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I.5.3.La fonction de séduction

II.2. Le nom propre dans la langue et la linguistique

II.3.2 Phonétique et phonologie

On a souvent entendue que les noms propres n’ont ni orthographe ni prononciation précises. L’analyse du système phonétique-phonologique du français montre qu’il n’existe pas de microsystèmes99 qui opposent noms propres et noms communs.

Aujourd’hui dans plusieurs pays, les noms propres, surtout ceux des communautés étrangères ou migrantes, conservent les caractères phonologiques d’origines, bien qu’il soit toléré certaines modifications afin de niveler les systèmes phonétiques et phonologiques avec le pays d’accueil. Mais c’est un critère qui permet d’identifier des origines éthiques et culturelles des communautés qui coexistent dans le même pays ou la même région.

II.3.3 Morphologie

Contrairement à plusieurs langues100 qui possèdent des marques morphologiques qui différencient les noms propres des noms communs, en français, il n’existe aucun trait morphologique (suffixation ou préfixation) valable qui différencie le nom propre du nom commun. Cependant, il existe des sous-groupes de noms propres qui possèdent des traits distinctifs. Il s’agit des cas de diminutifs. Par exemple en anglais Bess est le

diminutif de Elisabeth, Bill est le diminutif de William et Dick de Richard…101 ces noms sont des formes hypocoristiques102. En anglais aussi, il existe un autre procédé d’abréviation qui consiste à dégager la syllabe initiale du mot pour obtenir une sorte de

99 Selon le Dictionnaire de linguistique générale, Jean DUBOIS, 2002(On donne le nom de

microstructures a certains sous-systèmes qui, a l'intérieur d'une structure plus large, présentent des

régularités spécifiques et une organisation qui leur assurent une relative autonomie de fonctionnement. Ainsi, les noms de parente constituent une microstructure formée, en français, d'unités linguistiques en nombre fini, déterminées sémantiquement par les rapports qu’elles entretiennent entre elles et par rapport a un « moi » (ego) imaginaire, et morphologiquement par un système particulier de morphèmes (grand et

petit dans grand-mere, petit-fils, etc.).

100 En fidjien, a titre d’exemple, le morphème ko marque les noms propres alors que le morphème na marque les noms communs, voir F. HOCKETT, A Course in Modern Linguistics, New York, Macmillan, 1958.

En ukrainien, il existe aussi des suffixes « anthroponymiques »(yk, ak, ko)

101 Exemple emprunté à A. De Vincenz, structuralisme et onomastique, in Orbix , X, 1961

102 Selon le dictionnaire de linguistique générale, Jean Dubois Larousse, 2002, p. 236(On appelle

hypocoristique un mot traduisant une affection tendre. Les hypocoristiques sont le plus souvent des

appellatifs familiers comme frérot, mon chou, fifille, etc. Les procédés hypocoristiques sont en général la substitution de suffixe et le redoublement de la syllabe initiale).

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racine hypocoristique employée avec ou sans les suffixes ie, y elle sert de forme hypocoristique conventionnelle de la sorte :

Frome pleine racine hypocoristique forme finale conventionnelle Edward Ed Eddie

Joseph Joe Joey

Pour ce qui est du nombre, en général les prénoms, les noms de familles et les noms de ville ne s’emploient pas aux pluriels, que rarement. En effet, il existe des constructions qui manifestent une présence du pluriel (les Dupont,) qui signifie « la famille de … ». Or, dans plusieurs langues, les noms de familles et les prénoms peuvent prendre la marque du pluriel. Par exemple, en langue turque Mehmetler veut dire

Mehemt et sa famille.

II.3.4 La syntaxe

Le critère syntaxique le plus connu qui distingue les noms propres en français, est l'absence de l'article. Chomsky proposait de définir la catégorie des noms propres comme celles des «noms sans déterminants »il ajoutait « la distinction

Propre-Commun est de type sous-catégorisation stricte103.» Le déterminant, donc n'accompagne

que la catégorie des noms communs, il est incompatible avec le nom propre. Exemple :

Albert est sorti. L'homme est sorti. *Le Albert est sorti. *Homme est sorti.

Dans cet exemple les deux constructions: « *Le Albert est sorti », et « *Homme est sorti » sont fautives. Cependant le nom propre peut admettre des

expansions (adjectif, nom, groupe nominal, groupe prépositionnel, relative) qui sont interprétées comme non-restrictives.

Albert, heureux, me saluait.

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Albert, de bonne humeur...

Albert, qui aimait les fruits…

Mais si l'expansion est restrictive, le nom propre doit être précédé de l'article. Cet Albert qui aimait les fruits.

Or, ce critère, de l'absence de déterminant, n'est pas aussi solide dans tous les cas. Il n'en résout en aucun cas la complexité de la théorisation du nom propre : le nom propre peut se combiner avec les mêmes déterminants que le nom commun. Paul FABRE cite l'argument de G. Kleiber à propos de l'incompatibilité présumée du nom propre avec le déterminant indéfini :

« Admettons qu'un lecteur lit dans le journal l'énoncé "Tous les Emile aiment le sylvaner

(vin blanc alsacien). On peut contredire cette assertion générale, en disant, d'un Emile, voire du seul Emile, qu'il connait bien, mais "Emile n'aime pas le sylvaner! " Le lien sémantique entre les deux emplois d'Emile est le même que celui qui existe entre l'emploi de chien dans "Tous les chiens aiment la pâtée" et celui de chien dans "Mais mon chien n'aiment pas la pâtée!" Aussi, étant donné cette relation sémantique patente entre nom propre sans déterminant et nom propre avec déterminant, ne parait-il pas souhaitable de considérer une forme comme Emile […] tantôt comme nom propre (Emile n'aime pas le sylvaner […]), tantôt comme nom commun (Tous les Emile aiment le sylvaner104. »

Marie Gary-Prieur, qui a consacré presque toutes ses études aux noms propres, voit que : « Les noms propres relèvent de plusieurs sous-catégories : il y des noms

propres (+animé) et des noms propres (-animé) (Pierre/ Toulouse) ; des noms propres (comptable) (il y a trois Vincent dans ma classe) et des noms propres (-comptable) (il y a des Vincent qui arrive).105

En conclusion de l'étude des ces niveaux linguistiques, graphique, phonétique morphologique et syntaxique, on peut tirer:

104 KLEIBER, Georges, Problèmes de référence : descriptions définies et noms propres, Paris, Klincksiek, 1981, p. 302-303.

105 GARRY-PRIEUR, Marie-Noëlle, Le nom propre constitue-t-il une catégorie linguistique, In Langage, no 92, 1991, p. 17.

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1- il n'y a pas d'universaux morphologique ou graphique. Un nom

propre peut s'écrire tout en majuscule ou en minuscule.

2- Un propre peut prendre la marque du pluriel dans plusieurs

langues, en langue turc, par exemple,(Mehmtler =Mehmet et sa famille)

3- Tout peut être un nom propre,(Trompe-la-mort est nom propre)

comme on peut nommer quelqu'un (peut-être ou bouche d'hyène).

4- Le nom propre peut combiner avec un déterminant (défini ou

indéfini) intégré ; Le Havre, La chapelle ou précédé d’un article ; la France, le Rhône, etc.

5- Le nom propre peut avoir des dérivés par suffixes ou préfixes.

Comme il peut avoir une racine hypocoristique

conventionnelle, c’est le cas des diminutifs.

II.3.9. La sémantique des noms propres

Les théories des philosophes et logiciens ont toujours orienté les recherches linguistiques surtout celles concernant la sémantique du nom propre. En effet, Les sémanticiens, à l’image des logiciens, se sont divisés en deux grands courants :

Le premier courant postulait que les noms propres n’ont pas de sens, et que de ce fait ils doivent être exclus de la sémantique dont la tâche principale est l’étude du sens dans la langue. Ainsi, Ullman voit que : « Les noms propres n’ont pas de sens et, par

conséquent, la notion de signification ne s’applique pas à eux. La fonction du nom propre est l’identification pure : distinguer et individualiser une personne ou une chose à l’aide d’une étiquette spéciale106. »

Une idée que LYONS lui partage dans la citation suivante : « Ils (noms propres)

n’ont pas de sens ou un type de signification unique et spécial qui les distingue, en tant que classe, des noms communs107. »

106

ULLMAN, Stephen, Précis de sémantique française, op.cit., p. 24

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De son côté Kleiber exclut aussi les noms propres du système lexical des langues. Il affirme ainsi que : « par rapport aux autres unités lexicales, noms communs

en particulier, ils (noms propres) occupent une place spécifique, et marginale dans la structure sémantique d’une langue donnée108. »

Le deuxième courant de sémanticiens voit que le nom propre est très significatif. Ainsi Breal voit :

« Si l’on classait les noms d’après la quantité d’idées qu’ils éveillent, les noms propres

devraient être en tête, car ils sont les plus significatifs de tous, étant les plus individuels… il suffit de rapprocher le mot « César » entendu l’adversaire de Pompée, et le mot allemand Kaiser, qui signifie « empereur » pour voir ce qu’un nom propre perd en compréhension à devenir un nom commun109. »

Dans une autre approche qui met le « contexte » au centre de la compréhension du sens du nom propre, Jespersen voit que c’est l’emploi qui détermine le sens du nom propre comme du nom commun.

« J. S. Mill et ses émules insistent trop sur ce qu'on pourrait appeler la valeur lexicale des noms propres, et pas assez sur la valeur qu'ils prennent dans le contexte et dans la situation particulière où ils sont employés. Il est vrai qu'il est impossible d'assigner une signification au mot John en dehors de tout contexte, mais il n'en est pas autrement pour la plupart des "noms communs". Si l'on me demande ce que veut dire « jar », « sound », « palm » ou « tract », je pourrai répondre que ceci : montrez-moi le contexte où ce mot est employé et je vous dirai ce qu’il veut dire. Dans un cas, le mot pipe désigne une pipe que l'on fume, dans un autre un tuyau de canalisation, ou bien un porte-voix, ou encore un tuyau d'orgue. De même le mot John prend un sens différent chaque fois qu'il est employé, et seul le contexte permet de le découvrir ; le fait que ce sens soit plus spécialisé dans chacun de ces cas que celui de pipe tient à ce qu'un nom propre évoque un plus grand nombre de traits particuliers qu'un nom commun, et c'est là une chose très importante. Je pourrais emprunter à Mill sa terminologie, mais certes pas ses vues, et dire que les noms propres, tels qu'on les emploie effectivement, 'connotent" un plus grand nombre de propriétés. »

108 KLEIBER, Georges, Problèmes de référence : descriptions définies et noms propres, op.cit., p. 183.

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Marie-Garry partage les résultats des recherches de Breal et Jespersen. Ils partagent deux idées principales concernant le sens du nom propre :

1-Le nom propre, désignant une personne, a plus de « propriétés sémantiques » qu’un nom commun.

2-Il n’y a pas de frontières claires entre le nom commun et le nom propre, seuls l’usage et le contexte déterminent leurs sens.

II.3.5.1. Sens autonymique

En linguistique, on parle d’autonymie quand un signe renvoie à lui-même en tant

que signe. Poser le nom propre dans la catégorie des signes autonymiques, c’est le rapprocher aux déictiques (ici, je, maintenant) et aux citations. Jean MOLINO explique cette dimension autonymique du nom propre : « le nom propre est une citation et à

valeur autonymique ; « Jean », c’est seulement celui qui a la propriété de s’appeler Jean. En cela, le nom propre est proche des pronoms personnels, c’est-à-dire d’éléments appartenant au champ déictique du langage.»110 Le nom propre a donc la même caractéristique des déictiques dont le référent ne peut être déterminé que par rapport à la situation d’énonciation.

La question du sens autonymique ou de la sémantique du nom propre nous conduit vers la pragmatique du nom propre, autrement dit les fonctions et les usages du nom propre dans la langue et bien entendu dans la société.

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