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I- Les déplacements chimiques paramagnétiques – Etat de l’art

I.1- La théorie de Bleaney et ses limites

En rappel de ce qui a été énoncé dans l’introduction générale, le déplacement chimique total mesuré

ΔTOT dépend de la somme de trois composantes : une de milieu δmilieu, une diamagnétique δdia

(négative) et une paramagnétique δpara (positive) (Equation 1). En l’absence d’une contribution majoritaire paramagnétique (complexe métallique paramagnétique par exemple), l’Equation 1 se résume à la somme de trois termes du même ordre de grandeur. Ces contributions étant difficiles à calculer avec précision, il en résulte que ΔTOT est entachée d’une forte incertitude.

𝜟𝑻𝑶𝑻= 𝜹𝒎𝒊𝒍𝒊𝒆𝒖+ 𝜹𝒅𝒊𝒂+𝜹𝒑𝒂𝒓𝒂 Equation 1

Dans la première partie de ce travail, les interactions entre le cation paramagnétique et les ligands ont été évitées en choisissant une molécule inerte comme le tert-butanol (tBuOH). Ceci a permis l’accès à la susceptibilité magnétique molaire grâce à la contribution de milieu δmilieu.

Au contraire dans cette seconde partie, les systèmes chimiques ainsi que les conditions expérimentales sont choisis pour que des interactions entre le cation actinide paramagnétique et le ligand soient prépondérantes. Dans ce cas, il est possible d’accéder plus finement à la contribution paramagnétique

δpara devenue plus grande en valeur absolue sur la contribution diamagnétique. Grâce à la théorie de Bleaney établie dans les années 1970s pour les LnIII [5-7], cette contribution peut être calculée grâce à

l’Equation 21. Cette théorie dissocie la composante paramagnétique en deux contributions : une de contact δcont (délocalisation des électrons f sur les noyaux du ligand via la liaison entre l’atome donneur et le cation) et une dipolaire δdip (interaction entre le spin électronique et le spin nucléaire à travers l’espace) [8, 9].

𝜹𝒑𝒂𝒓𝒂=𝜹𝒄𝒐𝒏𝒕+ 𝜹𝒅𝒊𝒑= 𝑭〈𝑺𝒛〉+

𝟑 𝐜𝐨𝐬² 𝜽−𝟏

𝒓𝟑 𝑨𝟐𝟎𝑪𝑫 Equation 21

où F représente les interactions hyperfines à travers les liaisons chimiques noyau / cation, A02 est le

paramètre de champ cristallin du complexe et le terme 3 cos² θ−1

r3 donne des informations géométriques sur la position du cation par rapport au ligand (r est la distance entre le centre paramagnétique et le noyau du ligand et θ est l’angle formé par le centre paramagnétique entre l’axe Z des susceptibilités magnétiques (SM) et le noyau du ligand). Ces trois termes sont caractéristiques du ligand contrairement aux constantes de Bleaney, <Sz> et CD qui sont caractéristiques du cation. Le terme de

contact <Sz> correspond à la constante de spin (moyenne thermique de l’aimantation de spin

électronique du cation paramagnétique dans la direction Z, considérée comme l’axe principal de symétrie) et le terme dipolaire CD représente le couplage dipolaire entre le spin électronique du cation

et le spin du noyau. Il caractérise l’anisotropie magnétique du cation au sein du complexe (χZ-

Plusieurs hypothèses sont à la base de cette théorie.

Le cation est considéré comme une charge ponctuelle dont les coordonnées sont à l’origine. Sa relaxation électronique est instantanée. Les interactions du champ de ligands sont considérées inférieures à kT (200 cm-1) à température ambiante. Dans cette condition, J est un bon nombre

quantique décrivant avec précision les effets de couplage spin-orbite. De plus, la dépendance en températures a été simplifiée en 1/T pour la contribution de contact et 1/T² pour la dipolaire, sachant que des termes d’interactions plus élevés peuvent faire intervenir des termes en 1/Tn d’ordre n plus

élevés [91, 92]. Enfin, la position de l’axe magnétique principal, considéré comme étant l’axe de symétrie principal du complexe, ne change pas quel que soit le cation métallique considéré (pour une série isostructurale).

Ces hypothèses ne sont qu’un moyen de simplifier le raisonnement pour accéder au déplacement chimique paramagnétique induit. Différents auteurs ont étudié plus récemment les limites de cette théorie, déjà largement utilisée. Ils ne proposent cependant pas de solutions à ces limites mais indiquent les simplifications responsables de certains désaccords expérimentaux.

Funk et al. [14] ont montré que le changement de champ de ligands n’est pas suffisant pour expliquer certaines déviations de la théorie. Ils montrent que l’orientation de l’axe principal de l’aimantation peut changer (tenseur de SM oblate ou prolate). Cela rejoint les remarques de Blackburn et al. [12] un an après en complétant avec d’autres limitations. En effet, ils affirment que le nuage de densité électronique pour la projection maximale est prolate ou oblate selon la nature du lanthanide et non une charge ponctuelle ; le champ de ligands influant sur la distribution électronique [12]. De plus, ils remarquent que la direction de l’axe de symétrie principal n’est pas toujours fixé par le ligand. Selon eux, la théorie de Bleaney a servi de base à la bonne compréhension du comportement des lanthanides par des approximations qui doivent être revues et améliorées. Castro et al. [13] s’accordent avec Blackburn. Ils calculent les anisotropies magnétiques pour une série de complexes et montrent des déviations avec la théorie de Bleaney pour l’Ho3+ et l’Er3+ particulièrement.

La théorie de Bleaney a été largement utilisée dans le cadre d’études structurales pour les métalloprotéines (macromolécules) [93]. Schmitz et al. ont utilisé cette théorie en s’appuyant sur de nombreux déplacements chimiques 1H (d’une protéine) qui permettent ensuite par triangulation, de

déduire des informations structurales. Ainsi, même si quelques déplacements chimiques sont imprécis, les résultats restent globalement cohérents compte-tenu du nombre important de données. Cette méthode n’est cependant pas envisageable dans notre cas où les ligands utilisés donnent accès à un nombre limité de déplacements chimiques.

Malgré les limitations récemment mises en évidence, Matthieu Autillo a montré qu’il existe un bon accord avec la théorie de Bleaney pour des complexes d’AnVIO

22+ avec le ligand TEDGA. Pour les

actinides (IV), il n’existe cependant pas d’étude permettant d’évaluer l’applicabilité de la théorie de Bleaney. Des déplacements chimiques ont été obtenus avec des complexes du ligand dipicolinate (DPC) de stœchiométrie 1:3. Il serait donc intéressant d’étudier l’influence d’un changement de symétrie des complexes d’AnIV (AnIV = ThIV, UIV, NpIV, PuIV ; de la symétrie C3 avec le ligand DPC

détermination des constantes de Bleaney (CD et <S

z>) à partir d’un autre champ de ligands de symétrie

différente permettrait de vérifier l’influence de celui-ci.

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