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Théorie classique de la nucléation homogène

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1.4 Naissance d’une bulle de cavitation

1.4.1 Théorie classique de la nucléation homogène

La théorie classique de la nucléation a pour origine les travaux de Volmer and Weber (1926) [54]. Ils étaient les premiers à affirmer que le taux de nucléation, le nombre de bulles par unité de volume et de temps, aurait une dépendance exponentielle du travail nécessaire pour la formation d’un nucleus (germe initiale lors de la formation d’une bulle). La théorie classique de la nucléation a été traitée pédagogiquement au travers de plusieurs travaux de McDonald en 1962, 1963 [31], ou encore Springer en 1978 [48] et bien d’autres [16]. Initiale-ment, la théorie a été développée pour la condensation d’une goutte à partir d’une vapeur sursaturée.

Considérons un liquide dans lequel se formera la cavité de vapeur. Dans le cas homogène, cette théorie est simple à décrire, puisque le nucleus étudié est supposé parfaitement sphé-rique mais aussi parce que les caractéristiques de la nucléation ne dépendent que de l’eau dans l’état liquide. Les molécules d’eau interagissent entre elles via les liaisons hydrogènes.

Cette proprièté microscopique explique, d’ailleurs, que les propriétés macroscopique de l’eau, qualifiées d’anormale [8]. Les liaisons hydrogènes sont très fortes mais il est possible de "cas-ser" ces liaisons. La nucléation correspond à cette rupture.

Nous explicitons maintenant le calcul de la théorie générale de la nucléation homogène.

Fig. 1.12 – Schéma représentant un volume d’eau, l’état α en bleu, et un nucleus β formé entiérement en α. L’interface entre les deux états est σ. τ et π sont les réservoir de travail et thermique. Ils permettent de maintenir constantes la pression et la température dans le système.

Nous considérons un fluide homogène dans une phase α en contact avec un réservoir thermique τ et un réservoir de travail π, qui impose sur le fluide une température T et une pression P. Nous supposons qu’un noyau d’une seconde phase β est formée entièrement dans α. L’entropie, le volume et la masse du système (liquide plus réservoir) sont constants.

De plus nous utiliserons les notations i et f afin d’indiquer les états initial et final de la transition de phase du liquide. Ecrivons la variation d’énergie interne créée par la formation de la phase β :

∆U = ∆Uτ + ∆Uπ+Ufα−Uiα+Uβ+Uσ, (1.4) avec∆Uτ la variation d’énergie interneτ à cause du thermostat, ∆Uπ la variation d’énergie interne π à cause du réservoir de travail, Ufα−Uiα la variation d’énergie interne de la phase αavant et après l’apparition de la phaseβ,Uβ l’énergie interne de la phaseβ etUσ l’énergie interne de l’interfaceσ. Voici les expressions de ces variations d’énergie interne

∆Uτ = T∆Sτ =−T Sβ+Sσ+Sfα−Siα

, (1.5)

∆Uπ = −P∆Vπ =P Vβ +Vfα−Viα

, (1.6)

Ufα = T Sfα−P VfααNfα, (1.7) Uiα = T Siα−P ViααNiα, (1.8)

Uβ = T Sβ −P VββNβ, (1.9)

Uσ = T Sσ +γF +µσNσ, (1.10)

1.4. NAISSANCE D’UNE BULLE DE CAVITATION avec T la température, P la pression présente dans tout le système, Viα, Vfα, Siα, Sfα, Niα, Nfαα les volumes, entropies, nombres de moles et potentiels chimiques de la phaseαavant et après l’apparition de la phase β respectivement, Vβ, Sβ, Nβ ceux de la phase β et enfin Sσ, µσ et Nσ l’entropie, le potentiel chimique et le nombre de moles de l’interface σ, F est la surface occupée par l’interface (le volume de l’interface est supposé infiniment fin) et γ la tension superficielle. Remarquons que le potentiel chimique du liquide µα reste constant, puisque c’est une fonction de la température et de la pression, qui sont fixées pendant la transformation.

La conservation de la masse impose la contrainte :

Niα =Nfα+Nσ+Nβ. (1.11)

En remplaçant chaque terme par son expression dans ∆U, la variation d’énergie interne devient alors :

∆U = P −Pβ

Vβ +σF +

µβ Pβ

−µα(P)

Nβ+ [µσ −µα(P)]Nσ. (1.12)

Quand la phase vapeur apparait, elle peut encore être assimilée à un liquide parce qu’une simple variation de la densité du gaz peut la ramener à l’état liquide. Pour cela, le potentiel chimique de la partie gazeuse est égal à :

µβ Pβ

β(P) + ¯vβ Pβ−P

(1.13) où ¯vβ est le volume molaire partiel du liquide.

L’Eq (1.12) devient :

∆U =σF + µβ(P)−µα(P)

Nβ + (µσ(P)−µα(P))Nσ (1.14) A l’équilibre, la composition du noyau suit les conditions suivantes :

Nβ∆U = 0, (1.15)

Nσ∆U = 0. (1.16)

Soit

La somme des troisième et quatrième termes des deux équations Eq(1.17) et Eq(1.18), s’an-nulent à cause de

SσdT +F dσ+Nσσ = 0, (1.19)

dont la démonstration se trouve en annexe. Le cinquième terme de chaque équation disparait à cause de la relation de Gibbs-Duhem. Finalement en supposant que la bulle est parfaitement sphérique, la surface de l’interface dépend de Nβ comme suit F = 4π

3 4πv¯βNβ

2/3

. Nous déduisons les deux équations suivantes

∂F

∂Nβ = 2¯vβ

r , (1.20)

∂F

∂Nσ = 0. (1.21)

Ces équations nous mènent vers les conditions à l’équilibre : Pβ −P

= 2σ

r , (1.22)

µβ(Pβ) = µα(P), (1.23)

µσ = µα(P), (1.24)

où nous reconnaissons l’équation de Laplace dans l’Eq(1.22). Les Eq(1.23) et (1.24) montrent que les potentiels chimiques de la vapeur d’eau, de la phase liquide et de l’interface sont égaux à l’équilibre thermodynamique. Nous pouvons donc écrire le travail minimum pour avoir la formation d’une bulle :

Wmin =σF +Vβ P −Pβ

. (1.25)

Il existe par ailleurs une écriture du travail minimum, basée sur les potentiels chimiques.

Le passage entre l’une et l’autre écriture se fait grâce aux relations des Eq(1.13), (1.23)

1.4. NAISSANCE D’UNE BULLE DE CAVITATION

, puisque ∆U peut toujours se réécrire en fonction du potentiel chimique :

Wmin =σF + ∆µNβ, (1.26)

avec ∆µ=µβ(P)−µα(P).

En reliant la quantité de mole de la phase β, en fonction du rayon de la bulle, l’Eq(1.26) devient :

La forme de ce travail se retrouve avec l’Eq(1.25) : Wmin = 4πσr2− 4π

3 Pβ −P

r3. (1.28)

Nous pouvons calculer la hauteur de la barrière énergie Wmin? associée au rayon de la bulle critique r? :

r? = 2σ

Pβ−P (1.29)

Wmin = 16πσ3

3 (Pβ −P)2 (1.30)

Pour qu’une bulle puisse apparaitre il faut donc que l’énergie thermique soit au moins du même ordre que la barrière d’énergie définie par l’Eq(1.30).

Dans les expériences décrites dans la section 1.1, l’eau est confinée dans des volumes de tailles micrométriques. Dans ce cas il faut prendre en compte la compressibilité de l’eau. En effet l’équipe de Philippe Marmottant ont proposé un modèle dans lequel la pression dépend à la fois de la taille de la cavité, du rayon de la bulle mais aussi de la compressibilité [53] [52].

Dans leur modèle, ils considèrent une bulle sphérique contenue dans une cavité sphérique fabriquée à base d’hydrogel (voir Fig. 1.13). La pression du liquide Pl(R) dans une telle configuration est de la forme suivante :

Pl(R) = P0+K R

Rcav 3

, (1.31)

où P0 la pression de l’eau liquide avant l’apparition de la bulle qui a un rayon R, Rcav le

Fig. 1.13 – Schéma du modèle d’une bulle (en blanc) et d’une cavité (ses parois sont en gris) toutes deux sphériques et concentriques. La bulle est de rayonR et la cavité de rayon Rcav. En bleu est schématisée l’eau liquide qui entoure la bulle.

rayon de la cavité supposée sphérique et K la compressibilité de l’eau, qui est en réalité que la l’inverse de la somme des inverses de la compressibilité de l’hydrogel. La variation d’énergie libre associée à un tel système est de la forme suivante :

∆F = 4πR2σ− 4πR3

3 P0− K 2

R Rcav

3!

. (1.32)

Les deux courbes de la Fig. 1.14 représentent l’évolution de la variation d’énergie libre en fonction du rayon de la bulle R dans le cas confiné comme dans le cas non-confiné (volume d’eau liquide considéré comme infini). Dans un cas comme dans l’autre, il existe un rayon critique et une barrière d’énergie que le système doit franchir pour qu’une bulle puisse apparaitre. Cependant, dans le cas confiné apparait un puit d’énergie et un deuxième rayon, un rayon d’équilibre autour duquel le rayon de la bulle oscillera. La bulle va donc vibrer et émettre une onde acoustique se propageant à une fréquence f dont l’expression est donnée par

f ≈ 1 2πRcav

3K ρ

1/2

−P0 K

1/6

∼3MHz. (1.33)

Pour conclure, si la bulle apparait dans un volume infini d’eau, son rayon diverge et ne cesse de croitre, par contre si le volume d’eau est contenue dans un récipient de volume micrométrique, la bulle vibre en émettant une onde acoustique. L’apparition de bulles de cavitation sans apport d’énergie extérieur, c’est-à-dire juste grâce à de l’énergie thermique, est un phénomène aléatoire avec une probabilité de réalisation proportionnelle à un poids de

1.4. NAISSANCE D’UNE BULLE DE CAVITATION

Fig. 1.14 – Courbe représentative de la variation d’énergie libre ∆F dans le cas de l’eau liquide sous confinement (trait en pointillé) et dans le cas de l’eau liquide de volume infini (trait plein), en fonction du rayon de la bulle R.

Boltzmann. L’expression de cette probabilité P est

P∝exp

−Wmin kBT

, (1.34)

avec Wmin la barrière d’énergie, kB la constante de Boltzmann et T la température. Ce que nous remarquons est que la probabilité est une fonction décroissante de la pression.

Pour l’eau, à cause des liaisons hydrogènes, la pression du liquide doit atteindre des valeurs fortement négative, tendant vers la limite spinodal. Cependant, une étude a montré que la pression à partir de laquelle, il était possible d’observer un phénomène de cavitation est beaucoup plus grande que la pression spinodale et vaut −20 MPa [57]. Cette différence de valeur peut s’expliquer de plusieurs façons ; l’une d’entre elles est que l’eau dans les expériences est confinée dans un volume avec des parois solides ce qui impose la prise en compte de la compressibilité. La deuxième explication se base sur l’existence potentielle de gaz dissous, ce qui changerait les propriétés de l’eau. Enfin, le récipient de l’eau, n’étant pas parfait, peut présenter des aspérités sur lesquelles la cavitation peut être favorisée. Ce phénomène est décrit à l’aide de la théorie de la nucléation hétérogène [7, 16, 42].

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