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Patiente de 50 ans connue pour un carcinome thyroïdien médullaire avec thyroïdectomie totale ainsi que curage ganglionnaire cervical gauche et curage médiastinal avec radiothérapie adjuvante pour métastases ganglionnaires dans ces deux localisations. Deux ans après l’opération une récidive tumorale de la base du cou dans la région rétro- carotidienne gauche est mise en évidence par CT-scan et par une élévation de la calcitoninémie, passant de 900 à 7300 pg/ml (norme < 70 pg/ml pour les femmes). Chirurgicalement la tumeur est adhérente à l’arbre trachéo-oesophagien gauche. Une année plus tard une nouvelle récidive latéro-cervicale gauche et droite avec atteinte des gaines nerveuses est constatée. En outre vu la fibrose qui accompagne les masses l’excision ne peut être complète. Toutes les nodules excisés sont positifs pour un carcinome médullaire. Les examens scintigraphiques de contrôle à l’octréotide montrent une hyperactivité diffuse de part et d’autre de la loge thyroïdienne s’étendant jusqu’au médiastin supérieur (figure 33.1). Le thorax et l’abdomen ne montrent pas de lésion suspecte sur les contrôles scannographiques.

Les cellules parafolliculaires ou cellules C sont de grande taille et situées soit en amas entre des follicules adjacents soit dans la paroi des follicules, entre la lame basale et les cellules folliculaires; elles n’entrent donc pas en contact avec la colloïde. Elles sécrètent la calcitonine en réponse à une élévation de la calcémie. Ses principaux organes cibles sont le tissu osseux et le rein en inhibant la résorption osseuse et en augmentant l’excrétion urinaire de calcium.

Le carcinome médullaire représente 1-2 % des carcinome thyroïdiens, apparaît en général après 40 ans et est un peu plus fréquent chez les femmes. Il envahit tôt dans son évolution les lymphatiques intraglandulaires permettant ainsi une extension tumorale à toute la thyroïde, puis les lymphatiques péricapsulaires et enfin les ganglions lymphatiques régionaux cervicaux, médiastinaux et hilaires pulmonaires. L’extension se fait également par voie hématogène vers les poumons, l’os et le foie. Le taux de survie global à dix ans est estimé 66 % environ. Le pronostic est influencé principalement par la présence ou l’absence de métastases cervicales et médiastinales ainsi que par l’âge du patient au moment du diagnostic, les patients les plus âgés faisant moins de métastases. Vingt pour-cent des carcinomes médullaires sont familiaux et 80 % sporadiques. La forme familiale se déclare plus tôt, est plus souvent bilatérale, les métastases sont plus rares et elle a un meilleur pronostic que la forme sporadique. Le carcinome médullaire familial est associé à la néoplasie endocrinienne multiple de type IIA (NEM IIA) ainsi qu’avec le NEM IIB (cf. ci-dessous). La forme familiale est précédée d’une précancérose, l’hyperplasie prémaligne des cellules C est donc curable par thyroïdectomie totale préventive. L’hypersécrétion de calcitonine cause à un stade tardif des diarrhées, un flush, des ulcères peptiques, une hypertension artérielle et une hypercalcémie. D’autres hormones peuvent également être sécrétées avec pour conséquence un syndrome paranéoplasique comme l’ACTH (syndrome de Cushing), le peptide intestinal

médullaire ou d’hyperplasie des cellules C. Le dosage de la calcitoninémie est également utile pour suivre l’évolution de la tumeur sous traitement ainsi que pour détecter les récidives. La calcémie reste généralement normale.

A l’échographie le carcinome médullaire se présente habituellement comme une masse tumorale hypoéchogène mal délimitée contenant parfois des calcifications en foyers. Comme déjà dit la forme sporadique se présente comme une volumineuse masse ne touchant qu’un lobe thyroïdien, alors que dans la forme familiale et le NEM la tumeur est multicentrique et bilatérale. L’échographie est également utile pour reconnaître les adénopathies cervicales métastatiques, parfois calcifiées, et pour la cytoponction. Un adénome partathyroïdien est parfois aussi retrouvé.

L’examen le plus important demeure le CT-scan qui permet à la fois l’évaluation de la masse, son extension loco-régionale et la détection des métastases à distance. La tumeur peut parfois produire une importante fibrose aussi bien loco-régionale qu’à distance (médiastin) qui est visible au scanner. Les calcifications intratumorales et intramétastatiques sont également visibles. A noter que les métastases osseuses peuvent être lytiques, blastiques ou mixtes. Cet examen permet également la détection d’un éventuel phéochromocytome.

L’intérêt de l’IRM réside principalement dans le bilan loco-régional et dans la détection de récidive grâce à sa meilleure différentiation des tissus mous que le CT-scan.

La scintigraphie thyroïdienne (à l’iode et au technétium) ne présente pas d’intérêt dans la mesure ou le carcinome médullaire ne montre aucun élément spécifique étant donnée que les cellules néoplasiques ne sont pas les cellules folliculaires. En revanche la scintigraphie au MIBG et surtout à l’octréotide est d’un intérêt certain tant dans la détection des métastases que des récidives.

Le traitement peut être d’emblée curatif par thyroïdectomie totale si l’hyperplasie prémaligne des cellules C est diagnostiquée ou si la tumeur est petite. A noter qu’un test génétique permet maintenant d’identifier les patients porteurs d’une mutation du gène du MEN II permettant un diagnostic précoce dans une famille atteinte de ce syndrome. Chez ces patients et chez le membres proches de leur famille, une tumeur thyroïdienne doit être recherchée à intervalles réguliers par un examen clinique et si nécessaire biologique (dosage de la calcitonine) et échographique. Après sa découverte un carcinome médullaire sera traité par thyroïdectomie totale associé ou non à un curage ganglionnaire et éventuellement à la radiothérapie et à la chimiothérapie.

N.B. :

Les néoplasies endocriniennes multiples sont trois syndromes qui partagent plusieurs caractéristiques. La plupart des tumeurs sont composées d’un type cellulaire produisant un ou plusieurs d’amines polypeptidiques. On a attribué à ces cellules l’acronyme APUD (amine precursor uptake and decarboxylation). Les cellules APUD dérivent embryologiquement du neurectoderme (crête neurale) et possèdent certaines propriétés de type neuronal. Le lipome (NEM I) et les névromes muqueux (NEM IIB) sont les deux lésions tumorales des NEM dont les cellules n’appartiennent pas au système APUD. La seconde caractéristique commune est la progression histologique de l’hyperplasie à l’adénome et dans certains cas de l’adénome au carcinome. Troisièmement le développement de l’hyperplasie est un processus multicentrique avec chaque foyer tumoral dérivant d’une seule même cellule, ce qui a été prouvé pour le carcinome médullaire de la thyroïde. Enfin chacun de ces syndromes a une transmission autosomique dominante.

Le NEM I (syndrome de Wermer, chromosome 11) associe hyperparathyroïdie (hyperplasie), adénome de

l’antéhypophyse et tumeur du pancréas endocrine (gastrinome dans 75 % des cas, insulinome et rarement somatostatinome, glucagonome et vipome). D’autres lésions sont moins fréquemment retrouvées : hyperplasie ou adénome surrénaliens, anomalies thyroïdiennes (goitre colloïde, thyroïdite, adénome), tumeur carcinoïde abdominale ou thoracique, thymome, schwannome.

Le NEM IIA (syndrome de Sipple, chromosome 10) associe carcinome médullaire de la thyroïde,

phéochromocytome et hyperparathyroïdie.

Le NEM IIB (anciennement NEM III, chromosome 10), le plus rare des trois, avec carcinome médullaire

de la thyroïde, phéochromocytome, multiples névromes muqueux, ganglioneuromatose digestive et différentes anomalies (syndrome dysmorphique de type marfanoïde, pectus excavatum, épiphysioloyse et extrémités longues et fines).

¼ Références :

• Williams textbook of endocrinology, Wilson JD, Foster D, W. B. Saunders Company, 8th et 9th edition, Philadelphia, 1992 et 1998

• Imagerie en endocrinologie, Bruneton JN, Padovani B, Masson, Paris, 1996

• A clinician’s guide to nuclear medicine, Taylor A, Schuster DM, Alazaraki N, Society of Nuclear Medicine, Reston, 2000

Figure 34.4 Carcinome thyroïdien médullaire métastatique. CT-scan thoracique injecté.

Envahissement du médiastin supérieur.

Figure 34.5 Carcinome thyroïdien médullaire métastatique. CT-scan thoracique injecté.

Adénopathies médiastinales métastatiques.

Figure 33.1

Figure 34.4

Figure 34.5