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Système d’axiomes pour la géométrie d’incidence projective 2D

Pour décrire la géométrie d’incidence projective plane, nous présentons le système d’axiomes standard à la TableI.1.2que nous illustrons dans la TableI.1.3.

2. Géométrie d’incidence projective 17

2.1.1 Système d’axiomes standard

Les deux premiers axiomes (A1P2) (A2P2) concernent la construction des points et des droites. Le premier permet de créer la droite passant par deux points tandis que le second définit l’intersection entre deux droites. L’axiome (A2P2)correspond à notre axiome des parallèles en géométrie projective : deux droites du plan se coupent toujours.

Nous n’avons pas besoin de spécifier que les points impliqués (resp. droites) doivent être diffé-rents dans l’axiome Line-Existence (resp. Point-Existence). En effet, si les points sont égaux, une telle droite (resp. point) existe bel et bien. Dans les faits, il existe une infinité de droites (resp. points) passant par deux points confondus (resp. droites). Ce choix théorique n’est pas sans im-portance, nous séparons ici la définition d’existence de l’unicité pour les points et les droites. Cela nous permet d’examiner une géométrie où il est toujours possible de montrer l’existence d’une droite passant par un point sans étendre notre système d’axiomes même si elle n’est pas toujours explicitement définie (il n’est pas impossible de choisir une droite parmi une infinité de droites passant par un point). Grâce à ces considérations, nous pouvons toujours fournir des témoins d’existence dans certains cas dégénérés lors des démonstrations. Néanmoins dans la plupart des livres [BR98,Bue95,Cox03], ces conditions de dégénérescence sont exclues pour être cohérent avec l’introduction des géométries finies où tous les points sont spécifiés distincts. Rajoutons que ce choix est relié aux fondements de la géométrie (incluant l’approche constructiviste de cette dernière [VP95]) qui est largement étudiée dans notre équipe. Dans ce cas, la construction d’une droite à partir de deux points nécessairement distincts n’est qu’un cas dérivé de l’axiome général que nous introduisons, où les points peuvent être confondus. L’axiomatisation de certaines parties de la géométrie est un problème contemporain que nous étudions à nouveau à travers la forma-lisation de ces dernières dans des assistants de preuves [DDS00,FT10,MF03,MNS11,Nar06a].

L’axiome(A3P2)concerne l’unicité de deux objets bien définis. En effet, si deux points sont incidents aux mêmes deux droites alors soit les points sont égaux, soit les droites sont confon-dues. Ensuite, l’axiome (A4P2) énonce que chaque droite contient au minimum trois points. Cet axiome empêche que certains petits systèmes exceptionnels soient appelés plans projectifs. Finalement, l’axiome (A5P2) exprime qu’il existe toujours deux droites distinctes pour former au minimum une géométrie planaire, ce qui signifie que la dimension est au moins 2. En couplant cet axiome avec l’axiome(A2P2), cette formalisation ne décrit que des plans. Par conséquent, ce système d’axiomes décrit une géométrie d’incidence projective plane.

(A1P2) Line-Existence : ∀ A B : P oint, ∃ l : Line, A ∈ l ∧ B ∈ l

(A2P2) Point-Existence : ∀ l m : Line, ∃ A : P oint, A ∈ l ∧ A ∈ m

(A3P2) Uniqueness : ∀ A B : P oint, ∀ l m : Line,

A ∈ l ∧ B ∈ l ∧ A ∈ m ∧ B ∈ m ⇒ A = B ∨ l = m (A4P2) Three-Points : ∀ l : Line, ∃ A B C : P oint,

A 6= B ∧ B 6= C ∧ A 6= C ∧ A ∈ l ∧ B ∈ l ∧ C ∈ l (A5P2) Lower-Dimension : ∃ l m : Line, l 6= m

18 I.1. Mécanisation de la démonstration en géométrie d’incidence projective

A1P2 A2P2 A3P2

A l B A l m A B C A4P2 A5P2 i j i0 j0 A B m l i j i0 j0 A m B l l m

Table I.1.3 – Illustrations du système d’axiomes standard pour la géométrie projective 2D.

Pour éliminer certains détails techniques et améliorer la compréhension de nos systèmes d’axiomes, nous supprimons dans ce manuscrit la distinction entre le quantificateur existentiel standard exist x et la notation {x | . . .} qui est présente dans notre développement. Cette seconde syntaxe dénote la quantification existentielle constructive sur la sorte Type noté sig en Gallina. Les deux définitions diffèrent uniquement au niveau de la hiérarchie des univers en Coq, là où sig utilise Type, exist utilise Prop. Nous rencontrons des problèmes avec la version classique de l’existence quand il s’agit de faire des éliminations dans des preuves constructives. Les règles de type Gallina nous interdisent d’éliminer un motif dont le type appartient à l’univers Prop, chaque fois que le type du résultat de l’élimination est différent de Prop. Le système de typage garantit ainsi que les détails des preuves ne peuvent en aucun cas affecter les parties d’un développement qui ne sont pas aussi marquées comme des preuves. À l’aide de sig, il est possible d’effectuer une analyse de cas sur des éléments existentiels pour produire des objets dans Set.

Tous ces détails liés à la théorie des univers dans Coq sont disponibles dans le livre de réfé-rence [BC04]. Des explications plus détaillées sur notre approche constructiviste de la géométrie d’incidence projective plane sont disponibles dans [MNS11].

2.1.2 Système d’axiomes alternatif

Le système d’axiomes précédent inspiré des travaux [BR98,Cox03] est souvent décrit sous une forme minimaliste alternative dans la littérature (voir Table I.1.4). Les trois premiers axiomes

(A1P2) (A2P2) et (A3P2) restent strictement identiques. L’axiome (A4P2’) indique qu’il existe quatre points sans aucun triplet de points colinéaires. L’équivalence entre cet axiome Four-Points et la décomposition Three-Point, Lower-Dimension est établie dans [MNS11]. Intui-tivement, l’axiome Four-Points sous-entend que le plan projectif ne peut pas être réduit à une simple droite et qu’il est possible grâce à l’axiome Point-Existence de construire systématique-ment un troisième point sur une des droites (voir TableI.1.5). Nous préférons la décomposition de la TableI.1.2pour faciliter la décomposition et la mécanisation des preuves. En effet, l’axiome

2. Géométrie d’incidence projective 19

(A1P2) Line-Existence : ∀ A B : P oint, ∃ l : Line, A ∈ l ∧ B ∈ l

(A2P2) Point-Existence : ∀ l m : Line, ∃ A : P oint, A ∈ l ∧ A ∈ m

(A3P2) Uniqueness : ∀ A B : P oint, ∀ l m : Line,

A ∈ l ∧ B ∈ l ∧ A ∈ m ∧ B ∈ m ⇒ A = B ∨ l = m (A4P2’) Four-Points : ∃ A B C D : P oint,

A 6= B ∧ A 6= C ∧ A 6= D ∧ B 6= C ∧ B 6= D ∧ C 6= D ∧ (∀ l : Line, (A ∈ l ∧ B ∈ l ⇒ C /∈ l ∧ D /∈ l) ∧ (A ∈ l ∧ C ∈ l ⇒ B /∈ l ∧ D /∈ l) ∧ (A ∈ l ∧ D ∈ l ⇒ B /∈ l ∧ C /∈ l) ∧ (B ∈ l ∧ C ∈ l ⇒ A /∈ l ∧ D /∈ l) ∧ (B ∈ l ∧ D ∈ l ⇒ A /∈ l ∧ C /∈ l) ∧ (C ∈ l ∧ D ∈ l ⇒ A /∈ l ∧ B /∈ l) )

Table I.1.4 – Système d’axiomes alternatif pour la géométrie projective 2D.

A4P2’

A

B C

D

Table I.1.5 – Illustration de l’axiome alternatif (A4P2’).

Notons qu’il existe bien d’autres axiomatisations capturant la géométrie d’incidence projec-tive plane. Il est par exemple possible de considérer la formalisation d’un système d’axiomes à partir de points et d’une relation d’incidence.

2.1.3 Aparté sur la dualité

Il est bien connu que la géométrie projective plane bénéficie d’un principe de dualité, à savoir que chaque définition reste significative et chaque théorème reste vrai, lorsque nous échangeons les objets point et droite. Ce principe est un résultat théorique intéressant qui permet de ma-nière pratique de prouver pour chaque théorème géométrique son dual en utilisant un foncteur qui échange les objets et les prédicats. De plus, cette dualité se généralise aux dimensions supé-rieures en échangeant chaque objet de dimension avec sa co-dimension associée. Dans un espace de dimension n, les points (dimension 0) correspondent aux hyperplans (codimension 1), les droites passant par deux points (dimension 1) correspondent à l’intersection de deux hyperplans (codimension 2), etc.

20 I.1. Mécanisation de la démonstration en géométrie d’incidence projective