• Aucun résultat trouvé

Chapitre I.2 La théorie des matroïdes : une approche combinatoire crypto-

1.2 Espace projectif fini

Bien qu’il existe de nombreux modèles que l’on peut appeler géométries finies, nous portons notre attention sur ceux provenant des espaces finis affines et projectifs. De tels espaces sont constructibles via l’algèbre, c’est à dire en commençant par un espace vectoriel V (n + 1, q) de dimension n + 1 sur un corps fini GF (q). L’espace projectif pg(n, q) est la géométrie dont les points, les droites, les plans, . . ., les hyperplans sont les sous-espaces de V (n + 1, q) de dimension 1, 2, 3, . . ., n. Un hyperplan est un sous-espace de codimension 1, c’est à dire que sa dimension est plus petite d’une unité par rapport à la dimension de l’espace tout entier. La dimension d’un sous-espace de pg(n, q) est un de moins que le rang d’un sous-espace de V (n + 1, q). Notons que les espaces construits de cette manière sont tous desarguésiens.

Une question naturelle s’ensuit : est-ce que toutes les géométries projectives finies sont iso-morphes à un espace projectif pg(n, q) ?

La réponse est « oui » lorsque d ≥ 3 ; ce résultat découle de deux théorèmes importants de la géométrie et de l’algèbre. Le premier est issu de la géométrie projective : c’est le fameux théo-rème de Desargues présenté dans le ChapitreI.1. Ce théorème est toujours vrai pour un espace projectif défini algébriquement à partir d’un corps commutatif ou non [Kod14]. En dimension 3 ou plus, tout espace projectif fini provient nécessairement d’un espace vectoriel sur un corps fini et est donc désarguésien. Le second théorème est énoncé par Wedderburn en 1905 [MW05], il in-dique que « La multiplication dans un corps fini est nécessairement commutative », en d’autres termes « Tout corps fini est commutatif ».

La réponse est « non » en dimension 2 ; le plus petit plan projectif ne découlant pas d’un corps et qui est donc non desarguésien appartient à une famille de plans appelée « plans de Hughes ». C’est un plan d’ordre 9 composé de 91 points et 91 droites [LKT91,RK70].

Définition. Un plan projectif d’ordre q est une géométrie qui satisfait les axiomes de la Table

I.1.2 et qui contient q points. Un tel plan projectif d’ordre q vérifie la liste non exhaustive de propositions et propriétés suivantes :

(i) Les plans projectifs ont q2+ q + 1 points et q2+ q + 1 droites. Chaque point réside sur q + 1 droites et chaque droite contient exactement q + 1 points ;

(ii) Principe de dualité : Pour tout énoncé sur les plans projectifs finis qui est un théorème, l’énoncé dual obtenu en interchangeant “point” par “droite” et en permutant “point sur une droite” par “droite passant par un point” est aussi un théorème ;

(iii) Il existe un plan projectif d’ordre ph avec p premier et h un entier positif. Il est possible de construire méthodiquement avec des coordonnées ces plans projectifs en considérant les sous-espaces d’un espace vectoriel de dimension 3 sur un corps fini GF (q) ;

(iv) Il n’y a pas de plan projectif connu pour un ordre quelconque qui ne soit pas une puissance d’un nombre premier. Le plus petit cas qui est un problème ouvert est l’ordre 12. Il a été prouvé qu’il n’existe aucun plan projectif d’ordre 6 [Bos38,Tar00] ou 10 [Lam96,LTS89]. La conjecture suivante reste ouverte : “L’ordre d’un plan projectif fini est toujours la puissance d’un nombre premier”.

(v) Il existe quatre plans projectifs non isomorphiques d’ordre 9, trois d’entre eux (plan de Halls et Hughes [Hal43,RK70]) sont non désarguésiens ;

(vi) La tableII.1.1 résume les faits connus à propos de l’existence des plans projectifs d’ordre q pour 1 ≤ q ≤ 12 ;

74 II.1. Formalisation de « petits » modèles finis en géométrie projective

(vii) L’existence d’un plan projectif d’ordre q est équivalent à l’existence d’un plan affine d’ordre q.

Ordre 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

Nombre de plans projectifs 1 1 1 1 0 1 1 4 0 ≥ 1 ?

Nombre total de points/droites 7 13 21 31 0 57 73 91 0 133 ? Table II.1.1 – Nombre de plans projectifs connus d’ordre q.

À toutes ces propriétés sur les plans finis s’ajoutent des formules générales non spécifiques à la dimension permettant de déterminer précisément le nombre de sous-espaces vectoriels pour chacune des dimensions d (1 ≤ d ≤ n) d’un plan projectif d’ordre q modulo différentes contraintes (passage par un point ou appartenance à un hyperplan . . .) [Dem12]. Le théorème suivant qui est le plus général donne le nombre de sous-espaces appartenant à une dimension spécifique d’un espace projectif fini.

Théorème II.1.1. Le nombre de sous-espaces de dimension d de pg(n, q) tel que 1 ≤ d ≤ n est déterminé par le produit suivant :

Q

d i=0

qn+1−i−1 qi+1−1

Pour illustrer ces définitions et propriétés, nous donnons quelques figures de modèles finis qui sont analysés dans ce chapitre. Nous obtenons la structure d’incidence de la FigureII.1.1en fixant n = q = 2. Ce plan fini pg(2, 2) possède un groupe de 168 automorphismes1. Dans la figureII.1.2nous considérons une des 5616 configurations possibles du plan projectif fini d’ordre 3. Finalement, la Figure II.1.3 représente le plus petit modèle fini de dimension 3 : pg(3, 2) contenant 15 points, 35 droites et 15 plans.

E F A B H G C

Figure II.1.1 – Plan projectif fini pg(2, 2) ou de Fano : 7 points et 7 droites.

1. Introduction aux modèles finis 75 A E F L B J K I C M G D H

Figure II.1.2 – Plan projectif fini pg(2, 3) : 13 points et 13 droites (AEF G, CELM , . . .).

76 II.1. Formalisation de « petits » modèles finis en géométrie projective

En gardant à l’esprit tous ces résultats théoriques, nous nous concentrons sur la formalisation de ces modèles finis uniquement avec la caractérisation géométrique qui est purement axioma-tique. Autrement dit, nous oublions la définition algébrique de ces modèles ; nous n’utilisons à aucun moment des coordonnées homogènes.

2 Génération des modèles finis

Les modèles finis pg(n, q) fournissent un banc d’essais approprié pour tester nos stratégies de mécanisation des preuves en Coq. En effet, ces derniers sont bien connus et faciles à engen-drer, ils proposent un cadre où la combinatoire est élevée permettant d’effectuer des tests de stress qualitatifs. Mais avant de pouvoir automatiser le raisonnement dans ce cadre, nous devons d’abord générer ces modèles. Pour cela, il faut spécifier ces modèles dans leur intégralité en énu-mérant l’ensemble de tous les points, l’ensemble de toutes les droites et l’ensemble de toutes les incidences.