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Chapitre I.2 La théorie des matroïdes : une approche combinatoire crypto-

1.1 Théorie des matroides

Les matroïdes ont été introduits dans les années 30 par Whitney dans ses travaux concernant son approche axiomatique de la dépendance linéaire et algébrique. Comme le nom le suggère, Whitney décrit les matroïdes comme une généralisation abstraite de la notion d’indépendance des colonnes d’une matrice. Les matroïdes fournissent un traitement unificateur de la dépendance en algèbre linéaire et en théorie des graphes. Autrement dit, c’est une structure combinatoire qui permet de capturer et généraliser les principales propriétés ensemblistes de la dépendance linéaire dans les espaces vectoriels. Depuis, il a été reconnu que les matroïdes apparaissent naturellement dans l’optimisation combinatoire et qu’ils peuvent être utilisés comme cadre pour aborder une étonnante diversité de problèmes. Ainsi cette notion apparaît naturellement dans la théorie des graphes, des corps, des algorithmes gloutons ou de la topologie. Il existe plusieurs définitions cryptomorphiques des matroïdes basé sur les concepts d’ensemble des indépendants, des circuits, des bases, des rangs et des plats. Nous décrivons dans un premier temps l’axiomatisation la plus fréquente de la théorie des matroïdes définissant la notion d’objets indépendants. Puis, nous détaillons les systèmes d’axiomes équivalents fondés sur les plats et les rangs que nous utilisons plus spécifiquement pour décrire les problèmes géométriques.

1.1.1 Les matroïdes pour caractériser la notion d’indépendance

En termes d’indépendance, un matroïde M est un couple (E, ξ) où E est un ensemble fini et ξ est une famille de sous-ensembles de E qui vérifie les conditions suivantes :

(P1I) ∅ ∈ ξ

(P2I) Si E1 ⊆ E2 et E2 ∈ ξ, alors E1 ∈ ξ

(P3I) Si E1, E2 ∈ ξ et E1 < E2 , alors ∃ e ∈ E2 \ E1 tel que E1 ∪ {e} ∈ ξ

Table I.2.1 – Axiomatisation des matroïdes avec les indépendants.

Les sous-ensembles de ξ sont appelés les indépendants de M . Un sous-ensemble de E qui n’est pas dans ξ est dit dépendant. L’axiome(P1I)indique que l’ensemble vide est indépendant. C’est-à-dire qu’il existe toujours au moins un ensemble de E qui est indépendant ξ 6= ∅. Le deuxième (P2I) précise que les sous-ensembles d’un ensemble indépendant sont indépendants, c’est la propriété d’hérédité. Pour finir l’axiome de l’échange(P3I)dit que : Si les ensembles U et V sont indépendants, et si le cardinal de V est strictement plus grand que celui de U , alors il est possible de compléter U avec un élément v ∈ V \ U tel que U ∪ {v} reste indépendant.

42 I.2. La théorie des matroïdes : une approche combinatoire cryptomorphique

1.1.2 Les matroïdes pour caractériser la notion de rang

Soit M = (E, ξ) et X ⊆ E. Le rang de X, noté rk(X), est le cardinal d’un indépendant contenu dans X et maximal pour l’inclusion, c’est à dire :

rk(X) = max{|Y | : Y ⊆ X, Y ∈ ξ}

L’axiome de l’échange (P3I)permet de dire que cette définition est correcte. Inversement, on a que la fonction rk est la fonction rang d’un matroïde (E, ξ) avec E un ensemble fini si et seulement si rk vérifie les conditions suivantes :

(P1R) ∀ X ⊆ E, 0 ≤ rk(X) ≤ |X| (P2R) ∀ X ⊆ Y ⊆ E, rk(X) ≤ rk(Y )

(P3R) ∀ X, Y ⊆ E, rk(X ∪ Y ) + rk(X ∩ Y ) ≤ rk(X) + rk(Y )

Table I.2.2 – Axiomatisation des matroïdes avec les rangs.

L’ensemble des indépendants ξ de M est alors l’ensemble des parties A de E telles que : rk(A) = |A|. De plus, l’axiome(P1R)indique que le rang est une fonction entière dont la valeur est toujours positive et inférieure ou égale au cardinal de l’ensemble. L’axiome (P2R) précise que cette fonction est non décroissante. Le dernier axiome(P3R)est appelée propriété de sous-modularité.

1.1.3 Les matroïdes pour caractériser la notion de fermeture et de plat

Soit M un matroïde défini sur un ensemble fini E. La fermeture cl(X) d’un sous-ensemble X ⊆ E est l’ensemble :

cl(X) = {x ∈ E rk(X) = rk(X ∪ x)}

Inversement, on a que la notion de fermeture est complétement caractérisée si et seulement si les propriétés suivantes sont satisfaites :

(P1F) ∀ X ⊆ E, X ⊆ cl(X) (P2F) ∀ X ⊆ E, cl(X) = cl(cl(X))

(P3F) ∀ X Y ⊆ E, avec X ⊆ Y , cl(X) ⊆ cl(Y )

(P4F) ∀ a b ∈ E, ∀ X ⊆ E, si a ∈ (cl(Y ∪ {b}) \ cl(Y )) alors b ∈ (cl(Y ∪ {a}) \ cl(Y ))

Table I.2.3 – Axiomatisation des matroïdes par la fermeture.

Les deux premières propriétés(P1F) (P2F)assurent l’extensitivité et l’idempotence. L’axiome

(P3F)indique que la fonction de fermeture est croissante. Enfin(P4F)est un axiome d’échange connu sous le nom de propriété d’échange de Mac Lane-Steinitz [Oxl06,Wel10].

1. Approche combinatoire de la géométrie d’incidence projective 43

Un ensemble égal à sa fermeture est appelé ensemble fermé ou plat. Soit M un matroïde défini sur un ensemble fini E et soit F une famille de sous-ensembles de E, cette famille représente les plats d’un matroïde si et seulement si les propriétés suivantes sont vérifiés :

(P1P) E ∈ F

(P2P) Si F1, F2 ∈ F , alors F1 ∩ F2 ∈ F

(P3P) Si F ∈ F et {F1, F2, . . ., Fk} représente l’ensemble des plats qui couvrent F , alors {F1 \ F , F2 \ F , . . ., Fk \ F } partitionne E \ F

Table I.2.4 – Propriétés sur les plats.

D’autre part, un ensemble est un plat s’il est maximal pour son rang, ce qui signifie que l’ajout de tout autre élément à l’ensemble augmenterait le rang. En d’autres termes, le rang d’un plat E est le cardinal du plus petit ensemble nécessaire pour engendrer E. Dans la Table I.2.5, nous donnons quelques exemples de rang de plats en géométrie projective.

rk{A, B} = 1 A = B

rk{A, B} = 2 A 6= B

rk{A, B, C} = 2 A, B, C sont colinéaires avec au moins deux points distincts rk{A, B, C} ≤ 2 A, B, C sont colinéaires

rk{A, B, C} = 3 A, B, C ne sont pas colinéaires

rk{A, B, C, D} = 3 A, B, C, D sont coplanaires mais pas tous collinéaires rk{A, B, C, D} = 4 A, B, C, D ne sont pas coplanaires

Table I.2.5 – Illustration de la notion de rang sur des ensembles de points.

En utilisant chacune de ces définitions, on peut montrer que tout espace projectif a une struc-ture matroïdale, la réciproque étant fausse. Pour capstruc-turer l’intégralité de la géométrie projective d’incidence avec la notion de rang, nous avons besoin d’introduire des axiomes supplémentaires à ceux des matroïdes de la Table I.2.2.

1.2 Système d’axiomes fondé sur la notion de rang en 2D

La TableI.2.6présente les propriétés matroïdales de la fonction rk qui sont communes à tous les espaces projectifs de dimension N .

(A1R2-R3) Rk-SubCardinal : ∀ X ⊆ E, 0 ≤ rk(X) ≤ |X|

(A2R2-R3) Rk-NonDecreasing : ∀ X ⊆ Y ⊆ E, rk(X) ≤ rk(Y )

(A3R2-R3) Rk-SubModular : ∀ X, Y ⊆ E, rk(X ∪ Y ) + rk(X ∩ Y ) ≤ rk(X) + rk(Y )

44 I.2. La théorie des matroïdes : une approche combinatoire cryptomorphique

Nous présentons ensuite dans la Table I.2.7 le système d’axiomes basé sur les rangs pour décrire la géométrie projective plane. Les deux premiers axiomes(A4R2) et (A5R2) que l’on retrouve en dimension quelconque établissent la non dégénérescence de la fonction de rang. Les autres axiomes(A6R2) (A7R2) (A8R2)sont plus ou moins une traduction directe des axiomes de la géométrie projective plane de la TableI.1.2.

(A4R2) Rk-Singleton : ∀ P : P oint, rk{P } ≥ 1

(A5R2) Rk-Couple : ∀ P Q : P oint, P 6= Q ⇒ rk{P , Q} ≥ 2

(A6R2) Rk-Inter : ∀ A B C D : P oint, ∃ J : P oint, rk{A, B, J } = rk{C, D, J } = 2

(A7R2) Rk-Three-Points : ∀ A B : P oint, ∃ C, rk{A, B, C} = rk{B, C} = rk{A, C} = 2

(A8R2) Rk-Lower-Dimension : ∃ A B C : P oint, rk{A, B, C} ≥ 3

Table I.2.7 – Système d’axiomes basé sur les rangs pour la géométrie projective 2D.