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Méthodes inspirées de théoriciens

A) Théories de Bourcet

a) Système divisionnaire ou organisation de l’armée en divisions autonomes

Pierre de Bourcet ( 1700 - 1780 ), auteur militaire du XVIIIe siècle estimait que la mobilité et la souplesse des armées constituaient les valeurs suprêmes. Par conséquent, il proposa une théorie qui consistait à fractionner l’armée en éléments constituant un tout. Ces éléments pourraient opérer séparément les uns des autres, mais également coopérer à la conquête d’un objectif commun.

Au cours du XVIIIe siècle, les armées pré-napoléoniennes formaient un bloc unique qui résultait de l’absence de segmentation en grandes unités. Cette organisation monobloc entraînait une congestion des routes de marche et une réduction des capacités de commandement, ce qui imposait une limitation des effectifs de ces armées et réduisait leur capacité de manœuvre. Bourcet s’était inspiré du concept d’armée modulaire ( ou système divisionnaire) qui avait émergé durant la guerre de Sept Ans ( 1756 - 1763 ) avec l’utilisation par le maréchal de Broglie44 de colonnes indépendantes. Les divisions avaient pour objet principal de simplifier les ordres de marche et de faciliter ainsi l’accélération des mouvements par lesquels l’armée pouvait prendre un ordre de bataille45.

Grâce au principe divisionnaire, aux mouvements amples et combinés des grandes unités, la guerre prend un caractère plus décisif. L’assaillant limite la zone de manœuvres du défenseur, l’acculant à la bataille ou à la retraite. Et durant la bataille elle - même, chacun pouvait modifier la répartition de ses forces, les accumuler sur un point important et les mouvoir et manœuvrer pendant et après la prise de contact. La répartition des troupes sur le champ de bataille pouvant être très inégale et leurs mouvements prompts, il devenait alors possible

44 Victor - François de Broglie fut l’un des plus célèbres soldats français du XVIIIe

siècle. Il fut promu successivement capitaine de cavalerie, brigadier, maréchal de camp, lieutenant-général des armées et maréchal de France (en 1759 ).

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Stéphane Béraud, La révolution militaire napoléonienne: les manœuvres, Paris, B. Giovanangeli, 2007, p. 151 - 154.

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de maintenir le combat sur une partie du front avec peu de soldats. On cessait de considérer la bataille comme perdue d’avance si l’on n’était pas supérieur en nombre, comme impossible si l’ennemi était posté, comme risquée si les armées étaient équivalentes. Les batailles pouvaient être engagées et gagnées par les manœuvres.

Ce que les tacticiens , et en particulier Bourcet, voulaient faire disparaître, c’était la lenteur et l’inefficacité des guerres d’autrefois qu’ils attribuaient bien plus à l’imperfection des moyens qu’à la disposition morale des combattants46.

b) Désavantage du principe divisionnaire: le système de cordon

L’expansion des armées grâce à la séparation, puis la convergence des divisions, permettait donc de déloger sans cesse l’ennemi par une sorte de battue, ne lui laissant que l’alternative de la bataille ou de la retraite. Mais, en même temps que Bourcet perçut le grand avantage de ce système divisionnaire, il se rendit également compte des dangers qu’il pourrait présenter. L’instrument était d’autant plus difficile à manier et d’un usage d’autant plus périlleux qu’il devenait de plus en plus perfectionné. Le principe divisionnaire conduisit les généraux lents et maladroits au système de cordon, c’est - à - dire à des armées figées dans un dispositif trop étendu et trop morcelé pour une action d’ensemble47.

Lorsqu’une armée est en cordon, c’est - à - dire morcelée sans idée de concentration, il peut arriver que l’ennemi, plus actif, écrase séparément les parties du cordon; ou s’il reste en cordon lui aussi, il en résulte une série de combats partiels, au lieu d’une bataille défensive. Ce nouveau système qui devait rendre la guerre plus énergique et plus prompte, pouvait la rendre, au contraire,

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Jean Colin ( capitaine ), L’éducation militaire de Napoléon, Paris, Éditions historique, Teisèdre, 2001, p. 65 - 69.

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Le terme cordon s’applique à toute mesure de défense destinée à protéger directement tout un secteur au moyen d’une ligne continue de postes. Cette ligne ne peut protéger que d’assauts assez faibles. La muraille de Chine fut construite dans le but d’assister les opérations mineures des incursions tartares. Durant les guerres de la Révolution, les états-majors autrichien et prussien crurent à certains moments qu’une défense en cordon pourrait servir de couverture contre n’importe quelle attaque alors que Bonaparte, même lorsqu’il n’était que premier consul recommandait à ses troupes d’éviter ce genre de défense .

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lente et languissante. Par conséquent, Bourcet conseilla qu’en général il serait bon de ne pas trop éparpiller le front, c’est - à - dire de ne pas répartir le front de l’armée sur une trop grande échelle, afin de permettre aux troupes de se concentrer en moins de 24 heures48.

c) Conception d’un plan à plusieurs branches

Bourcet fut le premier tacticien à envisager des plans d’ensemble pour toutes les opérations d’une campagne. Il fut également le premier à embrasser d’un seul coup d’œil tout un théâtre de guerre et y distinguait un champ offensif et un champ défensif. Par conséquent, il déclara qu’il fallait avoir deux armées, l’une offensive pour opérer dans tous les pays, et l’autre pour opérer en défensive sur toutes les parties du théâtre de guerre qui pourraient concourir à la sûreté de sa ligne de communication.

Bien que l’armée qui prend l’offensive ait l’avantage d’imposer d’abord sa volonté à l’ennemi, il faut cependant prévoir qu’avant le moment où elle se porterait sur l’adversaire, celui-ci aurait pu modifier ses dispositions de manière à empêcher l’exécution du premier projet. Il est nécessaire d’avoir prévu toutes les circonstances et d’être prêt à entreprendre des opérations très diverses suivant la situation où l’on se trouvera au dernier moment. C’est ce que Bourcet appelle: former un projet à plusieurs branches. Il ne faut donc pas oublier d’examiner en détail toutes les opérations que l’ennemi peut entreprendre, et la riposte qui convient à chacune49.

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Jean Colin ( capitaine ), Les transformations de la guerre, Paris, Économica, 1999, p. 177 - 181.

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