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1.2 La dysfonction endothéliale, un marqueur précoce des MCV 44

1.2.2. Le vieillissement 55

1.2.2.2 La théorie des radicaux libres 57

La théorie des radicaux libres propose que l’accumulation de dommages oxydants provoque le vieillissement (Harman 1956; Harman 2006). Cette théorie a initialement été proposée en 1956 par Harman (Harman 1956), et a été amendée par la suite à quelques reprises (Harman 1972; Harman 1983; Harman 2006). Étant donné le rôle important des mitochondries dans la production de RS, une place importante leur a été dédiée (Harman 1972).

Les groupes de recherche des Drs Anna Csiszar et Zoltan Ungvari en Oklahoma ont réalisé plusieurs études en faveur de la théorie des radicaux libres (Csiszar et al. 2002; Labinskyy et al. 2006; Csiszar et al. 2007b; Ungvari et al. 2011a; Ungvari et al. 2011b; Ungvari et al. 2011c; Ungvari et al. 2013a; Ungvari et al. 2013b). En effet, ils ont montré qu’avec l’âge, la quantité de RS augmentait dans les artères coronaires chez le rat (Csiszar et al. 2002). Ils ont de plus démontré que chez les souris Peromyscus leucopus,

qui ont une espérance de vie maximale doublée par rapport aux souris Mus musculus, les niveaux de dommages oxydants vasculaires sont inférieurs (Csiszar et al. 2007b). Dans les aortes des souris Peromyscus leucopus, une production de RS inférieure et une expression protéique supérieure de la catalase, la GPx-1 et la HO-1 par rapport aux souris Mus musculus sont observées (Csiszar et al. 2007b). Chez les mollusques, qui sont des modèles fréquemment utilisés dans les études sur le vieillissement, la palourde

Arctica islandica qui peut vivre plusieurs centaines d’années a moins de dommages

oxydants dans son cœur et ses branchies que son voisin taxinomique Mercenaria

mercenaria qui vit environ 100 ans (Ungvari et al. 2011c). Ces résultats confirment

plusieurs observations publiées auparavant par d’autres groupes dans d’autres espèces: l’étude du rein et du cœur chez 7 différents mammifères (souris, hamster, rat, lapin, porc, vache, cochon d’Inde) avait montré une corrélation inverse entre l’espérance de vie et la production mitochondriale de RS (Ku et al. 1993a). Une étude similaire chez 8 mammifères (souris, rat, lapin, cochon d’Inde, mouton, vache, cheval, porc) était arrivée à la même conclusion: il y a une corrélation inverse entre les dommages oxydants dans le cerveau et le cœur et l’espérance de vie (Barja et al. 2000). Chez le rat et le pigeon, 2 espèces ayant une masse corporelle similaire, l’espérance de vie supérieure du pigeon serait attribuable à la production inferieure de RS dans le cerveau, le cœur et les reins, couplée à des activités antioxydantes supérieures de la catalase, de la GPx et de la SOD dans ces tissus (Ku et al. 1993b; Barja et al. 1998). Toutes ces données sont en accord avec la théorie des radicaux libres.

Les espèces qui présentent moins de dommages oxydants et vivent plus longtemps résistent également mieux face à des stress exogènes (Migliaccio et al. 1999; Labinskyy et al. 2006; Csiszar et al. 2007b; Ungvari et al. 2011a; Ungvari et al. 2011b; Ungvari et al. 2011c; Ungvari et al. 2013a; Ungvari et al. 2013b). Cette observation est en accord avec la théorie des radicaux libres puisque la capacité à éviter une hausse de stress oxydant favorise la survie. Les artères carotides isolées du «naked mole rat», le rongeur ayant l’espérance de vie maximale la plus longue (28 ans), présentent moins de dommages oxydants et une activation des caspases inférieure par rapport aux carotides isolées de la souris Mus musculus en présence de H2O2 (Labinskyy et al. 2006). Les palourdes ayant une espérance de vie maximale plus grande (Arctica islandica et Tridacna derasa) ont mieux résisté (taux de survie plus grand) aux stress génotoxiques du tert-butyl

hydroperoxyde (TBHP), du gaz moutarde et du méthyl méthanesulfonate par rapport à la palourde Argopecten irradians irradians qui a une espérance de vie plus courte (Ungvari et al. 2013a; Ungvari et al. 2013b). La palourde Arctica islandica présente aussi moins d’apoptose en présence du TBHP que Mercenaria mercenaria (Ungvari et al. 2011c). Les aortes des souris Peromyscus leucopus résistent mieux (moins d’apoptose et de stress oxydant) face à une forte concentration de glucose ou de oxLDL (Csiszar et al. 2007b). Les fibroblastes isolés des souris p66shc-/-, qui ont une espérance de vie supérieure aux souris WT, ont une résistance accrue face à la toxicité du H2O2 (Migliaccio et al. 1999). De plus, les souris p66shc-/- survivent plus longtemps que les souris WT suite à une injection de paraquat, qui génère une dose massive de RS (Migliaccio et al. 1999). À l’inverse, les cellules endothéliales et les VSMC isolées de rats ou macaques âgés ne parviennent pas à se défendre efficacement contre une concentration élevée de H2O2 ou de glucose car le vieillissement provoque une dérégulation de la voie protectrice du Nrf2 (Ungvari et al. 2011a; Ungvari et al. 2011b).

Bien que la théorie des radicaux libres soit appuyée par différentes études montrant que le stress oxydant s’accentue avec l’âge (Finkel et al. 2000), plusieurs voix se sont élevées pour s’y opposer (Blagosklonny et al. 2010; Lapointe et al. 2010). Selon les opposants, si la seule raison du vieillissement provient d’un excès de RS, alors la surexpression des enzymes antioxydantes devrait prolonger la survie et leur inhibition devrait diminuer l’espérance de vie (Lapointe et al. 2010). Toutefois, seule la surexpression de la catalase chez la souris a montré un effet direct sur l’espérance de vie (Schriner et al. 2005), alors que la surexpression ou l’inhibition des autres enzymes antioxydantes chez la souris se sont avérées sans effet (Perez et al. 2009b; Perez et al. 2009c). Bien que la consommation d’antioxydants comme le N-acétyl-cystéine (Sablina et al. 2005) ou le resvératrol (Baur et al. 2006) chez la souris réduise le stress oxydant et prolonge la vie, ce phénomène n’est pas observé chez l’humain (Steinberg et al. 2002; Katsiki et al. 2009) (section 1.3.2.1). Il semble donc que le processus du vieillissement soit en fait complexe et multifactoriel, tout en étant compatible avec une hausse du stress oxydant (Holliday 2006; Hayflick 2007).