Les résultats du chapitre 2 et de la section 4.3 permettent d’énoncer des théorèmes de
re-nouvellement pour des fonctionnelles additives associées à une chaîne de Markov fortement
ergodique. C’est l’objet de cette section, où l’on retrouve les résultats de [34, 4] (voir aussi
[14, 41]). Dans cette section, on conserve les données et notations précédentes, à savoir :
(Xn)n≥0 est une chaîne de Markov d’espace d’états (E,E) quelconque, de probabilité de
tran-sition Q(x, dy), de probabilité Q-invariante π, et enfin de loi initiale µ. On considère une
fonction ξ = (ξ1, . . . , ξd) de E dans Rd, de coordonnées π-intégrables sur E, et la
fonction-nelle additive associée Sn = Pn
k=1ξ(Xk). Enfin on dit que ξ est π-centrée (ou simplement
centrée) si π(ξi) = 0 pour i= 1, . . . , d. On dit que ξ est non-centrée dans le cas contraire.
4.4.1 Moyenne et variance asymptotique associé à (Sn)n
Nous allons ici appliquer la proposition 2.1 du chapitre 2. D’après la proposition 4.7, sous
l’hypothèse Ud(m), l’hypothèse Rd(m)(i) du chapitre 2 est satisfaite pour toute probabilité
initialeµtelle que µ∈ B0 et pour toutf ∈ B positive.
En particulier, puisquef = 1E ∈ B, on a
IEµeiht,S
ni
=λ(t)nL(t) +Rn(t), (4.34)
où λ(·), L(·) et Rn(t) sont des fonctions de Cmb B(0, R),C
(pour un certain réel R > 0).
Rappelons que λ(0) = 1, et que λ(t) est la valeur propre dominante de Q(t) (donc λ(t) ne
dépend pas de µ, contrairement à L(t) et Rn(t)). Il n’est pas nécessaire ici de rappeler les
définitions précises des fonctions L(·) et Rn(·) associées à f = 1E et µ (obtenues dans la
preuve de la proposition 4.7). Observons uniquement que L(0) = π(1E) = 1, et que nous
avons supn≥1|R(n`)(0)|<+∞ pour`= 0, . . . ,bmc(cf. Remarque 4.2).
Explicitons tout d’abord le vecteur moyenm~ associé à la fonctionnelle additive (Sn)n :
Proposition 4.12. Supposons que l’hypothèseUd(1)soit vérifiée. Alors, pour toute probabilité
initiale µ vérifiantµ∈ B0 et ∀n∈N∗, IEµ[kSnk]<+∞, on a :
~
m:=−i(∇λ)(0) = lim
n
1
nIEµ[Sn] =π(ξ) = (π(ξ1). . . π(ξd)).
Démonstration. La proposition 2.1 du chapitre 2 donne la première égalité. En considérant le
cas particulier µ=π, ce qui est possible puisque π∈ B0, et en utilisant le fait que
IEπ[Sn] =
n
X
k=1
IEπ[ξ(Xk)] =
n
X
k=1
IEπ[(Qkξ)(X0)] =
n
X
k=1
π(Qkξ) =nπ(ξ),
on déduit la seconde égalité.
Proposition 4.13. [Matrice de covariance asymptotique Σ dans le cas centré.]
Supposons que l’hypothèse Ud(2) soit satisfaite, et que ξ soit π-centrée, i.e. m~ = π(ξ) = 0.
Alors, pour toute probabilité initiale µvérifiant µ∈ B0 et ∀n∈N∗, IEµ[kSnk2]<+∞, on a :
Σ :=−(Hess λ)(0) = lim
n
1
nIEµ[S
∗
nSn]. (4.35)
Cette limite est indépendante deµ, et Σest une matrice symétrique positive.
Démonstration. Notons que, d’après la proposition 4.12,(∇λ)(0) = 0 car π(ξ) = 0. La
pro-position 2.1 du chapitre 2 donne donc le résultat souhaité.
Dans le cas décentré m~ := π(ξ) 6= 0, la matrice symétrique Σ := −(Hess λ)(0) est définie
sous l’hypothèse Ud(2), mais l’assertion(ii) de la proposition 2.1 du chapitre 2 ne s’applique
pas puisque (∇λ)(0) 6= 0. Par recentrage, nous allons cependant pouvoir écrire une formule
analogue à celle de la proposition 4.13.
Proposition 4.14. [Matrice de covariance asymptotique Σ dans le cas décentré.]
Supposons que l’hypothèse Ud(2) soit satisfaite, et que ξ soit décentrée, i.e. m~ = π(ξ) 6= 0.
Alors, pour toute probabilité initiale µvérifiant µ∈ B0 et ∀n∈N∗, IEµ[kSnk2]<+∞, on a :
Σ := −(Hess λ)(0) = m~∗·m~ + lim
n
1
nIEµ
(Sn−n ~m)∗(Sn−n ~m)
, (4.36)
où m~ est identifié ci-dessus à la matrice ligne (π(ξ1). . . π(ξd)). La limite précédente est
indé-pendante de µ, etΣ est une matrice symétrique positive.
Démonstration. Posonsξc:=ξ−m~ etSn,c:=Pn
k=1ξc(Xk) =Sn−n ~m. Notonsλc(·) la
fonc-tion de la formule (4.34) relative àSn,c. Autrement dit, λc(t) est la valeur propre dominante
de l’opérateur de Fourier Qξ
c(t) associé àξc. D’après la proposition 4.12 (appliqués avec ξc),
on a(∇λc)(0) = 0, et d’après la proposition 4.13, on a :
Σc :=−(Hess λc)(0) = lim
n
1
nIEµ[S
∗
n,cSn,c].
Maintenant le nombreλ(t) dans la formule (4.34), relative cette fois àSn, est la valeur propre
dominante de l’opérateur de Fourier Qξ(t) associé à ξ. Comme on a Qξ(t) =eiht, ~miQξ
c(t), il
vient queλ(t) =eiht, ~miλc(t), d’où pour tout (j, l)∈ {1, . . . , d}2 :
(∂jl2λ)(0) =−mkml+ (∂jl2λc)(0).
On en déduit que−(Hess λ)(0) =m~∗·m~−(Hess λc)(0), ce qui fournit le résultat souhaité.
Remarque 4.5. [A propos des conditions IEµ[kSnk]<+∞ et IEµ[kSnk2]<+∞.]
Supposons queQopère sur B. Si kξk ∈ B etµ∈ B0, alors, pour tout n≥1, IEµ[kSnk]<+∞.
En effet, comme Qkkξk ∈ B pour toutk≥1, on a
IEµ[kSnk]≤
n
X
k=1
IEµ[kξ(Xk)k] =
n
X
k=1
µ(Qkkξk)<+∞.
De même, on peut montrer que, si kξk2 ∈ B, alors on a
IEµ[kSnk2]≤n
n
X
k=1
µ(Qkkξk2)<+∞.
Remarque 4.6. Dans tous les exemples de la section 4.5, les conditions ξ non-arithmétique
ou non-lattice impliquent que la matrice Σ des propositions 4.13-4.14 est automatiquement
définie positive (cf. [48, § 5]).
4.4.2 Théorèmes de renouvellement
Pour la commodité du lecteur, nous retranscrivons ci-dessous, dans notre cadre markovien, les
conclusions (attendues) des théorèmes de renouvellement que nous allons déduire ici (cf.
co-rollaire 4.2) du chapitre 2 et de la section 4.3. Les limites ci-dessous sont des limites au sens
de la convergence vague de mesures de Md (cf. définition 1.3). Sous réserve d’existence, on
note pourµ, probabilité initiale donnée, pour f :E →[0,+∞[fixée, et pour tout borélien B
de Rd :
Uf : B 7→Uf(B) :=
+∞
X
n=1
IEµ[f(Xn) 1B(Sn)].
Pour donner un sens aux potentielsUf(·), nous devons supposer que(Sn)nest transiente, ce qui
conduit, comme pour les suites de v.a.i.i.d., à considérer les trois cas ci-dessous. Pour l’étude
des propriétés de récurrence-transience des marches aléatoires markoviennes, nous renvoyons
à [3] pour le cas de la dimension d = 1, à [37] pour les chaînes transientes uniformément
ergodiques, à [33] pour les chaînes fortement ergodiques, et à [52, 50] pour le cas des chaînes
récurrentes au sens Harris.
Les conclusions (attendues) sont les suivantes (cf. corollaire 2.1 et les théorèmes 2.4 et 2.6 du
chapitre 2) :
- Cas décentré unidimensionnel d= 1 et π(ξ)>0 :
lim
a→−∞Uf(·+a) = 0 et lim
a→+∞Uf(·+a) = π(f)
π(ξ) L1(·) (4.37)
- Cas centré multidimensionnel d≥3 etm~ :=π(ξ) = 0 :
lim
kak→+∞hΣ−1a, ai
d−22Uf(·+a) =Cdπ(f)Ld(·) (4.38)
avec la matrice de covariance (asymptotique) Σ donnée par la proposition 4.13, et avec la
constante Cd= 2−1π−
d2(det Σ)−
12Γ d−22 , où Γ(·) désigne la fonction Gamma d’Euler.
- Cas décentré multidimensionneld≥2 et m~ :=π(ξ)6= 0 :
Soit a : R+ → Rd une fonction mesurable telle que Λ := limτ→+∞a(τ√)−ττ ~m ∈ Rd. Notant,
pour tout A∈ B(Rd) :
Rτ(A) := (2πτ)
d−21+∞
X
n=1
IEµf(Xn) 1A(Sn−a(τ)),
la conclusion (attendue) est
lim
τ→+∞Rτ(·) =CLd(·) (4.39)
avec la matrice de covariance (asymptotique) Σ donnée par la proposition 4.14, et avec la
constante
C:=C(m,~ Σ,Λ) := π(f)(det Σ)
−
12kΣ−
12m~k exp
−kΣ
−
12m~k2kΣ−
12Λk2− hΣ−
12m,~ Σ−
12Λi2
2kΣ−
12m~k2
.
Dans le corollaire ci-dessous, on considèreε >0quelconque et :
• sid= 1, on pose m1 = 1 et on suppose π(ξ)>0,
• sid= 2, on pose m2 = 2 et on suppose ξ non-centrée,
• sid≥3, on pose
– md= max(d−2,2)si ξ est centrée,
– md= max(d−12 ,2)si ξ est non-centrée.
Les hypothèsesUd(md+ε)(page 94) et de non-arithméticité spectrale (NA) (page 96), utilisées
dans l’énoncé ci-dessous, portent sur l’action de Qet des opérateurs de FourierQ(t).
Corollaire 4.2. [Théorèmes de renouvellement markoviens.]
On suppose que les hypothèsesUd(md+ε)et (NA) sont satisfaites, puis que, pour toutn≥1,
IEµ[kSnk]<+∞. Lorsque d≥2, on suppose en outre que les deux conditions suivantes sont
vérifiées :
(i) ∀n≥1, IEµ[kSnk2]<+∞,
(ii) La matrice de covariance Σ est définie positive.
Alors, pour toute probabilité initiale µtelle que µ∈ B0 et pour tout f ∈ B, positive, telle que
π(f)6= 0, on a (4.37) ou (4.38) ou (4.39) (selon la dimension et la condition de centrage).
Ce corollaire est une conséquence directe des résultats du chapitre 2 (cf. corollaire 2.1 et les
théorèmes 2.4 et 2.6) et des propositions 4.7 et 4.9.
Le terme principal dans la preuve des théorèmes de renouvellement du chapitre 2 est lié à
l’expression λ1−(t)λL((tt)). Le nombre complexeL(t)(cf. (4.27)) dépend ici de la probabilité initiale
µet de la fonctionf. Cependant, d’une partµn’intervient pas dans la limite des conclusions
(4.37) (4.38) (4.39), d’autre part f intervient uniquement par le termeπ(f). Ceci découle de
la propriété limt→0µ(Π(t)f) =µ(Π(f)) =π(f).
Rappelons que l’hypothèse de non-arithméticité spectrale (NA) peut être réduite, sous des
conditions assez générales, à des hypothèses plus classiques de non-arithméticité ou non-lattice
(cf. proposition 4.10). Le corollaire 4.2 sera étendu au cas lattice dans la section 4.6.
Dans le document
Théorèmes de renouvellement pour des fonctionnelles additives associées à des chaînes de Markov fortement ergodiques
(Page 106-109)