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Les avancées en matière d'optique ayant eu lieu durant les années 1830 accroissent drastiquement la puissance de résolution des microscopes et diminuent, voir éradiquent certaines perturbations comme les aberrations chromatiques. En résulte l'identification d'un certain nombre de structures, telle que l’emblématique première observation d'un noyau cellulaire par Robert Brown dans des cellules d'orchidées. De ces observations naîtra la théorie cellulaire, reconnaissant la cellule comme unité fondamentale d'organisation du vivant. En découlera alors l'établissement de deux nouveaux champs disciplinaires, la cytologie (maintenant intégrée à la biologie cellulaire) et l'histologie (l'étude des tissus organiques).

La génétique

Vers la fin du dix-neuvième siècle, la physiologie cellulaire et la cytologie permettent d'aborder la question relative au développement biologique, l'embryologie. L'observation des chromosomes et des cycles de reproductions cellulaires permet l'émergence de la théorie de l'hérédité. Initialement proposée par Walter Sutton (1877–1916) et Theodore Boveri (1862–1915), puis portée par Gregor Mendel (1822–1884), la théorie suggère que les chromosomes sont les supports de l'hérédité. La science de l'hérédité se mue en génétique sous l'impulsion de travaux comme ceux de William Bateson (1861–1926) qui visent à déterminer dans quelle mesure les principes mendéliens sont avérés hors des laboratoires de recherche.

Chapitre 2 • État de l’art

Biologie évolutive

À l'inverse du fixisme, qui stipule que les espèces ont été créées par la main divine et possèdent donc un caractère immuable, le dix-neuvième siècle est le berceau de la théorie de l'évolution des espèces.

L’établissement de cette théorie, selon son entendement contemporain, a requis la mise en place d’une démarche fastidieuse. Les premières intuitions transformistes (allant à l'encontre du fixisme) naissent durant le dix-huitième siècle, donnant lieu aux philosophies naturelles. Benoist de Maillet (1656-1738) envisage une transformation des espèces par modifications héréditaires, un retrait des eaux par évaporation ayant contraint certains organismes à s'accoutumer à la vie terrestre. Pierre-Louis Moreau de Maupertuis (1698- 1759) s'intéresse aux corrélations entre facteurs du milieu et variations des êtres vivants. Denis Diderot (1713-1784) conçoit les espèces comme se transformant au cours du temps. Le comte de Buffon (1707-1788) dessine le concept de "dégénération des animaux". Érasme Darwin (1731-1802), grand-père de Charles, définit un lignage de la vie, animale et végétale, évoluant selon trois axes (i.e. besoins vitaux, transmission héréditaire et hybridation). Pierre Jean Georges Cabanis (1757-1808) postule que, sur de grandes échelles de temps, les espèces se modifient sous l'action d'accidents couplés à des modifications de conditions extérieures. C'est sous l'impulsion de Jean Baptiste de Lamarck – botaniste, paléontologue, anatomiste des « animaux sans vertèbres » et inventeur du terme « biologie » – que l'ensemble de ces intuitions sont converties en théories. Il établit en 1809 sa théorie de la transmission des caractères acquis, qui repose sur un ensemble de principes généraux [Lamarck, 1809]. Le premier principe est celui de la génération spontanée. Selon ce principe, dès leur création, les êtres vivants tendent à se perfectionner afin de devenir aussi complexes que l'homme, rendant nécessaire la génération d'organisme à la base de l'échelle du vivant. Le deuxième principe est celui du modelage par l'environnement. Dans sa théorie chacune des mutations que subit un organisme est induite par un changement dans son environnement. L'évolution présentée ici est donc dirigée. Le troisième et dernier principe de la théorie de Lamarck est celui de la transmission des caractères acquis. Selon ce principe, les mutations opérées durant la vie d'un organisme peuvent être transmises à sa descendance. Les mutations sont ainsi perpétuées, voir s'amplifient (en fonction des conditions environnementales) au fil des générations.

Bien qu'il adhère aux principes Lamarckistes, Charles Darwin (1809 - 1882) distingue la théorie générale de l'évolution – théorie mettant en cohérence l'ensemble de l'histoire naturelle par l'intégration d'un grand nombre de faits et d'hypothèses – et une hypothèse centrale, celle de la sélection naturelle. Son raisonnement s'appuie sur la constatation que les organismes varient (refus de l'essentialisme du siècle précédent) ; ces variations sont héritables et présentent une capacité à être sélectionnées (la théorie inclut donc le concept d'élevage) ; un agent naturel opère la sélection naturelle ; cet agent est le milieu de vie des organismes (il existerait un lien entre évolution et milieu naturel) ; à l'échelle des populations, la sélection naturelle se traduit par la transformation de l'espèce (hérédité de la transformation). En 1859, suite à une collaboration avec Alfred Russel Wallace (1823-1913)

Chapitre 2 • État de l’art qui travaillait sur les bases d'une théorie avoisinante, Darwin publie sa théorie de l'évolution [Darwin, 2001]. Cette théorie s’articule autour de cinq sous théories [Lecointre et al., 2009] :  Le fait transformiste. Les espèces ne sont pas constantes, les organismes se modifient

au cours du temps, génération après génération.

 L’ascendance commune. La ressemblance, dans le monde vivant, est liée à une ascendance commune. Par extension, tout attribut semblable partagé par des espèces qui ne se croisent pas entre-elles, doit, en première instance, être interprété comme ayant été acquis par un ancêtre commun.

 Le gradualisme. Les changements organiques sont progressifs et donc liés à une apparition graduelle et non brutale.

 L’apparition des espèces par spéciation populationnelle. Une espèce se divise en plusieurs espèces filles, diversifiées. La spéciation ne peut se définir qu’au niveau d’une population d’individus (et non au niveau d’un organisme isolé).

 La sélection naturelle. Idée centrale de la théorie de Darwin et formulée simultanément par Wallace, la sélection naturelle induit que la production de variations des individus est le fruit d’un tri des individus d’une espèce donnée par sélection et éliminations successives.

Il est entendu que la théorie de l’évolution ne s’est pas arrêtée à Lamarck ou Darwin. La théorie a été affinée durant les années 1940-1960 puis a subi de multiples affinages dans les années 1970-1990 [Lecointre et al., 2009]. Si les théories néosélectionnistes contemporaines font preuve de continuité avec la théorie de Darwin, des interprétations alternatives (e.g. théorie évolutive du développement), marquent le retour de concepts jusqu’alors écartés [Laubichler et Maienschein, 2007]. Ce type de développement suggère que des lacunes théoriques substantielles subsistent (e.g. le mécanisme et les raisons relatives à l’apparition d’une espèce ne sont toujours pas explicités), susceptibles d’altérer significativement la compréhension future de la théorie de l’évolution [Sloan et Zalta, 2014]. En réponse à ces manques, des appropriations modernes de la théorie de l'évolution se sont formalisées sous la forme de mouvements se revendiquant du néodarwinisme ou du néolamarckisme (visant à expliciter les mutations épigénétiques, i.e. méthylation de l’ADN, modification de la chromatine et paramutation, ainsi que les mutations culturelles et écologiques, que le darwinisme et le néodarwinisme ne peuvent expliquer).