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Chapitre 2 : La dystrophie musculaire de Duchenne

2.5. Médications et approches thérapeutiques actuelles

2.5.4. Thérapie génique par transfert de gène

La thérapie génique classique vise à combler le défaut de production par l’organisme d’une protéine en transférant le gène lui correspondant, essentiellement à l’aide de vecteurs viraux. Seulement, avec ~14 kb, l’ADNc de la dystrophine est trop long pour pouvoir être cloné dans un vecteur viral sécuritaire qui pourrait être utilisé dans le cadre d’un traitement systémique. Il est donc envisagé de mettre au point des mini- ou micro- dystrophine qui correspondent à des versions tronquées de la dystrophine normale, mais qui contiennent certains domaines fonctionnels de celle-ci. Alternativement, le transfert de gènes dont les fonctions compensent partiellement l’absence de dystrophine dans les muscles est aussi à l’étude.

2.5.4.1. Les mini- et micro-dystrophines

Pour les patients BMD, il est admis que certaines délétions qui maintiennent le cadre de lecture du gène Dmd peuvent résulter en un phénotype léger voire asymptomatique. L’un des cas le plus remarquable, est celui d’un patient BMD ayant une délétion des exons 17 à 48, soit près de la moitié des parties codantes de la dystrophine, qui à l’âge de 70 ans n’avait toujours pas perdu son ambulation [72]. L’existence d’un tel patient a été une grande source d’inspiration pour le développement de thérapies par transfert de gène codant des variants miniaturisés de la dystrophine connus sous les noms de mini-dystrophine (transgène de ~ 7kb) et

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micro-dystrophine (transgène de ~4 kb). Les micro-dystrophines sont d’autant plus étudiées, qu’elles sont compatibles avec une livraison systémique via les AAVs, des vecteurs viraux couramment utilisés en thérapie génique, qui peuvent contenir jusqu’à ~ 5 kb [114].

Plusieurs variants de mini- et micro-dystrophines ont été testés in vivo, dans des modèles dystrophiques de souris ou de chien, afin de tenter d’illustrer leur potentiel thérapeutique [114-123]. Ces expérimentations ont significativement contribué à une meilleure compréhension de l’importance des domaines structuraux de la dystrophine et de la présence de certains cofacteurs. Ainsi des versions plus performantes de micro-dystrophine ont pu être élaborées. L’une des améliorations notables est l’introduction des SLRs 16 et 17 qui permettent de rétablir la localisation de nNOS sous le sarcolemme. Lors de tests fonctionnels, les souris traitées avec un AAV codant pour une micro-dystrophine contenant les SLRs 16 et 17 démontraient de meilleures performances lors d’exercices intenses et étaient protégées d’une ischémie fonctionnelle, contrairement aux souris traitées avec une micro-dystrophine sans ces SLRs [59]. Pour démontrer une efficacité thérapeutique, les mini- et micro- dystrophines doivent contenir au minimum l’extrémités NT comportant le domaine de liaison à l’actine et le domaine CR. Ces deux domaines constituent l’architecture de base à partir de laquelle une multitude de variants ont été conçus et qui se distinguent les uns des autres par leur contenu en SLRs, en domaines charnières (Hinges), en plus de la présence ou non de domaines permettant la liaison d’autres protéines d’intérêt (Figure9) [124].

Plus de 30 variants de mini- et micro-dystrophines ont ainsi été mis au point et certains d’entre eux sont, ou ont été, utilisés dans le cadre d’essais cliniques [125].

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Figure 9. Exemples de mini- et micro-dystrophines

H: identifie les domaines charnières. WW, correspond au domaine formé de 2 acides aminés de tryptophane. ZZ : identifie le domaine en doigt de zinc riche en cystéine. EF : est le domaine structural en hélice-boucle-hélice. Les différentes répétitions de types spectrines du domaine rod sont identifiées par un numéro de 1 à 24. Image tirée de [124].

A titre d’exemples :

En Juillet 2010, la phase clinique I du traitement rAAV2.5-CMV-mini-dystrophin (NCT00428935) a été complétée [126, 127]. Un AAV codant pour cette mini- dystrophine a été injecté par voie intramusculaire à des doses de 2.1010vg/kg ou 1.1011vg/kg chez 6 patients. Cette étude a permis de mettre en évidence l’innocuité de

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la capside du rAAV2.5 (AAV2 comportant 5 mutations de l’AAV1) et du produit du transgène de la mini-dystrophine. Cependant, sur les biopsies des 6 patients traités seulement 2 présentaient une localisation de la mini-dystrophine sous le sarcolemme, bien que très faiblement exprimée. Tandis que les 4 autres patients n’avaient que peu de fibres positives pour la mini-dystrophine, voire aucune. De plus, 2 de ces 4 patients présentaient des lymphocytes T dirigés contre la dystrophine. Cette réponse immune réduit sans doute l’efficacité d’un tel traitement [128] [129].

En 2017, un essai clinique de phase I/II a débuté pour le rAAVrh74.MHCK7.micro- dystrophin (NCT03375164) qui est administré par voie intraveineuse avec une quantité virale importante de 2.1014 vg/kg [130]. Des premiers résultats probants ont été présentés lors du congrès World Muscle Society en octobre 2018. Tout d’abord, aucun effet secondaire sévère n’a été remarqué. Le vecteur AAVrh74 semble s’être dispersé efficacement dans tous les types de muscles avec en moyenne 3.3 copy du transgène par cellule et 81,2% de fibres musculaires exprimant cette micro-dystrophines. De plus, en comparaison au niveau pré-traitement, le niveau d’expression de la protéine a augmenté de 81,2%. L’expression de ce transgène était également associée à la surexpression des protéines du DPAC qui se colocalisent avec la microdystrophine sous le sarcolemme. Ensuite, le niveau de CK sérique a été réduit de 78% et les patients semblaient musculairement renforcés tels qu’observé lors des tests fonctionnelles (North Star Ambulatory Assessment : temps pour se relever, temps de monter d’un escalier de 4 marches, temps pour parcourir 100 m) [131]. Néanmoins, dans la suite de cet essai clinique, il serait essentiel de mettre en évidence des effets bénéfiques à plus long terme aux niveaux cardiaques et respiratoires, deux organes cibles directement liés à l’espérance de vie des patients.

2.5.4.2. Autres thérapies géniques pour la DMD

L’utilisation du rAAVrh74.MCK.GALGT2 (NCT02704325, essai interrompu avant le recrutement des premiers patients), ou encore du rAAV1.CMV.huFollistatin344 (NCT02354781) sont d’autres stratégies de thérapie par transfert de gène envisagées pour le traitement de la DMD [132, 133].

En effet, l’expression de GALGT2 (4-N-acetyl-D-galactosamine galactoside transférase) GALGT2 contribue à la maturation des protéines du dystroglycan et à la

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stabilisation de la jonction neuromusculaire [134]. Son expression stimulerait aussi la production de la dystrophine mais surtout celle de la laminine α2 qui protègerait les muscles lors d’exercices excentriques ce qui en fait une molécule candidate intéressante pour limiter la progression des dystrophinopathies [135, 136].

Quant à la follistatine, il s’agit d’un antagoniste des myostatines qui ont un effet inhibiteur sur le développement musculaire. Dans les souris mdx et des primates non- humains, la follistatine a démontré une augmentation de force et de masse musculaire et chez les souris mdx, une réduction des dommages musculaires [137, 138]. Les résultats de l’essai clinique NCT02354781 de phase I/II, terminé en novembre 2017, ne sont toujours pas publiés. Cependant, la même approche a été envisagée pour améliorer le phénotype de patients BMD [139]. Au cours de cet essai, le traitement intramusculaire local avec un AAV1.CMV.FS344 a permis de réduire la fibrose, de réduire le nombre de noyaux en position centrale dans les fibres, de générer une hypertrophie, mais surtout d’augmenter substantiellement la distance parcourue en 6 minutes par les patients traités, un test courant dans l’évaluation d’un phénotype dystrophique.

Finalement, ces différentes approches de thérapie génique pourraient tout aussi bien traiter des patients DMD que des patients BMD ayant un phénotype dystrophique sévère. Cependant l’absence de certains domaines de la dystrophine liant des cofacteurs peut demeurer un frein non négligeable à l’efficacité d’une thérapie sur le long terme.

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