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La théorie de la double localisation, et conduction osseuse ou perception intracrânienne en milieu subaquatique

3.3 Spécificité du milieu subaquatique

3.3.2 La théorie de la double localisation, et conduction osseuse ou perception intracrânienne en milieu subaquatique

Le passage du milieu aérien au milieu aquatique entraîne des modifications dans la transmission du signal acoustique. Ces modifications ont-elles une incidence sur l'aptitude de l'Homme à localiser une source sonore? Les indices interauriculaires sur lesquels on s'appuie dans l'air sont-ils maintenus sous l'eau? La transparence acoustique de la tête et l'accélération du signal suffisent à légitimer cette interrogation: Que reste-t-il sous l'eau de la théorie de la double localisation? Que deviennent les indices d'intensité et temporels pendant l'immersion?

3.3.2.1 Les indices interauriculaires d'intensité sous l'eau

Il existe une forte différence de la masse volumique entre les milieux gazeux et solide. En physique, on qualifie le passage d'un milieu à un autre de changement d'impédance mécanique.

Dans la transmission d'un signal acoustique en milieu aérien il y a un abrupt changement d'impédance mécanique lorsque l'onde rencontre la tête. Cette modification de l'impédance est due à la différence de la masse volumique qui existe entre l'environnement et la boîte crânienne.

Dans l'air, la tête tient un rôle comparable à celui d'une barrière acoustique. Dans l'eau, ce phénomène disparaît. Cette disparition est due à la densité de l'élément aquatique. La densité de la tête est proche de celle de l'eau. Le corps humain est constitué à 75% d'eau. Cette similitude d'impédance entre le crâne et l'eau permet au son de traverser le crâne (Figure 12). Le phénomène qui consiste à transmettre la vibration acoustique directement au travers de la boîte crânienne est connu sous le nom de conduction osseuse. La tête ne tient plus le rôle de barrière acoustique ce qui réduit substantiellement ou supprime complètement l'effet d'ombrage. De manière concomitante l'importance des indices interauriculaires d'intensité diminuent. Ces raisons expliquent pourquoi dans l'eau la capacité de l'Homme de localiser un signal acoustique est amoindrie.

Figure 12: Dans l'eau, les indices interauriculaires d'intensité disparaissent.

Le rapport d'impédance de la tête au milieu aquatique permet au son de voyager au travers de la boîte crânienne par conduction osseuse.

3.3.2.2 Les indices temporels interauriculaires lors de l'immersion

Si comme on vient de le voir, la tête devient transparente acoustiquement lorsqu'elle est immergée, qu'advient-il des indices temporels interauriculaires au cours de l'immersion? Si la tête est transparente, et que le son ne la contourne plus mais la traverse en ligne droite, cela implique que non seulement le trajet effectué par l'onde acoustique est plus rapide en raison de la vitesse de propagation du son dans l'eau, mais qu'en plus cette distance est plus courte (Figure 13).

Figure 13: Sous l'eau se transmet au travers de la boîte crânienne ce qui a pour effet de modifier les indices temporels interauriculaires.

Une différence interauriculaire du temps d'arrivée du signal est maintenue, mais elle est réduite en raison de la vitesse de propagation l'onde dans l'eau. Sur la seule base de la vitesse de transmission du signal, on peut estimer que, dans l'eau, la différence de temps d'arrivée du signal est pour le moins réduite au quart de la valeur qu'elle a en milieu aérien. Si on reprend l'exemple utilisé dans la description de l'indice temporel binauriculaire (3.1.1.1), un son émis dans l'air perpendiculairement au sujet à 90° sur la droite, met 840!µsec pour parvenir à l'oreille opposée;

dans l'eau la différence interauriculaire de temps d'arrivée doit être de moins de 210!µsec. Le délai temporel interauriculaire ne disparaît pas, simplement il ne correspond plus à un stimulus se situant à 90°!mais à un signal se trouvant à 22.5°.

En ce qui concerne le passage d'un mécanisme à l'autre, indice d'intensité versus indice temporel, un calcul simple montre que la limite de 1500!Hz dans l'air se situe, dans l'eau, autour de 6!kHz.

Ce déplacement de limite est directement lié à la différence de vitesse de propagation de l'onde acoustique dans ces milieux.

Dès lors que l'on accepte ce raisonnement, il est aisé de comprendre que le changement de vitesse et la longueur du trajet du signal acoustique sont responsables d'une illusion sur la position de la source émettrice dans l'eau. Supposons qu'on émette des sons dont l'origine est chacun des points d'un cercle dans le plan horizontal. On devrait, en théorie, observer une erreur systématique qui regroupe l'ensemble des réponses dans deux secteurs compris entre +22.5°

et!-22.5° et situés dans l'axe médian, devant et derrière (Figure 14) (Wells &!Ross,!1980).

Figure 14: Une erreur systématique regroupe toutes les réponses dans deux secteurs situés entre +22.5° et -22.5° de part et d'autre de l'axe médian (zone hachurée).

Ces raisons expliquent la diminution de la valeur informative des indices temporels interauriculaires quant à la position de la source. Ce raisonnement n'est cependant valable que s'il n'y a pas d'adaptation de l'Homme au milieu subaquatique. Au long de l'évolution, après que leurs ancêtres eurent quitté l'élément liquide, certaines espèces de mammifères y sont retournées.

Elles se sont adaptées ou réadaptées à ce milieu. Phoques, otaries et cétacés notamment, sont capables de localiser la position d'un signal acoustique. L'Homme dans tout cela, en est-il réduit aux erreurs considérables qui sont engendrées par les modifications des indices interauriculaires? Ou l'Homme est-il en mesure, lui aussi, de s'adapter à un milieu qui lui est étranger? L'Homme est-il capable de tirer parti des indices temporels qui demeurent à sa disposition? C'est à ces questions que nombre de scientifiques ont tenté de répondre.

3.4 Revue de la littérature relative à la localisation spatiale