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Tentative d’apports théoriques supplémentaires

HUMOUR ET COMMUNICATION

6. Tentative d’apports théoriques supplémentaires

A la suite de la lecture de ces études, il m’a semblé intéressant d’ajouter quelques petites remarques concernant certains facteurs de la communication. Reprenons tout d’abord l’idée de thématique et de cible exposée par Patrick Charaudeau. Ces deux concepts permettent de mettre en lumière l’objet sur lequel est basé le comique. Cette remarque permet alors de détacher l’objet comique de sa transmission et de son interprétation. Dans le cas où l’humour est voulu par l’émetteur, le concept d’ « objet comique » devient alors intéressant dans le sens où il permet de questionner les rapports qu’entretiennent l’émetteur et le récepteur avec cet objet comique. En effet, de la même façon que Elzbieta Biardzka et de Ewa Partyka encouragent à se pencher su les relations interpersonnelles entre destinateur et destinataire , il est important de noter que l’émetteur et le récepteur peuvent avoir des 111 relations différentes à l’objet comique. 112

Ensuite, il me semble important de rappeler le fait que le message peut être déterminé comme humoristique par le récepteur alors même que ce n’était pas l’intention de l’émetteur, et inversement.

Dans le processus même de l’interaction, le locuteur peut décider ou non d’émettre un

message humoristique. Dans le premier cas, l’humour produit volontairement peut être ou

CHAGNON Marie-Claude, Humour verbal et communication interculturelle : quand deux

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traditions se rencontrent, op.cit. p.14.

Ibid., p.15-16.

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BIARDZKA Elzbieta, PARTYKA Ewa, L’humour comme altérité communicationnelle : de la

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définition à la typologie, op.cit., p.37.

Par exemple, dans le cas où un milliardaire (émetteur) ferait une blague sur la thématique « argent »

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devant quelqu’un de pauvre et quelqu’un de relativement riche (récepteurs), les deux récepteurs et l’émetteur n’entretiendrons pas le même rapport avec l’objet comique « argent » et cela influencera nécessairement leur réactions d’une manière propre à chacun.

ne pas être perçu par l’interlocuteur comme étant de l’humour. Dans le second cas, quand le message est émis sans intention humoristique, il ne peut être qualifié d’humour que parce qu’il a été perçu comme drôle, comique, par l’interlocuteur. 113

Il semblerait intéressant de noter également que la réaction du récepteur obtenue peut être nuancée. En effet, le rire n’est pas la seule réaction possible face à la perception d’un stimuli comique. Le récepteur peut donc être également choqué, ressentir de la honte ou, par exemple, une forte émotion et ne pas rire. Cette réaction est d’autant plus complexe qu’elle nécessiterait d’être séparée en deux : une réaction immédiate, obtenue directement après la réception du message comique, réaction pouvant être complétée ou non par une réaction différée, s’étendant sur un temps plus long et qui pourrait par exemple être une réflexion sur l’objet comique, un requestionnement de sa propre réaction face à cet objet, de la réaction de son voisin, de l’intention de l’émetteur etc… cette seconde réaction que nous avons choisi de nommer « réaction différée » pourrait nous intéresser dans l’étude de la remise en question des stéréotypes par le rire.

Enfin, il semble indispensable de se pencher encore plus en détail sur cette notion de « contexte » qui sera déterminant pour l’étude du stéréotype. Lorsque l’on parle de communication on pense au premier abord au cas classique d’un émetteur transmettant une information à un récepteur se situant dans le même espace-temps que ce dernier (dans le cas par exemple d’un dialogue). Mais si l’on prend l’idée de communication dans un sens plus large, nous notons qu’il peut y avoir une transmission d’information d’un émetteur à un récepteur se trouvant respectivement dans un espace-temps distinct. Si nous reprenons l’exemple du one-wo.man-show, c’est le cas de certaines captations de sketches datant de plusieurs dizaines d’années et encore diffusées à l’heure d’aujourd’hui. En plus de la problématique du changement de média (passant de spectacle vivant à captation vidéo) le récepteur est bien dans la position de réception de message mais avec un « décalage » de plusieurs dizaines d’années, ce qui pose certains problèmes supplémentaires au niveau de la réception (exemple : références datées, incompréhensions, propos perçus comme dépassés etc.). Il peut en être de même avec le cadre spatial. Si nous reprenons l’idée de captation, de CHAGNON Marie-Claude, Humour verbal et communication interculturelle : quand deux

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nombreux sketches sont visionnés aujourd’hui à travers le monde, dans un pays différent de leur pays de création, induisant un questionnement autour de la notion de culture et de références communes. Dans tous les cas, il y a perte d’une partie de l’information et nous sommes face à un phénomène entropique fort pouvant modifier grandement la réception.

7 . Le discours comique, une rupture de la communication

Pour terminer, il semblerait important d’aborder un dernier point dans notre enquête théorique. Si nous venons de décrire de manière précise les différents facteurs de la communication humoristique, il semblerait, selon Jean-Marc Defays que « le comique se caractérise souvent par des ruptures, à un niveau ou à un autre de la communication ». 114 Ainsi, dans certains cas, plus que la communication d’un objet comique, le comique résulterait en fait d’une variation incongrue dans la communication elle-même. Ces incongruités communicationnelles pourraient s’expliquer par un jeu avec « le principe général de coopération » du philosophe H.Paul Grice et une ou plusieurs de ses « maximes conventionnelles ». Ainsi, par exemple, l’humour absurde pourrait être défini comme un échec du principe de coopération, le comique reposant sur la naïveté ou les défauts de logiques comme une rupture avec la maxime de quantité (dites en assez), le mensonge flagrant et l’ironie avec la maxime de qualité (dites la vérité), le double sens ou la confusion entre deux interprétations avec la maxime de modalité (soyez claire) et enfin les incohérences ou l’apport de significations nouvelles avec la maxime de relation (soyez pertinent). Il est également possible d’en faire de même avec les « maximes de convenances » de Erving Goffman. Ainsi, l’ironie, la satire, et la moquerie seraient des entraves à la règle de sympathie (ménagez autrui) et l’auto-ironie, et l’autodérision à la règle de dignité (ménagez-vous vous même) . 115

DEFAYS Jean-Marc, Le Comique, Paris, SEUIL, coll. « Mémo »,1996, p.57.

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Ibid..,p.60. (Voir Schéma récapitulatif )