• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 Revue de la littérature

1.2.2 Propriétés électriques d’un mélange binaire de polymères immiscible

La conductivité électrique d’un matériau ou d’un mélange désigne sa capacité à permettre le passage d'électrons. Le chemin de déplacement des électrons peut avoir lieu à travers la surface (conductivité surfacique ou dans le plan avec des unités de S.m-1), ou à travers l’épaisseur (conductivité transversale ou à travers le plan avec des unités de S.m-2). La mesure de la conductivité à travers l’épaisseur a été utilisée pour les caractérisations des matériaux associés à ce projet. L’inverse de la conductivité électrique (σ) est la résistivité électrique (ρ).

44

1.2.2.1- Effet du seuil de percolation sur la conductivité électrique des systèmes biphasique

A) Localisation des charges dans un système

Dans un mélange biphasique de polymères immiscibles, la localisation des charges dans le mélange est un paramètre très important. Elle peut être divisée en trois cas:

- Distribution des charges de manière homogène dans tout le mélange sans localisation préférentielle.

- Localisation des charges dans l’une des deux phases polymères. - Concentration des charges à l’interface des phases.

Les paramètres qui influencent cette localisation des charges dans les mélanges binaires de polymères immiscibles sont principalement :

➢ Les interactions physiques entre la surface des nanoparticules et les composants du polymère. Pour les mélanges binaires polymère/polymère (A/B), le coefficient de mouillage ωa permet de connaitre ou prédire la localisation des particules dans le mélange selon :

ωa > 1 : localisation dans la phase A

ωa < -1 : localisation dans la phase B

-1 < ωa < 1 : localisation entre les deux phases

Pour les mélanges PVDF/PET, HDPE/PP et PMMA/PP la localisation des charges de noir de carbone a été prédite avec succès d’après le coefficient de mouillage [19,78]. En effet, le coefficient de mouillage calculé dans ces travaux est égal à 5 pour le système (PVDF /PET), égal à 3,5 pour le système HDPE/PP et 0,75 pour le système PMMA/PP. Ceci signifie que les charges sont préférentiellement dispersées dans la phase PET du système PVDF/PET et à l’interface du système PMMA/PP et dans la phase HDPE du système HDPE/PP.

45

Figure 1.21: Images de MEB présentant la localisation sélective des charges de noir de carbone dans la phase HDPE d’un système HDPE/PP (à gauche) et à l’interface d’un système PMMA/PP (à droite). Ces clichés confirment la prédiction thermodynamique [78].

➢ Conditions de préparation des systèmes binaires : On distingue principalement trois procédures. La première procédure, qui est la plus utilisée, consiste à incorporer simultanément les trois composants du système (polymère A, polymère B et charges) dans le mélangeur. L’adsorption simultanée des deux phases polymères sur la charge permet une localisation à l’interface. La deuxième procédure consiste à disperser préalablement la charge dans la phase A avant d’incorporer la phase B. La dernière procédure consiste à mélanger les deux polymères A et B et les fondre avant d’incorporer les charges dans le mélangeur.

➢ Rapport de viscosité : Récemment, certains articles se sont concentrés sur l'influence du rapport de viscosité des polymères sur la localisation des charges. Ils ont montré que les charges conductrices migrent dans la phase de polymère ayant la plus faible viscosité. ➢ Nguyen et al. [19] se sont intéressés à l’étude de système PVDF/PET qui présente une

morphologie co-continue. Ils ont montré que le CB est plus susceptible d’être situé dans la phase de PET puisqu’il est plus fluide que le PVDF à la même température (190oC, MFI

PET

= 21,5 g/10 min, MFIPVDF = 7 g/10 min). La localisation préférentielle du CB dans la phase

PET a aussi été confirmée par extraction de la phase PVDF par le solvant diméthylacétamide (DMA). Il a été observé que la phase PVDF dissoute dans le DMA était translucide et ne comportait que très peu de CB.

46

Figure 1.22: Schéma illustrant la localisation du CB dans le système binaire PET/PVDF [19].

B) Effet de la localisation des charges conductrices

On a discuté dans les paragraphes précédents de l’importance de l’ajout de charges conductrices électriques sur l’amélioration de la conductivité électrique des polymères. On a aussi mentionné que l’addition de quantités importantes de charges pourrait être néfaste à la fois au niveau du coût et aussi sur les propriétés mécaniques et la mise en œuvre (augmentation de la viscosité). Ensuite, une grande attention a été accordée au concept de la double percolation pour atteindre une valeur de conductivité électrique élevée à des concentrations faibles en charges conductrices.

Récemment, des études ont montré que la localisation des charges (à l’interface ou dans une phase) au sein de systèmes binaires de polymères immiscibles a aussi une influence sur le seuil de percolation et ainsi sur la résistivité électrique de ces systèmes. Un seuil de percolation électrique beaucoup plus bas peut être atteint si les nanocharges conductrices ne sont distribuées sélectivement qu'à l'interface d'un système binaire de polymères immiscibles à morphologie co-

47

continue car une très faible quantité de charges conductrices est suffisante pour former un chemin conducteur à l’interface continue à travers le volume [83].

Pour pousser les charges à se déplacer vers l’interface, deux stratégies différentes ont été rapportées:

➢ Une première approche générale repose sur un contrôle cinétique, c'est-à-dire le choix des conditions de traitement. Gubbels et al. [84] ont utilisé la méthode cinétique pour localiser sélectivement les charges de CB à l'interface d'un système binaire de polymères immiscibles. Cette méthode consiste à réaliser le malaxage du CB d'abord avec le polymère pour lequel il a la plus faible affinité, puis ajouter le polymère auquel le CB a plus d'affinité. Après un certain temps de malaxage, le CB passe de la phase la moins favorable (plus faible affinité avec le CB) à la plus favorable via l'interface. La difficulté de prédire le temps de malaxage exact auquel la plupart des particules de CB s'accumuleront à l'interface est le principal inconvénient de cette méthode.

➢ Huang et al. [85] ont préparé des mélanges PLA/PCL/MWCNT par deux méthodes. La première est la méthode traditionnelle de double percolation et la deuxième est avec un contrôle du processus de migration des nanoparticules de MWCNT de la phase PLA défavorable vers la phase PCL favorable. Ils ont trouvé que le seuil de percolation du système passait de 0,97% massique de MWCNT (première méthode) à 2 ordres de grandeur plus faibles pour la seconde méthode (environ 0,025% massique de MWCNT).

La seconde approche repose sur la thermodynamique : soit en modifiant les particules conductrices, soit en introduisant un compatibilisant pour localiser les particules conductrices à l'interface du système binaire. Chen et al. [86] ont atteint un seuil de percolation beaucoup plus bas (0,05% en poids de nanotubes de carbone, CNT) par la distribution sélective des CNT à l'interface de polycarbonate/acrylonitrile-butadiène-styrène immiscible (PC/ABS).

1.2.2.2- Effet du cisaillement

L'incorporation de charges conductrices, telles que le CB, les fibres de carbone ou les CNT, dans les polymères isolants offre la possibilité de créer des composites polymères conducteurs

48

(CPC) avec les propriétés électriques souhaitées. Au cours des dernières décennies, un grand effort a été consacré à l'étude des CPC avec de très faibles concentrations de charges. Des études montrent que les propriétés électriques des CPC réagissent de manière très sensible aux changements de la structure conductrice induits par la déformation par cisaillement [87,88].

Les forces de cisaillement interviennent dans divers procédés de mise en œuvre, notamment l'extrusion, le moulage par injection, le filage ou l'étirage. Ces forces jouent souvent un rôle important sur la dispersion des charges via le transfert des contraintes entre la matrice et la charge. Par conséquent, il est très important de comprendre le développement du réseau de charges conductrices dans le polymère fondu.

Obrzut et al. [89] ont étudié l’effet du taux de cisaillement sur la conductivité électrique de composites PP/CNT (Figure 1.23). Ils ont trouvé que la conductivité électrique diminue en augmentant le taux de cisaillement. Une augmentation de la valeur du seuil de percolation critique a aussi été observé.

On sait que le cisaillement provoque un certain alignement des nanoparticules de CNT le long des directions d’écoulement du fluide. Cet alignement va créer un chemin conducteur dans une seule direction, donc une plus quantité de charges de CNT est nécessaire pour avoir des chevauchements (création d’un réseau) conducteurs dans la matrice.

Skipa et al. [90,91] ont aussi trouvé que le cisaillement de PC/MWCNT induit une agglomération de nanotubes.

49

Figure 1.23: Variation de la conductivité électrique en fonction de la concentration volumique en CNT à différents taux de cisaillement : (1) 10-3 s-1, (2) 0,2 s-1, (3) 0,6 s-1, (4) 1,0

50

Documents relatifs