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2.2 Modèles computationnels d’inférence

3.1.2 Théories psychologiques de la mémoire de travail

Le modèle de Baddeley et Hitch

En 1974, Baddeley et Hitch ont proposé un modèle de la mémoire de travail composé de plusieurs sous-systèmes [8]. Les quatre composants de ce modèle sont décrits ci-après.

La boucle phonologique. La boucle phonologique est un système de la mé-moire de travail spécialisé dans le stockage et le traitement des informations verbales et symboliques : mots, chiffres, lettres, syllabes, etc. Elle est impliquée dans la lecture, l’écriture, la compréhension orale, et dans le calcul mental. Elle est composée de deux sous-systèmes :

• Un "entrepôt phonologique" qui sert de mémoire verbale à court terme, • Un système de répétition chargé de répéter mentalement le contenu de l’entre-pôt phonologique afin d’en prévenir le déclin. Ce système permet par exemple de maintenir en mémoire un numéro de téléphone tant qu’il est répété.

Le calepin visuo-spatial. Le "calepin visuo-spatial" correspond à la portion de la mémoire de travail chargée de mémoriser des images ou des stimuli visuels. Il peut mémoriser jusqu’à quatre informations de différents types : couleur, forme, vitesse et position d’un objet perçu par le système visuel.

L’administrateur central. Ce sous-système correspond au mécanisme atten-tionnel de contrôle et de coordination des deux sous-systèmes précédents (les systèmes "esclaves"). Il intègre les informations issues des deux sous-systèmes et les met en relation avec les connaissances conservées en mémoire à long terme. Il dirige l’attention vers l’information pertinente, inhibe l’information non perti-nente et les actions inappropriées, et coordonne les processus cognitifs.

Le tampon (ou buffer) épisodique. Ce quatrième composant a été ajouté ultérieurement au modèle [7]. C’est au niveau de ce tampon que l’administrateur central peut regrouper les informations issues des sous-systèmes et de la mémoire à long terme.

Le modèle de Cowan

Selon Cowan [58], la mémoire de travail ne représente que la partie activée de la mémoire à long terme. Autrement dit, les représentations en mémoire de travail sont un sous-ensemble des représentations en mémoire à long terme. Il existe donc deux niveaux imbriqués : (i) le premier niveau correspond aux repré-sentations activées en mémoire à long terme. Elles peuvent être très nombreuses car la capacité de la mémoire à long terme n’est pas limitée ; (ii) Le second ni-veau correspond à la partie la plus activée, le "focus attentionnel", qui, lui, a une capacité limitée : il peut contenir quatre représentations tout au plus [59].

Ce modèle est de type connexionniste et automatiste : il n’existe qu’une seule structure composée d’unités fortement reliées entre elles et couplées à une fonction énergétique, l’activation, qui se localise dans certaines zones du réseau en fonction des besoins. Ce modèle est automatiste puisqu’il ne fait pas appel à des structures de contrôle ou de supervision : les propriétés physiques et mathé-matiques du réseau, des unités et de la fonction énergétique suffisent à rendre compte de l’ensemble des éléments.

Le modèle d’Oberauer

Oberauer a étendu le modèle de Cowan en ajoutant un troisième compo-sant, un focus attentionnel plus étroit qui ne peut contenir qu’un seul élément à la fois. Par exemple, il est possible de maintenir en mémoire quatre chiffres en même temps dans le "focus attentionnel" tel que défini par Cowan. Cependant, si l’on souhaite effectuer une opération sur chacun de ces chiffres, par exemple leur ajouter deux, il est nécessaire de traiter séparément chaque chiffre. Le composant attentionnel d’Oberauer sélectionne l’un des chiffres pour l’opération puis déplace le "focus attentionnel" au chiffre suivant, jusqu’à ce que l’ensemble des chiffres aient été traités [168].

Oberauer suggère même que la mémoire de travail n’est pas une mémoire à proprement parler, mais plutôt un système attentionnel ; c’est-à-dire un méca-nisme ou un processus qui donne la priorité à un sous-ensemble de représentations

3.1. LA MÉMOIRE DE TRAVAIL 49 par rapport à d’autres, donnant ainsi aux représentations sélectionnées une in-fluence plus importante sur les processus cognitifs à venir. La mémoire de travail serait ainsi de l’attention dirigée vers des représentations mnésiques, qui sélec-tionne à tout moment un sous-ensemble de la mémoire comme contenu courant de la pensée.

Cette redéfinition de la mémoire de travail la rend indépendante du degré de nouveauté de son contenu. L’information peut tout aussi bien être nouvelle ou déjà bien connue. Les mêmes mécanismes s’appliquent dans les deux cas. Ceci est important pour notre propos. En effet, les tâches utilisées pour étudier la mémoire de travail ont quasiment toujours recours à des ensembles d’items nou-veaux (nombre, mots ou objets) qui doivent être maintenus en mémoire de travail à chaque essai. Au contraire, les tâches de contrôle cognitif utilisent presque tou-jours les mêmes task-sets tout au long de l’expérience.

Oberauer est d’ailleurs l’un des premiers à distinguer la mémoire de travail déclarative de la mémoire de travail procédurale. Ou, formulé autrement, la mé-moire de travail pour "penser" et celle pour "agir". Selon Oberauer, les mémé-moires de travail déclarative et procédurale opèrent selon des principes analogues mais ont des capacités limitées distinctes.

La mémoire de travail déclarative. Les représentations déclaratives sont celles qui fournissent de l’information au sujet du monde : l’état actuel de l’envi-ronnement (interne et externe), les souvenirs des évènements passés et la connais-sance de faits. Cette information est représentée dans un format qui peut être uti-lisé de façon flexible pour la communiquer (d’où son appellation "déclarative"), et la manipuler.

Le contenu de la mémoire de travail déclarative correspond à des représen-tations présentes en mémoire déclarative à long terme sur lesquelles l’attention est portée, afin de pouvoir les utiliser lors d’opérations cognitives.

La mémoire de travail procédurale. Les représentations procédurales sont celles qui guident les opérations cognitives et le choix de l’action en spécifiant ce qu’il faut faire selon les circonstances (les circonstances sont des représen-tations déclaratives). Les représenreprésen-tations procédurales sont des sortes de règles condition-action, où la condition décrit les circonstances pour lesquelles la procé-dure s’applique, et la composante action définit ce qu’il faut faire.

Même si les représentations procédurales doivent être traduites dans un format déclaratif pour être communiquées (comme une règle verbale lors d’ins-tructions), elles ne sont pas déclaratives en elles-mêmes. L’idée centrale est que la cognition et l’action sont contrôlées par des représentations procédurales. Les représentations déclaratives, telles que des instructions, sont systématiquement traduites en procédures qui génèrent les actions.

Le contenu de la mémoire de travail procédurale correspond à des repré-sentations de la mémoire procédurale à long terme sur lesquelles l’attention est portée, les sélectionnant ainsi pour guider les opérations cognitives effectuées sur les représentations déclaratives.