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I- Les déplacements chimiques paramagnétiques – Etat de l’art

I.2- Le ligand DOTA

Le ligand DOTA (acide 1,4,7,10-tetraazacyclododecane-N,N’,N’’,N’’’-tetraacetique) appartient à la famille des ligands polyaminocarboxylates cycliques (Figure 43). Il a été synthétisé pour la première fois par Jean-François Desreux en 1980 [94]. C’est un ligand qui a eu de nombreuses applications comme agent de contraste avec le GdIII en imagerie médicale mais aussi en tant que traceur [95-100]

ou décorporant de l’aluminium [101]. Il possède huit sites donneurs dont quatre atomes d’azote dans son cycle et quatre oxygènes via les fonctions acides carboxyliques (Figure 43 à gauche). Il forme des complexes de symétrie C4 [102, 103] et donc d’un ordre supérieur au ligand DPC (symétrie C3).

Figure 43 : Structure du ligand DOTA (à gauche) avec les atomes donneurs d'azote et d'oxygène (entourés en rouge).

Structure tridimensionnelle (à droite) d'un complexe AnIII- ou AnIV-DOTA avec une molécule d’eau (NC = 9) : l’actinide, les

carbones, les oxygènes sont respectivement représentés en blanc (au centre), en gris, en rouge et en bleu.

Lors de la complexation du cation métallique par le DOTA, un complexe intermédiaire noté C1* est

d’abord formé : le cation n’est alors relié au DOTA que par les branches carboxylates. Puis ce complexe se réorganise en complexe ultime noté C2 où le cation est dans la cage du DOTA lié à la fois par les quatre oxygènes des fonctions carboxylates et les quatre azotes du cyclène (Figure 43 à droite) [104]. Ce complexe noté C2, de stœchiométrie 1:1, est rigide et sa première sphère de coordination peut être complétée par une molécule d’eau. Les complexes formés peuvent donc avoir un nombre de coordination de huit ou neuf qui dépend de la taille du cation dans la cage [105]. Le DOTA se complexe en milieu basique alors que les cations sont stables en milieu acide. Dans ses travaux de thèse, Matthieu Audras a montré en milieu acide (milieu pH) qu’il existe une formation de cinétique lente des complexes en phase aqueuse : formation d’un complexe C1* puis C2 [18]. Brücher

et al. [106] ont aussi montré que la cinétique de formation du complexe CeIII-DOTA est inversement

proportionnelle à la concentration en ions H+.

Sur des complexes de LnIII avec des dérivés du DOTA, Tei et al. [107] ont déterminé des vitesses

d’échange de molécules d’eau entre le milieu et le complexe. Woods et al. [108] ont corrélé la vitesse d’échange des molécules d’eau avec la proportion d’isomères du complexe GdIII-DOTA en solution.

En effet en solution, les complexes du DOTA existent sous deux conformations. Elles dépendent de la configuration du cyclène et des bras acétates (Figure 44). Le complexe peut avoir la configuration TSAP (twisted-square-anti-prismatic) notée Λ(λλλλ) ou Δ(δδδδ) qui s’organise sous forme d’antiprisme inversé à base carrée coiffée tordue. Ou bien, il peut prendre la configuration SAP

(square-anti-prismatic) notée Δ(λλλλ) ou Λ(δδδδ) sous la forme d’un antiprisme à base carrée coiffée [94, 109-112].

Figure 44 : Sur la gauche, équilibre des conformères TSAP et SAP d'un complexe 1:1 de LnIII-DOTA [113]. « Ring

Inversion » est l'inversion de l'anneau azoté et « arm rotation » correspond à une rotation du bras acétate. Les symboles Δ et Λ caractérisent l’orientation des bras acétate, et (λλλλ) et (δδδδ), celle des groupes éthyléniques du cyclène.

Sur la droite, équilibre simplifié des conformères TSA (équivalent au TSAP) et SA (équivalent au SAP) pour les complexes 1:1 de LnIII-DOTA. L’indice « ‘ » indique l’absence d’une molécule d’eau dans la sphère de coordination interne du

complexe. CN est le nombre de coordination autour du cation LnIII [95].

Les complexes de LnIII-DOTA ont été largement étudiés ces dernières années en phase aqueuse et des

structures cristallographiques ont pu être déterminées (par exemple, [114-116]). Benetollo et al. ont déterminé les structures cristallographiques de six complexes de LnIII-DOTA. Ils ont montré que

l’angle de torsion du plan formé par N-C-C-N est de seulement 25° pour le conformère TSAP alors qu’il est de 39° pour le conformère SAP du complexe CeIII-DOTA [95, 117].

Howard et al. [118] ont étudié les transitions des isomères du complexe EuIII-DOTA par RMN

notamment. Ils ont montré par analyse 2D que l’inversion du bras du cyclène a lieu à température ambiante ce qui est compatible avec une inversion rapide du bras du cyclène contrairement à la lente rotation du bras acétate, à l’échelle de temps de la RMN (de 0.1 à 1 seconde). Ils ont également mesuré la vitesse d’échange des deux isomères ayant subi une rotation du bras cyclène à 45 ± 15 s-1 et

ont indiqué que les deux phénomènes sont indépendants (inversion et rotation). Aime et al. [105] ont mis en évidence que le complexe NdIII-DOTA se trouve à 45% sous forme d’isomère SAP et à 55%

sous forme d’isomère TSAP. De plus, ils ont ajouté que les lanthanides légers sont majoritairement sous forme d’isomères TSAP (notés « m ») contrairement aux lanthanides plus lourds que le NdIII qui

sont majoritairement sous forme d’isomères SAP (notés « M »).

Des calculs de chimie théorique montrent que l’anisotropie magnétique n’est pas corrélée à la symétrie dans les complexes LnIII-DOTA [119]. D’autres calculs ont quant à eux mis en évidence que les

molécules d’eau labiles au sein du complexe modifient l’anisotropie magnétique du cation lanthanide ce qui rend les mécanismes de relaxation nucléaire (exploités en IRM) plus complexes [120].

Les récents travaux de thèse de Matthieu Audras ont permis d’étudier la cinétique et la thermodynamique de formation des complexes d’AnIII et AnIV [18, 121] (AnIII = PuIII, AmIII et AnIV =

ThIV, UIV, NpIV, PuIV). Il a analysé par RMN en température, les déplacements chimiques des protons

du complexe PuIII-DOTA qu’il a comparé à ceux du complexe PuIV-DOTA. Ce dernier montre des

isomères en échange lent avec une proportion d’isomère SAP plus importante que les isomères TSAP. Le rayon ionique du cation PuIII est environ égal à celui du NdIII ce qui coïncide avec le changement de

prépondérance des isomères SAP et TSAP [122].

Tamain et al. ont caractérisé des clusters d’AnIV (AnIV = UIV, NpIV, PuIV) avec le DOTA en solution

aqueuse [123]. Ils ont déterminé le mécanisme de formation de ces clusters, leur solubilité dans l’eau ainsi que leur structure cristallographique : six cations AnIV pseudo-octaédriques sont stabilisés par le

DOTA et liés entre eux par µ3-O2- et µ3-HO- alternativement (Figure 45).

Figure 45 : Description cristallographique des structures isomorphes I, II et III (de gauche à droite) avec le centre

hexanucléaire (à gauche), centré sur la coordination d’un ligand DOTA (au centre) et projection du cluster dans le plan équatorial (à droite) avec les ellipsoïdes de déplacement dessinées à un niveau de probabilité de 50% [123].

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