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Chapitre 1 Revue de la littérature

1.1.3 Plaques bipolaires

1.1.3.4 Théorie de percolation

Comme discuté précédemment, la conductivité électrique des composites polymères augmente avec l'augmentation de la concentration des charges conductrices. La conductivité électrique augmente essentiellement en raison de la formation de chemins conducteurs continus suffisants au sein des composites lorsque le taux des charges atteint une valeur critique appelée ‘seuil de percolation’ (zone B sur la Figure 1.10) [52].

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Il est très important de comprendre les facteurs qui contrôlent la conductivité électrique des composites polymères. Afin de comprendre ces facteurs, une théorie de la percolation a été adoptée [52]. Cette théorie nous explique les différentes étapes de création d’un réseau conducteur à l’intérieur des matériaux composites thermoplastiques [43].

Lors de l’incorporation de faibles taux de charges conductrices (Figure 1.10), la valeur de la conductivité électrique reste très faible ou presque identique à celle de la matrice polymère puisque les charges conductrices sont dispersées dans la matrice polymère de manière homogène et éloignées les unes par rapport aux autres (zone A sur la Figure 1.10). Cette configuration ne permet pas le passage du courant électrique car le chemin conducteur n’est pas encore créé.

Cependant, à de grandes concentrations de charge conductrice, la valeur de la conductivité électrique est également très élevée et le composite polymère se comporte comme un conducteur. Dans cette région, la conductivité électrique continue à augmenter avec l’augmentation de la concentration mais avec un taux d’augmentation très faible (zone C sur la Figure 1.10) parce que le réseau conducteur à travers l'échantillon devient de plus en plus dense [61].

Dépendamment de la nature des charges conductrices, le seuil de percolation se situe généralement entre 5 et 12% massique de charge conductrice [19].

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Figure 1.10: Variation de la conductivité électrique en fonction de la fraction volumique des charges conductrices [61].

Divers modèles ont été proposés pour décrire le comportement de percolation à une concentration critique de charge conductrice et prédire le comportement de conductivité électrique des composites en fonction de nombreux facteurs. L'un des premiers modèles de percolation souvent mentionné a été initialement proposé par Kirkpatrick [62]. Le modèle proposé suit une équation de loi de puissance de la forme suivante:

𝜎 = 𝜎

𝑓

(ϕ − ϕc)

𝑡𝜎

ϕ > ϕ

c

où σ est la conductivité électrique du composite, σf la conductivité intrinsèque du charge, ϕ la

fraction volumique de la charge, ϕc le seuil critique de percolation, et tσ l'exposant de la loi de

puissance.

Seuil de percolation

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1.2- Polymères composites conducteurs

1.2.1- Mélange de polymères

Dans le but d’atteindre les exigences requises par le DOE (coût, propriétés mécaniques, électriques, etc.), de nombreuses études se sont concentrées sur la réduction de la concentration des charges conductrices incorporées dans la matrice polymère et du seuil de percolation. Un moyen efficace d'abaisser le seuil de percolation électrique est l’utilisation de mélanges de polymères immiscibles, généralement un système binaire.

1.2.1.1- La miscibilité des polymères

Utracki et al. [63] ont classé les mélanges de polymères (un minimum de deux polymères) par rapport à leurs structures de phases comme suit :

-Mélange miscible : le malaxage de polymères solubles les uns dans les autres donne la naissance à une phase homogène à l'échelle macroscopique (Figure 1.11.a). Dans ce cas, une seule température de transition vitreuse (Tg), de fusion (Tf) et de cristallisation (Tc) seront

observées et les propriétés du mélange obéissent généralement à la règle de mélange (valeurs moyennes entre les valeurs des propriétés de ses composants).

-Mélange immiscible : Ce mélange présente à l’échelle macroscopique deux phases hétérogènes séparées par une interface bien définie (Figure 1.11.b). Dans ce cas, deux Tg, Tf et

Tc seront observées et chaque phase conserve ses propriétés.

La notion de miscibilité est reliée au second principe de la thermodynamique [63], à travers la variation d’enthalpie libre de mélange ∆Gm.

La thermodynamique nous permet de calculer l’enthalpie libre de mélange par la relation suivante:

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où ∆Hmcorrespond à une enthalpie d’interaction (la partie énergétique liée aux interactions

l’enthalpie de mélange) et ∆𝑆𝑚 à l’entropie combinatoire (une mesure de l’ordre du système).

Elle dépend de la quantité de combinaisons que peuvent adopter les molécules d’un système.

Figure 1.11: Schéma de la morphologie des mélanges miscibles (a) et immiscibles (b).

L’enthalpie libre détermine si le mélange sera miscible ou immiscible. Un mélange de polymère est dit complètement miscible si :

• ∆𝐺𝑚 < 0 et

• La deuxième dérivée de la fonction de l'énergie libre par rapport à la fraction volumique d’un des composés est positive (𝜕2(∆𝐺𝑚)

𝜕 φ𝑖2 )T,P >0 (où φ représente la fraction volumique de la

composante i).

La première condition permet de satisfaire l’équilibre thermodynamique et la deuxième exige que la courbe ∆𝐺𝑚 en fonction de 𝜑 (Figure 1.12) soit toujours une fonction concave positive

dans toute sa gamme de composition pour assurer la stabilité du système et empêcher la séparation de phases [64].

Pour des molécules de masse molaire élevée, la contribution entropique est très faible. En conséquence, pour les mélanges de polymères, le terme (-T𝛥Sm) est négligeable et c’est ∆Hm

qui détermine la miscibilité du mélange (∆Hm dépend de la température et des composants 1 et

2 selon la théorie de Flory-Huggins) [66].

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Figure 1.12: Schématisation de l’énergie de mélange des systèmes binaires de polymères selon leurs compositions [65].

1.2.1.2- Morphologies des mélanges immiscibles

A) Différents types de morphologie

La plupart des mélanges de polymères commerciaux sont immiscibles en raison de leurs poids moléculaires élevés et de leurs interactions défavorables [63,67]. Les propriétés des matériaux polyphasiques sont déterminées par les propriétés des polymères composants, par l'adhérence entre les phases et par la morphologie du mélange qui est créée pendant le processus de malaxage à l'état fondu [67]. Selon les conditions de mise en œuvre, la composition des mélanges et les propriétés rhéologiques des composants, les systèmes de polymères immiscibles peuvent former différentes morphologies de phase [68,69]. La Figure 1.13 présente la structure obtenue en mélangeant deux polymères immiscibles. Il existe quatre types de morphologie :

(1) Morphologie de type dispersée, aléatoire ou ordonné élevée : les gouttelettes de la phase A sont dispersées dans la matrice B (Figure 1.13a et f).

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(2) Morphologie en double émulsion : où la phase majeure B est incluse à l’intérieur de gouttelettes de la phase mineure elle-même dispersée dans la phase majeure (Figure 1.13b). (3) Morphologie fibrillaire (Figure 1.13d) : La phase dispersée se trouve sous la forme de fibres

dans la matrice.

(4) Morphologie lamellaire (Figure 1.13c) : La phase dispersée est étirée en lamelles. (5) Morphologie co-continue : chacune des phases forme un réseau continu (Figure 1.13e).

Figure 1.13: Illustration des différentes morphologies pour les systèmes binaires de polymères [69].

B) Facteurs influençant la morphologie

Plusieurs paramètres critiques entrent en jeu dans la détermination de la morphologie finale des systèmes de polymères, telles que les propriétés intrinsèques des polymères constituants et les conditions de mise en œuvre des mélanges de polymères immiscibles (composition, température, temps de malaxage, taux de cisaillement, etc.).

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B.1- La composition du mélange : C’est le premier paramètre qui a une influence sur la morphologie. La Figure 1.14 présente l’évolution de la morphologie d’un mélange binaire en fonction de la composition [70].

Pour des faibles teneurs en A, on observe une morphologie de type nodules dispersées dans la matrice B. Lorsque la fraction de la phase dispersée augmente, on voit un phénomène de coalescence des domaines dispersés puis une percolation de la phase A qui devient partiellement continue. Généralement, on peut obtenir une morphologie co-continue pour des plages de composition proches de 50%/50% de fraction volumique en A et B. Cependant, pour atteindre le domaine de co-continuité, d’autres paramètres reliés aux conditions de mise en œuvre entrent en jeu. Au-delà du domaine de co-continuité, le mélange subit une inversion de phase, c'est-à-dire que la phase dispersée devient la matrice et inversement.

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Figure 1.14: (a) Évolution de la co-continuité dans un mélange binaire immiscible, (b) morphologie dispersée et (c) morphologie co-continue [70].

B.2- La mise en œuvre : Les conditions de mise en œuvre, tels que la température, le temps de malaxage et le taux de cisaillement, ont une forte influence sur la morphologie.

Lee et al. [71,72] ont étudié l’influence de la température et du temps de malaxage sur l'évolution de la morphologie du mélange durant l’étape de mise en œuvre dans un mélangeur interne et en extrudeuse bi-vis.

Pour cette étude, ils ont préparé quatre mélanges polymères (polyméthacrylate de méthyle) (PMMA)/polystyrène (PS), polycarbonate (PC)/PS, PS/polyéthylène haute densité (HDPE) et Dark area: A Gray area: B

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PS/polypropylène (PP)), tout d’abord à l’aide d’un mélangeur interne et ensuite par l’extrudeuse bi-vis.

La Figure 1.15 résume les observations d’évolution de la morphologie pour les deux techniques. Les auteurs ont montré que la température de fusion (Tf) des composants du mélange joue un

rôle important dans l’évolution de la morphologie :

- Lorsque Tf, A< T < Tf, B, le composant A forme la matrice dans laquelle le composant B

toujours à l’état solide est en suspension (avec T: température de mélange, Tf, A et Tf, B sont

respectivement la température de fusion du composant A et B).

- Lorsque T > Tf, A > Tf, B,on obtient une matrice constituée du polymère A et de gouttelettes

de polymère B dispersées dans la matrice A. À cette température, si la viscosité du composant B est inférieur à celle du composant A et/ou le composant B est majoritaire, une inversion de phase peut avoir lieu ayant le composant B comme phase continue et le composant A comme phase dispersée. Cette inversion de phase passe par une morphologie co-continue.

D’après cette étude, pour des temps de mélange suffisamment longs, les morphologies finales sont toujours de type dispersion dans une matrice.

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Figure 1.15: Schéma décrivant l’évolution de la morphologie du mélange pendant l’étape de malaxage de deux polymères immiscibles [71,72].

B.3- Taux de cisaillement : Des travaux ont étudié l’influence du taux de cisaillement sur la morphologie et plus précisément sur la taille des nodules de la phase dispersée.

La Figure 1.16 présente l’évolution de la taille des nodules de PP dispersées dans un mélange PS/PP en fonction du taux de cisaillement [73]. On remarque que dans la première partie de la courbe, la taille des gouttelettes de PP diminue en augmentant le taux de cisaillement. Cependant, la taille des nodules augmente à nouveau pour de fortes valeurs de taux de

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cisaillement (au-dessus de 150 s-1). Les auteurs expliquent cette augmentation par le comportement rhéofluidifiant des polymères fondus, les forts taux de cisaillement entraînent une fluidification de la matrice. Le taux de cisaillement a donc clairement une influence sur la morphologie générée, mais ses effets sont multiples sur le système rendant difficile la pleine compréhension des phénomènes observés [73].

Figure 1.16: Évolution de la taille de nodules de PP dispersées dans un mélange PS/PP (92/8) en fonction du taux de cisaillement [73].

1.2.1.3- Description et définition de la morphologie co-continue A) Description et définition

Au cours de dernières décennies, il existe un intérêt croissant pour les mélanges co-continus [74,75,76] car ce type de morphologie peut offrir de meilleures combinaisons des propriétés des composants que celles qui sont possibles à partir de structures de type dispersée. Par exemple, une structure co-continue donne la contribution maximale au module mécanique de chaque composant simultanément.

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Aussi, la littérature montre que l’incorporation des charges conductrices dans un mélange de polymères immiscibles avec une morphologie co-continue donne naissance à un mélange qui a de bonnes propriétés électriques par rapport à un mélange monophasique.

Dans ce dernier cas, le phénomène de conductivité est obtenu par percolation des charges localisées sélectivement dans une phase polymère continue ou à l’interface d’un mélange immiscible ; on parle donc de « double percolation ». Ce type de mélange a été identifié comme l'une des méthodes les plus pratiques et les plus économiques pour développer de nouveaux matériaux polymères biphasiques capables de répondre à des exigences complexes [77]. Le concept de double percolation a été observé pour la première fois par Sumita et al. [78] pour les mélanges de polymères immiscibles remplis de CB. Par la suite, ce concept de double percolation a été appliqué à un certain nombre de mélanges de polymères avec une variété de charges à base de carbone telles que CB, CNT et GR. Nguyen et al. [19] ont développé une série de mélanges conducteurs PVDF/CB, PET/CB et PVDF/PET/CB en utilisant une extrudeuse bi-vis. Ils ont trouvé que les mélanges (PVDF/PET)/CB ont conduit à une bonne résistivité électrique dans le plan par rapport au mélange PET/CB et PVDF/CB (Figure 1.17) lorsque la phase PVDF/PET présente une morphologie co-continue. Ceci est principalement due à la localisation sélective du CB dans la phase PET conduisant à un réseau de carbone conducteur plus dense. La plus faible résistivité dans le plan est d'environ 0,3 Ohm.cm obtenue avec un système PVDF/PET (50/50) dans lequel ont été ajoutés 30% en poids de CB.

Il existe deux différentes opinions sur la façon de définir les structures co-continues dans les mélanges de polymères. La première décrit une structure idéalement co-continue de manière classique, qui est définie comme la coexistence d'au moins deux structures continues dans le même volume; cela signifie que les deux composants ont une continuité spatiale tridimensionnelle à une certaine échelle de mélange [79].

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Figure 1.17: Résistivité électrique dans le plan en fonction de la concentration en poids en CB pour les mélanges (PVDF/PET)/CB pour différents concentrations de PVDF/PET [19].

Dans un mélange binaire co-continu, chaque composant est une phase polymère avec sa propre structure et ses propriétés et la surface de chaque phase est une réplique exacte de l’autre; ils sont complémentairement inversés (anti-tropiques) comme le montre la Figure 1.18. Des structures co-continues peuvent être formées sur un certain intervalle de fractions volumiques. La plage co-continue peut-être très étroite ou assez large et est centrée sur la composition d'inversion de phase (PI), qui est également appelée le point d'inversion de phase.

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Figure 1.18: Modèle de la structure anti-tropique des deux composants d'un mélange binaire co-continu [79].

La deuxième définition est basée sur la théorie du seuil de percolation et tient compte du fait que les structures formées par le mélange à l'état fondu de polymères représentent une coexistence de déférents types de structures plutôt qu'un réseau idéal. Lyngaae-Jørgensen et Utracki [80] définissent une structure co-continue comme une structure dans laquelle au moins une partie de chaque phase forme une structure continue cohérente qui imprègne tout le volume. La fraction volumique à laquelle on passe d’un système ne contenant que des domaines discrets d'une phase à un système contenant une structure infinie (et des domaines discrets) définit le point de transition et peut également être exprimée en fraction volumique critique (Φc) ou seuil

de percolation, comme le montre la Figure 1.19.

Des changements importants dans les propriétés du mélange se produisent à ce stade. Lorsque la fraction volumique augmente, la proportion du composant mineur incorporé dans la structure de percolation augmente. À une certaine fraction volumique, ce composant entier devient une partie de la structure de percolation, réalisant ainsi une structure entièrement co-continue. L'indice de continuité (IC) représente la partie d'un composant qui fait partie de la structure percolant [79].

Dans la plupart des articles inclus dans cette revue, le terme « structure co-continue » dans un système binaire de polymères est généralement plus utilisé dans le sens de la première définition, ce qui signifie une structure de réseau complète des deux phases. Sauf indication contraire, nous adapterons cette définition dans le reste de ce manuscrit.

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Figure 1.19: Évolution de l’indice de co-continuité en fonction de la composition dans un mélange binaire [79].

Il a été mentionné précédemment que la morphologie co-continue se produit dans une gamme de concentration située autour du point d’inversion des phases. La relation la plus utilisée pour décrire ce point d'inversion des phases a été généralisée par Paul and Barlow [81]:

𝛷

1

𝛷

2

𝜂

1

(𝛾̇)

𝜂

2

(𝛾)̇

où ƞ1 et ƞ2 sont respectivement la viscosité des composants 1 et 2, qui dépendent du taux de

déformation dans l’extrudeuse utilisé pour produire le mélange, tandis que Φ1 et Φ2 sont la

fraction volumique des composants 1 et 2, respectivement.

42 B) Identification de la structure co-continue

Il existe différentes méthodes pour identifier les mélanges co-continues [79]:

➢ Méthode microscopique: la microscopie électronique à balayage (MEB) est souvent utilisée pour visualiser ce type de structures.

➢ Méthode d’extraction: Cette méthode est un moyen facile pour vérifier la co-continuité lorsque les composants sont solubles dans des solvants spécifiques (par exemple le PVDF est soluble dans le DMF et le PMMA est soluble dans le chloroforme, etc.). Une structure co-continue est présente si la partie restante après dissolution de l'autre composant est autoportante et si sa masse est approximativement celle du mélange d'origine.

➢ Propriétés mécaniques: L'analyse mécanique dynamique (DMA) peut être une méthode utile pour distinguer les structures dispersées et co-continues à la même composition. Dans les structures co-continues, la dépendance module de stockage en fonction de la température reflète une plus grande contribution des deux composants, tandis que dans les structures dispersées, le module de stockage est dominé par le composant matrice.

➢ Propriétés rhéologiques à l’état fondu: Il est possible de déduire le type de structure de la forme des courbes de viscosité complexe en fonction de la fréquence dans la zone des basses fréquences. Dans le mélange dispersé, un plateau newtonien à basse fréquence a tendance à se développer, tandis que dans le mélange co-continu, la viscosité complexe augmente continuellement avec une fréquence décroissante (Figure 1.20) [82].

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Figure 1.20: Variation de la viscosité dynamique d’un système PMMA/PS en fonction de la fréquence [82].

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