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2.1- Thérapeutiques Sociopsychoéducatives :

a) Psychoéducation :

L‟éducation thérapeutique a montré son efficacité dans plusieurs pathologies chroniques (diabète, asthme, hypertension artérielle. . .), avec, comme objectif, selon les recommandations éditées par l‟OMS (1998), de « rendre le patient capable d‟acquérir et de maintenir les ressources nécessaires pour gérer de façon optimale sa vie avec la maladie ».

Les objectifs de la psychoéducation dans les troubles bipolaires incluent des objectifs plus larges que la simple éducation thérapeutique :

L‟information sur la maladie et ses traitements, ses prodromes, les symptômes annonciateurs d‟une rechute ou récidive ;

Le contrôle des facteurs de stress identifiés par le patient comme potentiellement sources de déstabilisation thymique ;

La prévention des récidives tant dans leur fréquence de survenue que dans leur sévérité ; l‟amélioration de la qualité de vie (personnelle, familiale, professionnelle, sociale) et du fonctionnement global en période de rémission ; l‟acceptation de la maladie ; l‟observance thérapeutique.

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La psychoéducation doit être proposée le plus tôt possible dans l‟évolution du trouble bipolaire, pouvant ainsi en améliorer le cours évolutif. Elle s‟adresse préférentiellement à des patients normothymiques, généralement à six mois d‟un épisode aigu.

L‟efficacité de la psychoéducation dans les troubles bipolaires a été montrée dès 1999 avec Perry, puis élaborée sous forme de programmes standardisés, notamment par l‟équipe barcelonaise de Vieta et Colom.

La psychoéducation est ainsi le premier type d‟intervention psychosociale testé chez les patients bipolaires à long terme (cinq ans de suivi).

Les familles peuvent être incluses dans ses programmes, selon des modalités spécifiques aux équipes, voire sous la forme ayant montré son efficacité de la Family- Focused Therapy (FFT) [184_186].

b) Thérapie Cognitivo- Comportementale :

En 1996, Basco et Rush publient un premier manuel de TCC pour patients bipolaires, puis paraissent les guides de Lam et al. (1999), de Bauer et al. (2001), et de Newman (2002).

Le modèle de Lam apparaît aujourd‟hui comme la référence internationale [187]. Les programmes de TCC sont très structurés et comportent 14 à 20 séances, en groupe d‟une dizaine de patients, organisées en trois temps : psychoéducation, techniques comportementales et cognitives (stratégies de résolution de problème, de développement de stratégies de coping, de relaxation. . .) et consolidation des acquis. Lam et al. Indiquent que les patients bipolaires de type I, euthymiques, bénéficiant d‟une TCC spécifique ont significativement moins d‟épisodes thymiques, moins d‟hospitalisations et un meilleur fonctionnement social que les patients bipolaires bénéficiant seulement d‟un traitement thymorégulateur [188]. Cependant, l‟effet bénéfique de la TCC sur la prévention des rechutes s‟estompe après 18 mois, soulevant la question de la nécessité de réaliser plusieurs sessions [189].

Au sein d‟une équipe française spécialisée, Dusser et al. Ont proposé un module additionnel de « gestion du stress » à la psychoéducation et au traitement thymorégulateur, s‟adressant aux patients bipolaires normothymiques avec une comorbidité anxieuse.

Ce groupe comporte des stratégies cognitives et comportementales, avec notamment des temps de pratique en relaxation.

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Les résultats préliminaires montrent une diminution du stress perçu après thérapie, le développement de stratégies de coping centrées sur le problème (augmentation de la recherche du soutien social, de la résolution de problème et de la réévaluation positive), ainsi qu‟une diminution des symptômes somatiques d‟anxiété [190].

c) Thérapie interpersonnelle et des Rythmes Sociaux (IPSRT version anglophone et TIPARS version francophone) :

De nombreux arguments soulignent une probable fragilité des rythmes circadiens internes (rythme veille/sommeil, sécrétion de mélatonine, température temporelle, cortisol. . .) dans la maladie bipolaire, y compris en phase euthymique [191].

Les patients bipolaires seraient ainsi potentiellement « désynchronisés », particulièrement sous l‟influence des facteurs externes ou « zeitgebers » (alternance lumière/obscurité, donneurs de temps sociaux comme le temps de travail, les repas, les activités interpersonnelles. . .).

Se basant sur cette hypothèse, Ellen Frank et al. Ont développé l‟Interpersonnel and Social Rhythm Therapy (IPSRT), combinant une thérapie interpersonnelle et une thérapie centrée sur les rythmes sociaux. Elle est basée sur le concept qu‟une irrégularité de l‟organisation du quotidien favorise l‟instabilité circadienne, ce qui serait source d‟instabilité thymique.

Dans une étude randomisée contrôlée avec un suivi prospectif de deux ans, les patients bipolaires de type I ayant bénéficié de l‟IPSRT en phase aiguë ont un maintien de la rémission euthymique significativement supérieure à celle de patients bipolaires sous seuls traitement pharmacologique et management clinique intensif (ICM), cela quel que soit le type d‟intervention de maintenance [192]. Les participants à l‟IPSRT ont également montré une meilleure stabilisation des rythmes quotidiens (sommeil, repas, exercice. . .), et cette stabilisation a été corrélée avec la qualité de la durée de la rémission dans la phase de maintenance [192].

L‟intérêt de l‟action prophylactique a été confirmé, d‟autres études contrôlées et étendue aux troubles bipolaires de type II [193].

L‟IPSRT permet également une amélioration du fonctionnement occupationnel des patients bipolaires [194].

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L‟IPSRT vient d‟être adaptée en France, toujours en association avec le traitement médicamenteux, sous la forme de la Psychothérapie Interpersonnelle et l‟Aménagement des Rythmes Sociaux (TIPARS) [195].

Cette thérapie brève est élaborée en 24 sessions sur six mois, en plusieurs phases : Phase initiale : anamnèse, psychoéducation et contractualisation de la psychothérapie; Phase intermédiaire : aménagement des rythmes visant à améliorer la régularité des routines quotidiennes et résolution des problèmes interpersonnels (problèmes psychosociaux et relationnels associés à cette pathologie dans un des quatre domaines : le deuil non résolu, les conflits, les changements de rôles et le déficit de relations) ;

Phase de terminaison : évaluation de l‟efficacité de la thérapie, autonomisation et développement des stratégies de prévention ; phase de maintenance ultérieure pour optimiser les résultats obtenus dans la thérapie.

La TIPARS est à débuter dès que possible en phase aiguë, en fonction de l‟intensité sémiologique.

d) Thérapie familiale et de couple :

La thérapie ciblée sur la famille (FFT), originellement proposée aux familles de patients schizophrènes, a été adaptée au traitement du trouble bipolaire.

Cette approche thérapeutique familiale a été développée initialement afin de réduire le niveau d‟émotions négatives exprimées dans les familles. Elle consiste non seulement à donner une information aux familles sur la maladie, mais aussi à réattribuer certains comportements du patient à la maladie bipolaire et non à la personne elle-même.

En effet, un niveau élevé d‟émotions négatives exprimées est un potentiel facteur de stress favorisant une rechute thymique.

Dans le programme Systematic Treatment Enhancement Program for Bipolar Disorder (STEP-BP) aux États-Unis, la FFT a montré être supérieure à une approche psychologiquement moins soutenue (trois séances psychoéducatives) dans le traitement de la dépression de patients bipolaires, toujours sous traitement médicamenteux [196].

Une prise en charge en FFT sur neuf mois, au décours d‟un épisode aigu (principalement état maniaque ou mixte), a permis une réduction des symptômes dépressifs et du risque de rechute à un an [197].

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Ces bénéfices se confirment à deux ans avec moins de rechutes que les patients ne suivant que quelques séances de psychoéducation des familles.

De plus, les patients ayant bénéficié de la FFT montrent non seulement des symptômes thymiques moindres, mais aussi une meilleure observance médicamenteuse pendant les deux ans de suivi [186,198].

e) Thérapie cognitive en pleine conscience (MCBT) :

La Thérapie Cognitive en Pleine Conscience (Mindfulnessbased Cognitive Therapy [MBCT]) est une approche psychothérapeutique récente, d‟abord proposée dans le trouble unipolaire récurrent, dans les troubles anxieux (Mindfulnessbased Stress Reduction), et plus récemment dans les troubles bipolaires.

La MBCT combine une thérapie cognitive avec un entraînement à la méditation. Cet apprentissage enseigne aux patients l‟aptitude à être davantage conscients de leurs pensées, perceptions, émotions dans l‟instant présent et sans jugement de valeur.

Williams et al. Ont exploré dans un essai randomisé contrôlé (versus unipolaires) la faisabilité et les bénéfices potentiels de la MCBT en complément du traitement habituel en se focalisant sur les symptômes résiduels dépressifs et anxieux de patients bipolaires en rémission, c‟est-à-dire entre les épisodes aigus. Ils ont montré des résultats immédiats sur l‟anxiété et les symptômes dépressifs résiduels chez les patients bipolaires [199].

Deckersbach et al. Ont montré chez les patients bipolaires pratiquant la MCBT une réduction des symptômes dépressifs résiduels et des difficultés attentionnelles, ainsi qu‟une augmentation des capacités de régulation des émotions, du bien-être psychologique, des affects positifs et du fonctionnement psychosocial. Ces bénéfices mis en évidence dès la fin du traitement se maintenaient à trois mois de suivi [200].

Ces résultats sont cohérents avec ceux d‟études préalables suggérant que l‟entraînement à la MCBT diminue la réactivité émotionnelle, réduit la distractibilité et les ruminations, améliore les systèmes de contrôle des régions préfrontales impliquées dans la régulation émotionnelle.

Dans une étude ouverte, Stange et al. Ont mis en évidence que les patients bipolaires bénéficiant de MBCT avaient également une amélioration significative des fonctions exécutives et de la mémoire. Ces améliorations cognitives ne sont pas expliquées par une

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diminution des symptômes dépressifs. À trois mois de la thérapie, persistait seulement l‟amélioration des fonctions exécutives [201].

Cette approche pourrait être intéressante dans le traitement des déficits cognitifs persistant en phase euthymique dans l‟évolution de la maladie bipolaire.

Cette amélioration cognitive est cohérente avec des données d‟imagerie mettant en évidence chez des sujets sains une augmentation du volume hippocampique, une activation et une augmentation de la substance blanche dans le cortex cingulaire (région impliquée dans l‟attention exécutive) par la pratique de la MCBT.

Ces résultats préliminaires de la MCBT sont très encourageants sur les symptômes dépressifs résiduels, l‟hyperréactivité émotionnelle, le fonctionnement global et cognitif.

Le développement de la MCBT en France est encore très limité et le schéma de sa pratique optimale pour le maintien des bénéfices de la MBCT après l‟arrêt du traitement est à définir chez les patients bipolaires.