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La théorie mathématique de la communication de Claude Shannon

HUMOUR ET COMMUNICATION

1. La théorie mathématique de la communication de Claude Shannon

La théorie mathématique de la communication est extrêmement intéressante car elle peut en réalité s’appliquer à toute forme de communication. De par son ancrage scientifique, elle permet d’avoir une approche théorique et précise de l’idée de communication, y compris de la communication au sens de transmission du sens par le langage. Avant de nous pencher sur la relecture de celle-ci par Warren Weaver, présentons brièvement la théorie de

CHARAUDEAU Patrick, « L’humour au risque de la diffamation. Quand la jurisprudence révèle les

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composantes de l’humour », In Farhat M. (dir.), Humour et identités dans l’espace public. Nouveaux sentiers, Gafsa, ISEAH, 2015, p.1, consulté le 4 avril 2020 sur le site de Patrick Charaudeau - Livres,

articles, publications. URL: http://www.patrick-charaudeau.com/L-humour-au-risque-de-la.html

CHARAUDEAU Patrick, « Des Catégories pour l'Humour ? », Questions de communication,

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2006/2 (n° 10), p.4. URL : https://www.cairn.info/revue-questions-de-communication-2006-2- page-19.htm

C.Shannon. Pour lui, « le problème fondamental de la communication est de reproduire en un point, soit exactement, soit approximativement, un message recueilli en un autre point. ». 86 Ainsi, il met au jour une première notion, celle de « l’entropie » qui est une fonction physique exprimant le principe de dégradation de l’énergie, l’augmentation du désordre, ou bien une idée d’affaiblissement du signal. Il décrit alors éléments fondamentaux par lesquels une information passe nécessairement au cours de sa transmission dans une situation de communication.

« Schéma d’un système général de communication » 87

Shannon distingue donc la source d’information qui produit le message, de l’émetteur qui modifie ou non le message de manière à produire un signal adapté au canal, milieu utilisé pour transmettre le message, signal pouvant être perturbé par un bruit modifiant alors ce dernier. Le récepteur, lui, effectue l’opération inverse de l’émetteur en reconstruisant le message à partir du signal pour ensuite le transmettre à la destination (personne ou chose). Si Claude Shannon, grâce à sa théorie et à la complexe démonstration qui l’accompagne a contribué, à l’époque, au principe de codage de l’information par ordinateur, le chercheur Warren Weaver a vu dans cette théorie un potentiel encore plus large. Pour lui « sa profondeur SHANNON Claude, The Mathematical Theory of Communication, the Board of Trustees of the

86

University of Illinois, 1949, trad. Catherine Bellaïche, Olivier Rioul, La théorie mathématique de la

communication, Paris, Cassini, 2018, p.9

Ibid., p.12. (Voir Figure 1)

est telle que les relations qu’elle établit s’appliquent sans discrimination à toutes les formes de communication ». Fort de cette pensée, il dégage alors trois niveaux de problèmes de 88 communication qui s’appliquent à ce schéma et qui sont généralisables à beaucoup de domaines. Il distingue alors les problèmes techniques qui concernent l’exactitude du transfert des symboles de la communication depuis l’émetteur jusqu’au récepteur, les problèmes

sémantiques qui sont relatifs à la précision avec laquelle les symboles transmis véhiculent la

signification désirée, c’est à dire, une possible différence entre l’interprétation du récepteur et l’intention de l’émetteur, et enfin les problèmes d’efficacité, concernant l’efficacité avec laquelle la signification reçue par le récepteur provoque chez lui la conduite désirée . Warren 89 Weaver propose ensuite une relecture du schéma de Claude Shannon sous le regard du langage, ainsi : « pour le langage parlé, la source d’information est le cerveau, l’émetteur est l’organe vocal qui produit la pression variable sonore (le signal) transmise à travers l’air (le canal) ». Il ajoute alors que « la fonction de l’émetteur est de coder et celle du récepteur est 90 de décoder le message. La théorie s’applique à des émetteurs et récepteurs très complexes - comme ceux qui possèdent des « mémoires », de telle sorte que la manière dont il codent un certain symbole du message dépend non seulement de ce symbole mais aussi des symboles précédents et de la façon dont ils ont été codés ». On voit ici émerger une notion d’identité 91 du récepteur et de l’émetteur et la nécessité de prendre en compte leur passé que nous développerons plus tard dans d’autres théories. Il précise ensuite que, dans ce contexte, l’information ne doit pas être confondue avec la « signification ». Warren Weaver propose alors un ajout indispensable dans l’étude de la communication comme transmission de sens :

On peut imaginer comme complément au schéma une autre boîte qualifiée de « récepteur sémantique » et interposée entre le récepteur technique (qui transforme les signaux en messages) et le destinataire. Ce récepteur sémantique soumet le message à un second décodage, dont la fonction est d’accorder les caractères statistiques

sémantiques du message avec les possibilités statistiques sémantiques de la totalité

SHANNON Claude, La théorie mathématique de la communication, op.cit., p.149.

88

Voir « contribution récentes à la théorie de la communication », Ibid., p.126-127.

89

Ibid., p.129.

90

Ibid., p.140.

des récepteurs, ou du sous-ensemble de récepteurs qui constituent l’audience qu’on souhaite atteindre. De façon similaire, on peut imaginer une autre boîte dans le diagramme, insérée entre la source d’information et l’émetteur, qualifiée de « bruit sémantique » : la boite antérieurement qualifiée de simple « bruit » devient « bruit technique ». A partir de cette source vers le signal, sont surimposées les perturbations ou distorsions de signification non voulues par la source mais qui, inévitablement, affectent la destination. Et le problème de décodage sémantique doit tenir compte de ce bruit sémantique. 92

Ainsi, nous voilà en face du problème de la liberté d’interprétation de sens de tout récepteur aussi complexe que peut être un être humain. De plus, le bruit sémantique est une notion intéressante puisqu’elle permet de nommer toutes les perturbateurs de sens qui peuvent entraver la bonne compréhension du récepteur dans toute forme de communication. Enfin, cet ajout de paramètres sémantiques permettent donc d’inclure cette théorie dans notre recherche sur la transmissions de message sémantique dans la communication humoristique, en effet, « cette théorie est spécialement adaptée au maniement de l’aspect le plus significatif mais aussi le plus difficile du sens, à savoir l’influence du contexte ». 93