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Le raisonnement par analogie implique nombre de processus cognitifs. Bien que ces processus aient atteint un certain consensus, leur segmentation tend à différer : si Novick [1988] le décrit selon 5 étapes (i.e. Représentation du problème, Recherche, Récupération, Cartographie, Adaptation de la procédure, d’autres auteurs (e.g. Eastman [2001], Casakin [2004] approche ce processus selon 4 étapes : Identification des relations abstraites entre connaissances existantes et le problème ciblé ; Récupération de l’information du contexte source ; Cartographie des relations entre source d’analogie et problème cible ; Transfert et transformations relationnelles de la source analogue au sein de l’environnement cible.

Quelle que soit l’approche conceptuelle du raisonnement par analogie considérée, la prédominance de l’existence d’un problème central, ainsi que de la vocation du processus à le résoudre, constitue la constante principale [Jonassen, 2000]. Cette constatation pousse à élargir l’analyse de la pensée créative du raisonnement par analogie à la résolution de problème.

2.4.3.2 Processus de résolution de problème

Au niveau d’abstraction le plus élevé, la résolution de problème fait intervenir deux processus cognitifs distincts : la pensée convergente et la pensée divergente [Guilford, 1967]. La pensée divergente, processus visant à la génération d’idées alternatives, constitue un sujet d’étude central de la littérature de la créativité (e.g. [Guilford, 1967, Khandwalla, 1993, Runco, 1993]), au même titre que la pensée convergente, correspondant à l’analyse et la sélection d’une réponse appropriée à une question donnée, dont l’identification, l’analyse et la redéfinition du problème ont fait l’objet de nombreuses études (e.g. [Smilansky, 1984, Runco, 1994, Mumford et al., 1996, Jay et Perkins, 1997, Reiter-Palmon et al., 1997]).

L'ensemble de ces travaux a permis le développement de modèles de processus visant à décrire le processus de résolution de problèmes, tel que dépeint dans la Figure 2.31 :

Chapitre 2 • État de l’art

Figure 2.31 - Synthèse non exhaustive des modèles de processus de résolutions de problèmes, basé sur [Mumford et al., 1994] (1, 2, 3, 5) (cité dans [Schoefer, 2015]) et [Bransford et Stein, 1984] (4),

Bransford, Isaken, Bardach et Adams

Dans leurs travaux s'appuyant sur une revue de la littérature et visant à formaliser une approche holistique des processus de résolution de problème, Massey & Wallace [1996] proposent un modèle en 5 étapes : Identification du problème, Définition du problème, Génération des alternatives, Sélection de la solution, Implémentation de la solution et essais.

2.4.3.3 Conclusion sur les processus créatifs

Telle que dépeinte au sein de cette section, la résolution de problème est centrale à la créativité. Cette résolution de problème a la particularité de s'appuyer sur un raisonnement par analogie, raisonnement aussi mis en œuvre dans les démarches capitalisant sur l'inspiration, et donc, pertinente pour la bio-inspiration. L'analyse du processus de résolution de problème offre donc une grille de lecture à même d'être complémentaire à celle obtenue par l'analyse des modèles de processus de conception.

2.4.4 Conclusion sur les sciences du vivant

Les sciences du vivant constituent un champ de recherche à la complexité en constante croissante depuis sa formalisation. Le domaine présente actuellement un foisonnement de connaissances ; à la fois en horizontal (variétés des sujets d’étude), mais aussi vertical (niveau de détail de l’information à disposition). La compréhension actuelle des systèmes vivants permet de comprendre leur différence avec les systèmes techniques (e.g. leur particularité autopoïétique). Leurs différences constituent une barrière qu’il est

Chapitre 2 • État de l’art nécessaire de surmonter lors de l’analogie en considérant différents degrés d’abstraction. C’est cette compréhension plus fine du vivant, couplée à une recherche de transdisciplinarité qui a rendu possible l’émergence contemporaine de la conception bio- inspirée. Bien que différent, et ce même dans leur mécanisme d’évolution, il n’en reste pas moins que des tendances communes fortes illustrent l’intérêt de la démarche bio-inspirée.

Ce phénomène d’émergence de la conception bio-inspirée, accentué par la montée en puissance de la formalisation des processus cognitifs relatifs à l’inspiration et à la créativité (processus mis en œuvre dans le cadre des démarches de bio-inspiration), permet une meilleure compréhension des mécanismes mis en jeu et donc d’une facilitation de mise en place de ce type de démarche.

2.5 BIOMIMÉTIQUE

La biomimétique, le pendant méthodologique de la mise en œuvre de la bio- inspiration, combine l’ingénierie de conception dans l’essence de sa démarche aux sciences du vivant en utilisant ces dernières comme source d’inspiration. Suite à son introduction conceptuelle (voir section 2.2) et l’exploration des contributions de l’ingénierie (voir section 2.3) et de la biologie (voir section 2.4), la présente section investigue la biomimétique. Pour se faire, et afin de poursuivre l’analyse réalisée au sujet des deux disciplines alimentant le concept, l’approfondissement de la biomimétique a été articulé selon trois points, tel qu’illustré par la Figure 2.32. Les approches théoriques (section 2.5.1) investiguent séquentiellement les deux versants du sujet existant à ce jour (i.e. approche solution-based et

problem-driven) ; les processus (section 2.5.2) explorent les modèles de processus décrit dans

la littérature permettant de guider l’implémentation de ce type et démarche ; les outils (section 2.5.3) rassemblent les méthodes opérationnelles ayant vu le jour et facilitant la mise en œuvre des processus précités.

Figure 2.32 - Structure de la section relative à la biomimétique

2.5.1 Approches théoriques de la biomimétique

De manière générale, la bio-inspiration peut être menée soit selon une approche dite

solution-based (identifiée dans la littérature comme solution-based [Badarnah et Kadri,

2015], solution-driven [Vattam et al., 2007, Helms et al., 2009], biology to design [Baumeister et al., 2013], biology push [ISO/TC266, 2015b], bottom-up [Speck et al., 2006], biomimetics by induction [Gebeshuber et Drack, 2008]) ou problem-driven (identifiée dans la littérature comme problem-based [Badarnah et Kadri, 2015], problem-driven [Vattam et al., 2007,

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Helms et al., 2009], challenge to biology [Baumeister et al., 2013], technology pull [ISO/TC266, 2015b], top down [Speck et al., 2006], biomimetics by analogy [Gebeshuber et Drack, 2008]). Ces deux approches, solution-based et problem-driven présentent une disparité dans leur point de départ et leurs caractéristiques de processus de conception [Goel et al., 2014].

2.5.1.1 Solution-based

L’approche solution-based décrit le processus de développement biomimétique au sein duquel la connaissance relative à un système biologique d’intérêt est le point de départ de la conception technologique. Ce système biologique réalise une fonction possédant des propriétés spécifiques présentant un avantage potentiel si émulé dans le domaine technologique. Il est nécessaire que le fonctionnement du système biologique soit analysé en détail et finement compris pour que les principes sous-jacents responsables de la fonction identifiée puissent être extraits afin de traiter une problématique ou un domaine technologique. La connaissance relative à ces principes est généralement liée à une démarche de recherche fondamentale. L'approche solution-based se rapproche, de par son essence, d'une démarche de transfert de technologie, tel qu’il peut être opéré d’une organisation scientifique à une organisation industrielle (e.g. approche mise en œuvre par les bureaux de transfert technologique (Technology Transfer Office, ou TTO): Découverte scientifique, Divulgation d'invention, Évaluation de la brevetabilité, Dépôt de brevet, Marketing technologique, Négociation d'octroi de licence, Concession de licence) [Siegel et al., 2004].

Pour que la circulation de connaissances soit effective, l'implication de deux entités est nécessaire; la première, à l’origine de la création du savoir (e.g. une découverte scientifique) ainsi qu’à l'initiation du partage, la seconde à l'initiative de l'intégration (i.e. acquisition et application) [Majchrzak et al., 2004]. Rapportée à un environnement industriel, l'initiation d'une approche solution-based par une entité industrielle permet d'envisager deux scénarios. Le premier serait celui d'une entreprise internalisant un principe de solution issue du vivant identifié, grâce à un travail de recherche fondamentale, par une autre structure. Dans ce scénario, l'entreprise prise en considération n'intègre, en définitive, aucune composante liée aux sciences du vivant, l'intégration de connaissance s'effectuant en aval de l'analyse et de l'extraction des connaissances biologiques pour les adapter à un contexte industriel. Un exemple concret de ce scénario serait celui de l'entreprise Sharklet™ qui s'est appuyé sur plus de 30 années de recherche existante sur la topographie de la peau des requins et son effet de limitation des frottements pour développer son film réduisant le développement de la flore microbienne. Dans cet exemple, l'organisme d'inspiration, la fonction d'intérêt et les caractéristiques menant à cette fonction sont déjà formalisés. Bien que le produit final soit indiscutablement bio-inspiré, son aspect biomimétique est discutable : l'approche solution-based repose sur les structures de recherche successives qui ont établi les liens entre observation d'une propriété et analyse de l'organisme ayant mené à la caractérisation de la fonction.

Chapitre 2 • État de l’art Un deuxième scénario, ne prenant en compte qu'une entité cette fois, serait celui d'une entreprise qui réaliserait des travaux de recherche fondamentale sur des organismes biologiques, sans lien apparent avec son domaine d'activité où l'une de ses problématiques en cours, dans l'espoir qu'une découverte issue de ces travaux s'avère pertinente ultérieurement. L'aspect hautement hypothétique d'une telle démarche semble peu compatible avec l'environnement et les pressions actuelles exercées sur une organisation industrielle.

En conclusion, il n'y a pas à proprement parler de produits biomimétiques issus d'une approche solution-based puisant leur origine dans l'industrie.

2.5.1.2 Problem-driven

En parallèle de l'approche solution-based, l'approche problem-driven cherche à résoudre un problème d'ordre pratique, avec comme point de départ de son processus, un problème identifié appartenant au domaine technologique [Goel et al., 2014, ISO/TC266, 2015b]. Des fonctions nouvelles ou plus performantes sont appliquées par l'identification d'un système biologique réalisant une certaine fonction ou mécanisme, puis par l'abstraction et le transfert des principes sous-jacents au domaine technologique. L'approche problem-driven peut dès lors être rapprochée d'une démarche de résolution de problème.

L'approche problem-driven peut se formaliser selon différentes voies ou méthodologies, chacune présentant des spécificités diverses.