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Patiente de 46 ans sans antécédent médico-chirurgical notable présentant depuis deux semaines des tiraillements douloureux de la face antérieure du cou qui augmentent en intensité au fil des jours, quelques épisodes de palpitations y compris au repos, une perte pondérale de 2-3 kg en une semaine ainsi une qu’une impression subjective d’état subfébrile. La patiente signale en outre un syndrome grippal avec rhinorrhée depuis trois mois. A noter l’absence de dyspnée, dysphagie, nervosité, intolérance à la chaleur ou tremblements. La palpation de la thyroïde révèle un goitre homogène, légèrement sensible et asymétrique essentiellement latéralisé à droite, mais sans nodule palpable.

La TSH (0,01 mU/l) et la T4 libre (32 pM) sont normales (norme : 0,4-4 mU/l et 11-27 pM

respectivement). La vitesse de sédimentation (53 mm/h, norme 0-10 mm/heure) et la protéine C-réactive (CRP, 19,7 mg/l, norme < 10 mg/l) sont en revanche élevées. Aucun anticorps antithyroglobuline ou antiperoxydase n’est détecté. L’échographie montre une thyroïde augmentée de volume, homogène, avec des remaniements partiellement nodulaires. Une scintigraphie thyroïdienne à l’iode révèle une faible activité de la thyroïde avec un mauvais taux de captation de 0,7 % cinq heures et demie après l’injection (norme: 10-30 %, figure 48.1), excluant ainsi une maladie de Basedow.

La thyroïdite de De Quervain (thyroïdite subaiguë, thyroïdite granulomateuse, thyroïdite à cellules géantes) survient souvent à la suite d’une infection des voies respiratoires supérieures, donc son incidence varie au fil des saisons. Les virus les plus souvent mis en cause sont des classes coxsackie, influenza, echo, adeno et ainsi que le virus des oreillons. Les femmes sont plus fréquemment touchées que les hommes et le pic d’incidence est observé lors des quatrième et cinquième décades.

La chronologie d’une présentation clinique typique s’étale sur quelques mois et passe d’un état euthyroïde à un état hyperthyroïde avec parfois une troisième phase d’hypothyroïdie. L’hyperthyroïdie s’explique par la destruction de l’épithélium folliculaire et la perte de l’intégrité des follicules avec pour conséquence le relâchement des hormones en réserve ainsi que de leurs précurseurs. Lorsque les réserves hormonales sont épuisées, la concentration plasmatique des hormones thyroïdiennes redescend pour parfois conduire à une hypothyroïdie transitoire, le temps pour les follicules thyroïdiens de recouvrer leur fonction normale avec sécrétion et capacité de stockage.

Le symptôme caractéristique est la douleur de la région thyroïdienne. Elle est d’apparition subite ou non, exacerbée en tournant la tête et lors de la déglutition et irradie vers les oreilles, les mâchoires et l’occiput. L’absence de douleur n’exclut toutefois pas la diagnostic et explique que certains cas peuvent passer inaperçus. Une discrète douleur peut également à tort être attribuée à une pharyngite. La douleur peut, dans les cas sévères, être associée à un

maladie de Basedow. Une thyroïdite de Hashimoto aiguë peut aussi être citée. La présentation peut être douloureuse, mais la thyroïde est diffusément affectée. Les thyroïdites silencieuses, comme leur nom l’indique, sont indolores. La thyroïdite aiguë pyogénique, très rare, se caractérise par la présence de foyers septiques souvent à distance, par une réaction inflammatoire plus marquée aussi bien localement qu’au niveau biologique avec leucocytose et fièvre et une scintigraphie généralement normale (cf. abcès thyroïdien et thyroïdite pyogénique). Une thyroïde douloureuse peut aussi être due à une hémorragie dans un nodule. En cas de goitre multinodulaire la diagnostic est relativement aisé, alors que devant un nodule solitaire la situation peut être plus douteuse. En général, la fonction thyroïdienne est normale (sauf en cas de goitre multinodulaire toxique) et les paramètres inflammatoires sont normaux. Un carcinome thyroïdien peut enfin exceptionnellement se présenter avec le même tableau clinique et biologique.

Les examens d’imagerie parfois utiles dans cette pathologie sont l’échographie et surtout la scintigraphie. L’image scintigraphique caractéristique est la scintigraphie «blanche», c’est- à-dire avec une captation effondrée du radiotraceur. Le diagnostic différentiel d’un tel examen scintigraphique est l’hyperthyroïdie par surcharge iodée (amiodarone le plus souvent), certaines thyroïdites auto-immunes non basedowiennes, particulièrement la thyroïdite postpartale et la thyrotoxicose factice avec une ingestion d’hormones thyroïdiennes habituellement difficile à objectiver à l’anamnèse.

L’aspect échographique typique mais non spécifique des thyroïdites est l’hypoéchogénicité. Dans la thyroïdite de De Quervain elle peut être localisée ou diffuse. Le degré d’hypoéchogénicité est évalué qualitativement par rapport à la musculature avoisinante. Cette hypoéchogénicité est habituellement plus marquée que dans le maladie de Basedow et peut prendre dans les cas sévères et comme dans la thyroïdite de Hashimoto un aspect pseudo-nodulaire au début de la maladie. Dans les rares situations où il est impossible de trancher entre une thyroïdite de De Quervain et une maladie de Basedow, le recours à l’examen Doppler de la thyroïde peut être utile, mais rarement réalisé en pratique. Bien que ces pathologies démontrent toutes les deux une hypervascularisation globale, on note néanmoins une différence de vitesse de l’artère thyroïdienne inférieure : la thyroïdite de De Quervain présente des vitesses systoliques modérées inférieures à 0,4 m/s alors que ces dernières sont beaucoup plus élevées dans la maladie de Basedow (jusqu'à 1 m/s).

L’aspirine, les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou les analgésiques (paracétamol) sont le traitement habituel des formes modérées. Devant une thyroïdite de De Quervain sévère, un traitement à base de glucocorticoïdes (prednisone par exemple) est alors institué. La

symptomatologie est soulagée, mais l’évolution de la maladie reste identique. Les symptômes sont exacerbés si le traitement est interrompu trop précocement.

¼ Références :

• Williams textbook of endocrinology, Wilson JD, Foster D, W. B. Saunders Company, 8th et 9th edition, Philadelphia, 1992 et 1998

• Imagerie en endocrinologie, Bruneton JN, Padovani B, Masson, Paris, 1996

• A clinician’s guide to nuclear medicine, Taylor A, Schuster DM, Alazaraki N, Society of Nuclear Medicine, Reston, 2000

Figure 48.1

Les symptômes se développent insidieusement et sont d’expression principalement compressive, en particulier sur la trachée, l’œsophage et les nerfs laryngés récurrents. La thyroïde est augmentée de taille souvent de manière asymétrique et dure comme de la pierre (consistance ligneuse). Cette dureté, l’envahissement des structures adjacentes et l’agrandissement asymétrique des lobe peut faire suspecter un carcinome, mais il n’y a pas d’adénopathie cervicale associée. Il n’y a pas de symptôme ou de signe d’inflammation : absence de fièvre, pouls et numération sanguine normaux. Certains patients ont des anticorps anti-thyroïdiens circulants, mais moins fréquemment et à des concentrations moindres que dans la thyroïdite de Hashimoto. Une hypothyroïdie peut être observée à l’occasion.

La scintigraphie montre une captation homogène normale ou abaissée.

Le traitement chirurgical est nécessaire pour préserver la trachée et l’œsophage. Les hormones thyroïdiennes soulagent l’hypothyroïdie, mais n’ont aucun effet sur la maladie de base.

¼ Références :

• Williams textbook of endocrinology, Wilson JD, Foster D, W. B. Saunders Company, 8th et 9th edition, Philadelphia, 1992 et 1998

• Imagerie en endocrinologie, Bruneton JN, Padovani B, Masson, Paris, 1996