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1.4 Le p53, beaucoup plus qu’un gène suppresseur de tumeurs 100

1.4.2 Les rôles qui ont donné la notoriété au p53 104

1.4.1.1 L’apoptose 105

L’apoptose, ou mort cellulaire programmée, est initiée par 2 mécanismes: la voie extrinsèque et la voie intrinsèque (ou mitochondriale). L’activation des caspases est requise dans les 2 voies, où p53 régule plusieurs joueurs importants (Figure 12).

Figure 12 Le p53 contrôle l’expression génique de plusieurs médiateurs des voies

intrinsèques et extrinsèques de l’apoptose.

La voie extrinsèque initie l’apoptose via les récepteurs de mort principaux DR5 et FAS. La voie intrinsèque débute lorsque p53 active l’expression des gènes pro-apoptotiques Noxa, Puma et Bax. Les 2 voies font intervenir les caspases pour provoquer l’apoptose de la cellule.

Réimprimé avec la permission de John Wiley and Sons : Journal of Cellular Biochemistry, ES Helton, X Chen. p53 Modulation of the DNA Damage Response, 100, pp 883-896, Copyright (2006).

La voie extrinsèque nécessite l’activation de récepteurs «de mort» (DR, death receptors) dont l’expression est régulée par p53, tels que Fas/CD95 (Muller et al. 1998) et DR5 (Wu et al. 1997). L’activation de ces récepteurs débute par une cascade intracellulaire qui occasionne la mort cellulaire via l’activation des caspases 3 et 8 (Haupt et al. 2003).

L’utilisation d’agent chimiothérapeutique comme la doxorubicine, qui active p53, provoque une hausse d’expression de Fas/CD95 dans différentes lignées cellulaires cancéreuses, ce qui induit l’apoptose (Muller et al. 1998). Toutefois, la hausse de Fas/CD95 et l’apoptose ne sont plus observées lorsque ces drogues sont utilisées sur

des lignées cellulaires p53-/- (Muller et al. 1998). Un élément de réponse pour p53 a été découvert sur le promoteur du gène de Fas/CD95, confirmant le rôle primordial de p53 pour activer l’apoptose via Fas/CD95 (Muller et al. 1998). L’activation de Fas est provoquée par la liaison de son ligand (le «Fas ligand») suite aux radiations γ dans le rein et la rate chez la souris (Bouvard et al. 2000).

Le DR5 est aussi sous la régulation transcriptionnelle de p53. La doxorubicine augmente l’expression de DR5 dans les lignées cancéreuses humaines colorectales HCT116 et de carcinome pulmonaire H460 (Wu et al. 1997). Le ligand induisant l’apoptose reliée au TNF (TRAIL, TNF related apoptosis inducing ligand) qui lie le DR5, est aussi sous le contrôle transcriptionnel de p53 (Kuribayashi et al. 2008). L’induction de TRAIL dépendante de p53 a été observée par le traitement à la doxorubicine et au 5- fluorouracil, deux drogues anticancéreuses, dans la lignée de cellules HCT116 (Kuribayashi et al. 2008).

La voie intrinsèque, ou mitochondriale, est activée en présence de dommages à l’ADN (Figure 12) (Haupt et al. 2003). Le cytochrome c est relâché, permettant l’activation de la caspase 9, puis de la caspase 3 (Haupt et al. 2003). C’est la famille de protéines Bcl-2 qui contrôle la voie intrinsèque, comprenant des membres pro-apoptotiques comme Bax et Bak, et anti-apoptotiques comme Bcl-2 et Bcl-XL (Figure 13) (Haupt et al. 2003). Le p53 favorise l’expression de 3 gènes pro-apoptotiques en présence de stimuli qui induisent des dommages à l’ADN (i.e. rayons X et doxorubicine): Bax (Thornborrow et al. 2002), le modulateur de l’apoptose activé par p53 (PUMA, p53 up-regulated modulator of

apoptosis) (Yu et al. 2003) et Noxa (qui signifie dommage en latin) (Oda et al. 2000). Le

p53 peut aussi activer l’expression de la caspase 6 en présence de doxorubicine in vitro (MacLachlan et al. 2002), ce qui fait une cible supplémentaire de p53 pour activer les voies apoptotiques. Le p53 peut aussi agir indépendamment de son rôle de facteur de transcription. La monoubiquitination de p53 par Mdm2 donnerait le signal à la mitochondrie pour stimuler l’apoptose de manière indépendante de l’activité transcriptionnelle de p53 (Marchenko et al. 2007). Une fraction de la portion cytosolique de p53 peut en effet entrer dans la mitochondrie et initier le processus d’apoptose (Marchenko et al. 2000). Le p53 agirait en liant directement Bcl-2 et Bcl-XL par des interactions protéine-protéine, ce qui permettrait la perméabilisation de la membrane

extérieure de la mitochondrie et favoriserait la relâche du cytochrome c (Mihara et al. 2003). Ainsi, p53 peut induire l’apoptose lorsque des dommages à l’ADN sont ressentis en stimulant l’expression génique des gènes pro-apoptotiques et en inhibant les protéines anti-apoptotiques.

Figure 13 Le p53 agit via différents gènes pour induire l’apoptose

Le p53 active transcriptionnellement différents gènes pour induire l’apoptose. L’activation de DRAM initie l’autophagie. L’activation du gène 3 induit par p53 (PIG3) produit une hausse des RS qui mène vers l’apoptose. Le p53 peut activer l’expression des récepteurs de mort Fas/CD95 et DR5, en plus d’activer les gènes pro-apoptotiques Bax, PUMA et Noxa pour promouvoir la relâche du cytochrome c de la mitochondrie et l’activation des caspases. Le p53 inhibe le gène anti-apoptotique Bcl-2 par une interaction protéine-protéine, ce qui favorise aussi la relâche du cytochrome c de la mitochondrie. DR5 : récepteur de mort 5; DRAM : modulateur de l’autophagie régulé par les dommages; PUMA : modulateur de l’apoptose activé par p53; RS: espèces réactives.

De plus, une hausse de RS peut accélérer le processus d’apoptose. L’identification de nouveaux gènes cibles de p53 par sa transfection dans la lignée de cellules de cancer colorectal DLD-1 a permis d’identifier des gènes induits par p53 (PIG, p53-induced

genes) qui provoquent une hausse de RS et l’apoptose (Figure 13) (Polyak et al. 1997).

Le PIG3 a été identifié comme étant un élément clé de l’apoptose induite par les RS et p53 (Polyak et al. 1997). La surexpression de p53 a démontré l’activation de manière chronologique de PIG3, de la production de RS et de l’apoptose (Polyak et al. 1997). L’inhibition de la transcription génique par le 5,6-dichlorobenimidizole riboside et la cycloheximide, puis de la hausse des RS par le PDTC et le chlorure de

diphényléneiodonium-DPI a confirmé la nécessité de l’activation génique des PIG par p53 pour augmenter les RS (Polyak et al. 1997). L’inhibition de l’ouverture du PTP (par l’acide bongkrékique) a bloqué l’apoptose, sans effet sur les PIG et les RS, confirmant la chronologie de l’apoptose induite par p53 et les RS via les PIG (Polyak et al. 1997).

Finalement, p53 utiliserait également l’autophagie pour induire l’apoptose (Figure 13). L’autophagie est un processus catabolique qui consiste à dégrader des composantes cellulaires défectueuses via la machinerie lysosomale (Zilfou et al. 2009). Le p53 activerait l’expression du modulateur de l’autophagie régulé par les dommages (DRAM,

damage-regulated autophagy modulator), une protéine lysosomale qui participe à la

régulation de l’autophagie (Crighton et al. 2006). L’inhibition de DRAM par siRNA bloque l’apoptose induite par la doxorubicine dans les cellules tumorales RKO et Saos-2, sans toutefois altérer l’expression de p53 et de p21 (Crighton et al. 2006). De plus, la transfection seule de DRAM ne permet pas d’induire l’apoptose contrairement à la transfection de p53 (Crighton et al. 2006). L’inhibition du gène ATG5, qui est nécessaire à l’autophagie, bloque l’apoptose induite par p53 et DRAM (Crighton et al. 2006). Ainsi, l’activation de DRAM par p53 suggère que ce dernier pourrait utiliser la voie de l’autophagie pour induire l’apoptose. L’implication de l’autophagie dans la protection contre le cancer demeure toutefois obscure (Vousden et al. 2009).

En résumé, p53 a la capacité de provoquer l’apoptose cellulaire en activant différents gènes cibles impliqués dans diverses voies moléculaires (Figure 13). Ce mécanisme permet à la cellule d’éviter une prolifération aberrante suite à des dommages. Heureusement, l’activation de p53 ne provoque pas irrémédiablement la mort de la cellule, p53 peut aussi arrêter temporairement le cycle cellulaire et permettre la réparation des dommages à l’ADN.