées en littérature Paris, Hachette, 1990, p.68.

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Gérard Genette préfère le terme de « baptême58 », pour rendre compte de cette fonction. Une fois ce nom (titre) est attribué, il sera employé par tous dans un esprit, et à des fins qui n'aurons aucune relation avec les raisons de son choix. Le titre de l'œuvre n'a aucune relation sémantique avec le livre qu'il le désigne. Ainsi, si on demande à un libraire ou un étudiant « avez-vous Les Hirondelles de Kaboul? » la signification attachée à ce livre ne compte rien dans la phrase ni dans l'esprit des deux interlocuteurs. Cette signification ne redevient claire qu'à travers la question « Savez pourquoi s'intitule ce livre Les Hirondelles de Kaboul? »59

I.5.2. fonction descriptive

Le titre indique le contenu, sauf quelques exceptions. C'est ce que Leo Hoek appelle : la fonction abréviative : « le titre doit résumer, annoncer le contenu sans le

dévoiler totalement60

Dans la tradition littéraire, cette relation de complémentarité ou vaut mieux dire de complicité entre le titre et le texte était toujours présente. Le titre, à la fois, annonce et cache le texte. L'indication du contenu nous renvoi à la notion de thème (ce dont on parle) et de rhème (ce que l'on dit du thème).

Gérard Genette distingue quatre types de titres thématiques. C'est-à-dire les titres évoquant le contenu).

1- La première catégorie des titres est celle des titres littéraux qui désignent explicitement le thème ou l'objet central de l'œuvre : Guerre et paix, Roméo et

Juliette, Phèdre.

2- La deuxième est celle des titres métonymiques qui s’attachent à un objet ou un personnage qui n'est pas central : Le père Goriot, Le Soulier de satin. Dans Le

père Goriot, le héros est Rastignac et non le vieillard Goriot.

58GENETTE, Gérard, Seuils, op.cit. , p.76.

59 Exemple adapté d’un autre d’un exemple de Gérard Genette dans Seuils, Op., cit.

60 HOEK HUIB, Léo, La Marque du titre: dispositifs sémiotiques d'une pratique textuelle. Paris, Mouton, 1981. Cité par GOLDENSTEIN, Jean-Pierre, In Entrées en littérature, op.cit. , p.68

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3- La troisième catégorie est celle des titres symboliques c'est le type métaphorique : Le Rouge et le Noir, Le Lys dans la vallée. Ces titres décrivent le contenu de façon symbolique. Dans le roman de Stendhal, le rouge symbolise la vie militaire de Julien Sorel, tandis que le noir renvoi métaphoriquement à la vie ecclésiastique. Les Sirènes de Bagdad, appartient à cette catégorie de titres symboliques ; les Sirènes désignent les mystificateurs ; Sirènes contemporaines qui séduisent, par leur discours trompeur, les jeunes ignorants, inconscients ou désespérés.

4- La dernière catégorie est d'ordre ironique ou antiphrastique, lorsque le titre fait

antithèse à l'œuvre par exemple; La joie de vivre pour le roman le plus sombre de Zola, ou lorsque le titre présente une absence de pertinence thématique, par exemple La cantatrice chauve, ainsi que la plupart des titres surréalistes.

I.5.3. Les titres rhématiques

Cette catégorie de titres se réfère au texte comme objet. Ils ne désignent plus ce dont on parle, mais la façon dont on le présente, dont on l'écrit. Ainsi, Les confessions de Rousseau, se présente sous forme d'un aveu au lecteur.

Les Sirènes de Bagdad de Yasmina Khadra appartient aussi à cette catégorie de

titres qui sont à la fois thématiques et rhématiques. Le chant des Sirènes renvoie aux discours intégriste visant à endoctriner les jeunes, donc les convaincre par la force du discours. Dans la majorité des 65 discussions, l’argumentation est le sujet omniprésent. Les prêcheurs de l’intégrisme ou les rares voix de la raison exploitent tous les procédés argumentatifs (l’analogie, la comparaison, réciprocité, l’ironie,…) afin d’arriver à leurs objectifs.