• Aucun résultat trouvé

6. D E LA THÉORIE SOCIALE À LA THÉORIE SOCIOCOGNITIVE DE BANDURA

6.1 La théorie de l’apprentissage social

L’apprentissage social constitue les termes usités par Bandura (1977) pour décrire ses travaux de 1952 à 1977.

« Dans les années 1950, malgré la domination institutionnelle du behaviorisme sur la psychologie américaine, d’autres courants se développent du côté des théories cliniques, qu’elles soient d’obédience freudienne ou rogerienne » (Carré, 2004, p. 14). Rogers et Freud ont peu d’influence sur les travaux de Bandura, au-delà de sa thèse et de ses premiers enseignements universitaires à

Stanford en psychologie clinique et psychothérapie (Ibid.). Sa première publication majeure se situe en 1962, où il conceptualise l’apprentissage par observation, soit à contre-jour des processus behavioristes très en vogue à l’époque (Ibid.).

À la fin des années 1970, la théorie de l’apprentissage social construite par Bandura prend corps pour reposer sur trois piliers théoriques fondamentaux : le rôle des processus vicariants ou modelages symboliques et les processus autorégulateurs ou autorégulation (Ibid.).

La théorie de l’apprentissage social tente d’expliquer le comportement humain en termes d’interactions continues entre les déterminants cognitifs, comportementaux et environnementaux (Bandura, 1977). Puis le développement de son travail théorique des années soixante-dix et quatre-vingt conduit l’auteur à abandonner progressivement le cadre dit de l’Apprentissage social (titre de son livre paru en 1977) pour celui de la théorie sociocognitive, développée dix ans plus tard dans un ouvrage majeur non traduit en français et paru sous le titre

Social Foundations of Thought and Action (Les fondations sociales de la pensée

et de l’action) (Carré, 2004). Bandura (1986) y formalise sa théorie qui accorde un rôle central aux processus cognitifs, vicariants, autorégulateurs et autoréflexifs dans l’adaptation et le changement humain. « Albert Bandura parlera dès lors de perspective “ agentive ” (agentic) pour exprimer l’objet central de ses travaux : le rôle du sujet social, sous ses différentes facettes, dans l’action » (Carré, 2004, p. 18). Dans cette perspective, les personnes sont considérées comme des sujets sociaux à la fois producteurs et produits de leur environnement (Bandura, 2003).

Nous proposons d’aborder succinctement les deux fondements qui composent la théorie de l’apprentissage social : les processus vicariants ou modelage et les processus autorégulateurs.

6.1.1 L’apprentissage vicariant ou modelage

Pour Bandura (1977) le modelage ou apprentissage vicariant se distingue radicalement de l’imitation ainsi que du mode d’apprentissage basé sur l’essai-erreur. Bandura (1977) entend par modelage :

tout travail d’observation active par lequel, en extrayant les règles sous-jacentes aux styles de comportement observé, les gens construisent par eux-mêmes des modalités comportementales proches de celles qu’a manifestées le modèle et les dépassent en générant de

nouvelles compétences et de nouveaux comportements, bien au-delà de ceux qui ont été observés. (Carré, 2004, p. 25)

Bandura (1977) met en évidence trois facettes qui composent le processus de modelage.

- L’attention est un des composants indispensables au modelage. « Un sujet fatigué, hyperactif, malade ou distrait par d’autres sources apprendra peu, y compris de l’observation d’un modèle adapté » (Carré, 2004, p. 26). L’attention dépendra des caractéristiques inhérentes au modèle, soit « ses qualités visuelles, d’attractivité, d’originalité, etc. ainsi que sa valeur affective, fonctionnelle ou sociale, et sa proximité » (Ibid.). Par ailleurs, l’attention dépendra également des caractéristiques inhérentes à l’observateur : « ses capacités perceptives, ses attentes et ses motivations » (Ibid.).

- La mémorisation qui s’applique selon « les fonctions de stockage (imagé ou verbal), par l’encodage symbolique, l’organisation cognitive du matériau à mémoriser et les processus de rappel » (Ibid.).

- La motivation sous forme « de renforcement direct ou vicariant, d’attentes de résultats ou de processus d’automotivation » (Ibid.).

Nous reviendrons sur ces différents composants par la suite lorsque nous aborderons à nouveau l’apprentissage vicariant.

6.1.2 L’utilisation des symboles

Pour Bandura (1977), les processus symboliques ont un rôle éminent. La capacité à utiliser les symboles fournirait aux individus un moyen puissant pour manipuler leur environnement. Grâce aux symboles verbaux et imaginaires, les individus analyseraient et préserveraient leur expérience sous forme représentationnelle qui servirait de guidance pour leur comportement futur. De plus les images d’états futurs et désirés serviraient de supports aux actions des individus qui prend ainsi leurs racines dans l’activité symbolique. Par cette théorie, « Bandura signe définitivement son appartenance au micromilieu des précurseurs de la psychologie cognitive » (Carré, 2004, p. 23).

6.1.3 Les processus autorégulateurs

La seconde dimension de la construction de la théorie sociale de Bandura (1977) est la notion d’autorégulation. Pour l’auteur, la notion d’autorégulation part de l’idée que les sujets sociaux ne sont pas uniquement de bons apprenants et des imitateurs actifs. Ils sont également des agents autodirigés, capables de participer à la motivation, à la guidance et à la régulation de leurs actions. C’est pourquoi au travers de ses travaux, Bandura (1977) étudie les mécanismes d’autorégulation à travers une série de fonctions psychologiques orientées vers le changement autodirigé (Carré, 2004).

L’auto-observation et l’évaluation des résultats en regard de standards de réussite, la comparaison cognitive et la correction des lignes d’action, constituent les mécanismes d’autorégulation qui permettent aux personnes d’intervenir sur leur motivation, la pensée et l’action (Ibid.).

Dans ses recherches portant sur des patients phobiques, Bandura (1977) a mis en place un programme de maîtrise guidé basé sur la réussite d’expériences de maîtrise de situations redoutées. Ce programme autodirigé est régulé par un accompagnement soignant via une pondération progressive des situations phobiques difficiles à gérer (Carré, 2004). Les expériences menées à partir du modelage et de la prise en compte des standards de réussite ont abouti à des résultats très positifs. Ceux-ci révèlent que l’expérience de “ maîtrise autodirigée appliquée ” a trois fonctions : « elle permet d’installer chez le patient une conception durable de sa capacité à faire face à l’objet phobique, elle renforce et généralise ses capacités de coping , elle permet de construire la résilience face aux expériences négatives » (Ibid., p. 28).

Quand on appréhende la théorie sociale de Bandura (1977), on s’aperçoit que celle-ci se fonde sur la compréhension des ajustements cognitifs, conatifs et affectifs de la personne. Ce sont ces derniers, qui permettent à celle-ci, la mise en œuvre de stratégies d’apprentissage afin d’adopter des comportements appropriés à la situation visée.

Nous allons maintenant aborder la théorie sociocognitive explicitée par Bandura.