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réalité empirique et parcours théorique

5 F 27 Doctorante Facebook, Viadeo, Twitter, Myspace

1.2.2.1. Thème 1 : Partager, c’est donner

Nos répondants ont exprimé presque unanimement (80%) leur volonté d’être sur les réseaux sociaux pour partager tous types de contenus (textes, vidéos, photos, sons, etc.). Pour certains d’entre eux, ce serait la fonctionnalité de base de ces outils, celle qui fait qu’ils y soient et qu’ils y restent (tableau 30).

On y est quand même surtout pour partager, pour échanger,

pour discuter avec les autres donc ça c’est quand même l’époque du partage, de l’échange, c’est même : le pouvoir appartient à ceux qui partagent l’information !

(H., 35 ans, cadre)

C’est une manière pour moi de partager presque le plaisir que j’ai d’écouter un truc ou de regarder un film…je vais avoir presque

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besoin de crier au monde qu’en ce moment, j’adore cette musique ou j’adore ce film. (F., 28 ans, artiste)

Pour moi, Facebook, c’est vraiment une télé partagée, c’est surtout la publication ! J’ai quand même le sentiment qu’on envoie sur la toile un signal, quelque chose

qui fait bouger le fil et que de l’autre côté, il y a peut-être

quelqu’un qui va en avoir l’écho d’une façon ou d’une autre. (F., 28 ans, artiste) J’ai le sentiment qu’on envoie des signaux…

J’évoque mon travail personnel ou mes découvertes qui m’ont touchée ou celles qui m’ont fait beaucoup rire.

Je me moque de certaines choses donc je les partage des fois (F., 29 ans, artiste) Certains considèrent que celui qui ne donne pas sur les réseaux sociaux, ne doit pas s’attendre à recevoir : une confirmation ultérieure de la logique du don contre-don.

Il y a des gens qui sont creux, qui ne disent rien et bien,

ça ne dira rien en retour… Ça m’est arrivé de tester de ne rien dire et en effet, ça ne dira rien en échange. (F., 29 ans, artiste)

Les réseaux sociaux favorisant le partage de toutes sortes de contenus informationnels accessibles via le web, nous ne pouvons parler de don personnel vu que les utilisateurs ne se dévoilent pas. Mais à partir du moment où le don est personnel (publication d’un statut personnel ou de photos), ces derniers ont tendance à faire attention et à filtrer leurs listes de contacts afin que l’information soit accessible uniquement aux personnes voulues. Or il ne s’agit véritablement de don personnel que lorsque le donateur fait preuve d’une certaine confiance. La différence entre ces deux types de comportements se révèle nettement dans les propos de nos répondants qui expriment une plus grande anxiété vis-à-vis du second.

J’ai ouvert un autre compte sous un autre nom, il n’y a que

les gens que je connais bien qui ont accès à ce compte-là donc sur ce compte-là, il n’y a pas de censure. C’est vraiment chez moi ! (F., 29 ans, artiste) Mais sur mon compte public, je fais très attention à ce qu’il n’y ait pas de photos d’ordre privé. Je n’ai pas envie que l’on sache avec qui je fais quoi, où…

Moi, c’est ma vraie vie donc je trouve ça un peu malsain… Je n’ai pas du tout envie de donner ça en pâture.

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Je n’ai pas envie de donner ma vie en pâture à des gens qui en ont une autre dimension que mes amis. (F., 29 ans, artiste) J’ai déjà commenté mais généralement, je ne commente que

les personnes assez proches que je vois tous les jours… pour montrer que je m’intéresse à elles. (F., 27 ans, cadre)

Je publie de temps en temps et j’interagis avec les personnes qui commentent. [Je commente très rarement par]… peur qu’un de mes contacts me juge…

c’est la peur du jugement ! (F, 26 ans, doctorante)

J’ai l’impression de faire partager mon quotidien, mon état d’esprit. Cela m’arrive d’écrire des trucs et le sentiment, c’est quand même d’avoir

une volonté de partager qui je suis. (F., 29 ans, artiste)

Le tableau 30 regroupe quelques uns des verbatims que nous avons assimilés au don sur les réseaux sociaux numériques.

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Tableau 30. Verbatims sur le don

Sources Verbatims

1 J’ai quand même le sentiment qu’on envoie sur la toile un signal, quelque chose qui fait bouger le fil et que de l’autre côté, il y a peut-être quelqu’un qui va en avoir l’écho d’une façon ou d’une autre.

J’ai le sentiment qu’on envoie des signaux…

Ça m’est arrivé de tester de ne rien dire et en effet, ça ne dira rien en échange

2 J’ai mis des photos et j’ai mis que j’étais au Pérou donc il y a des gens qui ont réagi par rapport à ça. … Papoter avec les gens…

Parce que quand on met une photo, implicitement, on demande l’avis aux gens.

3 J’ai ouvert un autre compte sous un autre nom, il n y a que les gens que je connais bien qui ont accès à ce compte-là donc sur ce compte-là, il n y a pas de censure. C’est vraiment chez moi !

Mais sur mon compte public, je fais très attention à ce qu’il n’y ait pas de photos d’ordre privé. Je n’ai pas envie que l’on sache avec qui je fais quoi, où…

Moi, c’est ma vraie vie donc je trouve ça un peu malsain…je n’ai pas du tout envie de donner ça en pâture. Je n’ai pas envie de donner ma vie en pâture à des gens qui en ont une autre dimension que mes amis.

Sur ma page personnelle, je sais que ce sont des gens qui me connaissent vraiment, je me permets d’être…De faire un peu d’humour. 4 Avant, c’était vraiment pour parler de mes amis et partager des photos.

On n’appelle plus ses amis pour l’anniversaire, on se souhaite joyeux Noel. Ça devient automatique et il n y a plus aucune valeur. 5 Je ne suis pas assez rattachée à ces personnes pour communiquer avec elle sur Facebook.

J’ai déjà commenté mais généralement, je ne commente que les personnes assez proches que je vois tous les jours…pour montrer que je m’intéresse à elles.

6 On y est quand même surtout pour partager, pour échanger, pour discuter avec les autres donc ça, c’est quand même l’époque du partage, de l’échange, c’est même : le pouvoir appartient à ceux qui partagent l’information !

7 Il y a plusieurs profils dans nos contacts et ces gens-là n’ont pas forcément le besoin de savoir tout ça ni moi le besoin de leur faire connaître ça.

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Plus on est proches et plus on va avoir accès à un plus grand nombre d’informations avec photos, etc.

Je partage de temps en temps des coups de cœurs, c’est-à-dire que ce soit au niveau musical ou autre mais je reste très méfiante quant à la portée de ce que je mets, je ne veux pas tout publier…

Je publie de temps en temps et j’interagis avec les personnes qui commentent. La peur qu’un de mes contacts me juge…c’est la peur du jugement !

Je me permets de faire ça (commenter des contenus partagés par des amis) parce que je pars de l’idée que cette personne est dans ma liste de contacts donc je suis autorisée à …

8 J’ai l’impression de faire partager mon quotidien, mon état d’esprit.

J’évoque mon travail personnel ou mes découvertes qui m’ont touchée ou celles qui m’ont fait beaucoup rire. Je me moque de certaines choses donc je les partage des fois…

Cela m’arrive d’écrire des trucs et le sentiment c’est quand même d’avoir une volonté de partager qui je suis. Je ne réponds pas forcément parce que je réponds quand je le sens. C’est mon luxe à moi.

169 1.2.2.2. Thème 2 : Recevoir fait partie du jeu

Par définition, le don est différent du contrat, car quand on donne, on prend le risque de ne rien recevoir en retour. Dans le cadre des réseaux sociaux, on peut recevoir de la communauté à partir du moment où on est en lien avec elle, néanmoins le retour spontané et l’entrée en discussion avec les membres du réseau ne sont possibles que lorsqu’on rentre dans une logique du don-contre-don. Les individus perçoivent les messages qu’ils reçoivent sur le site de réseautage comme des petits cadeaux qui touchent et qui ont un impact sur les liens avec ceux qui les déposent (tableau n° 31).

Oui, cela a un impact sur les liens avec les gens parce que moi,

je suis sensible à la fidélité… Ce lien tissé qui semble être virtuel est vraiment là… La toile est vraiment là. (F., 29 ans, artiste)

Bien que les individus n’expriment pas clairement une certaine attente de recevoir, ils s’y attendent puisque certains de nos répondants disent être en attente de réactions et de commentaires de leurs contacts quand ils publient des contenus sur leurs pages.

Bien sûr qu’on attend des retours quand on partage quelque chose sur sa page. (F., 29 ans, artiste)

Ça me fait plaisir quand les gens commentent les photos.

C’est sûr qu’au fond de moi-même, je m’y attends toujours et quand ça arrive, ça me fait plaisir quel que soit le commentaire.

(F., 26 ans, doctorante)

Ici, nous retrouvons la notion du don contre-don dans la mesure où les individus expriment un plaisir et un bonheur à recevoir même si cela n’est pas obligatoire vu qu’un tel engagement n’est pas défini d’avance.

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Tableau 31. Verbatims sur le contre-don

Sources Verbatims

1 Il y a des gens qui sont creux, qui sonnent creux, qui ne disent rien et bien ça ne dira rien en retour. Ce n’est qu’un écho, en fait. Ce n’est qu’un écho de ce qu’on dit.

2 Des personnes que je connaissais peut-être mais qui peuvent m’aider pour telle… qui font partie de mon réseau de connaissances maintenant à cause d’un besoin que j’ai que ce soit au niveau professionnel ou autre.

3 Regarder ce qui a été posté, ce qui a été dit

Savoir ce qui se passe autour de moi… ça me permet aussi de voir chacun… de me rapprocher des gens

J’ai de amies qui mettent tous les jours, voire toutes les heures ce qu’elles font dans leurs vies. Ce n’est pas forcément intéressant, mais mine de rein, ça te permet de mieux connaître la personne et de te sentir beaucoup plus proche de cette personne.

Sur Facebook, je peux suivre ta vie quotidienne, je peux vivre avec toi. Par contre dans la vie réelle, on peut être des amis mais ne pas partager forcément tout ce qu’on partage sur Facebook.

4 Ça me fait plaisir quand les gens commentent les photos. C’est sûr qu’au fond de moi-même je m’y attends toujours et quand ça arrive, ça me fait plaisir quel que soit le commentaire.

7 Je vais faire ma veille en suivant les principaux comptes RH intéressants donc tous les experts même tous ce qui est RH un peu pointu RH 2.0, recrutement en ligne, utilisateurs de réseaux sociaux… ça fait partie des personnes qui me permettent d’être toujours à l’affût de la meilleure information en temps réel évidemment.

8 Je vis ça comme un jeu, dans le sens… ce que je trouve ludique, c’est que c’est instantané. Les retours peuvent être instantanés et on peut ouvrir un dialogue.

Bien sûr qu’on attend des retours quand on partage quelque chose sur sa page.

Non, je ne me limite pas… Je le fais quand ça fait écho en moi mais c’est des amis proches. Je réagis aux postes d’amis proches. Sur mes 4900 amis, je connais 200 contacts. C’est sur les publications de ces contacts que je réagis.

C’est des petits cadeaux, je trouve que c’est des mots d’encouragements et cela me touche.

Tout à fait parce que moi je suis sensible à la fidélité et dans le temps, il y a des personnes qui restent fidèles et qui envoient des messages de soutien. Ce lien tissé qui semble être un peu virtuel mais qui est vraiment là… La toile est vraiment là…

171 1.2.2.3. Thème 3 : La finalité, c’est le lien !

La notion de lien est primordiale dans la théorie du don contre-don puisque le don est effectué en vue de créer ou de maintenir un lien social, ce lien d’ailleurs présent dans les différentes définitions que nos répondants donnent des réseaux sociaux et dont l’importance est manifeste dans l’analyse de nos données. Les personnes que nous avons questionnées utilisent toutes les réseaux sociaux primordialement pour maintenir ou créer des liens sociaux quoique certaines privilégient d’autres motivations comme la curiosité et la veille informationnelle (tableau n°32).

Savoir ce qui se passe autour de moi… Ça permet de rapprocher les gens… Ça te permet de mieux connaître la personne et de te sentir beaucoup plus proche

de cette personne… Par contre dans la vie réelle, on peut être amies mais ne pas forcément partager tout ce qu’on partage sur Facebook… Une plate-forme qui va aider beaucoup de personnes à se retrouver à toute heure

et quel que soit le lieu ; c’est un site Internet dans lequel

on regroupe plusieurs personnes qui se connaissent ou qui ne se connaissent pas… pour communiquer entre eux.

Un réseau social est une plate-forme qui relie plusieurs individus et cela de façon… au niveau international. (F., 26 ans, doctorante)

Les réseaux sociaux sont des plates-formes en ligne… une matérialisation des contacts qui existent dans la vraie vie.

(H., 35 ans, cadre).

Nous indiquons à ce niveau que nous avons effectué un double codage de quatre entretiens, ce qui correspond à plus de 20% de l’ensemble des interviews réalisés. Ceci nous a permis d’atteindre un taux de cohérence du codage égal à 85%, sachant que ce taux a été calculé suivant les recommandations de Miles et Huberman (2003), c'est-à-dire en divisant le nombre des codes correctement codés par l’ensemble des codes. Il est à préciser que nous avons consigné à la personne qui s’est chargée du double codage les quatre entretiens dans leur totalité ainsi que les codes préalablement définis sur la base de notre grille de lecture.

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Tableau 32. Verbatims sur le lien social

Sources Verbatims

1 Ça m’a permis de retrouver des contacts que j’avais perdus. Ça commençait avec un message sur Facebook et puis souvent on s’est fait des dîners ou on s’est pris des verres avec d’anciens amis.

2 Outil de communication qui permet de réunir des personnes… ou alors qu’on ne voit plus depuis très longtemps donc qu’on retrouve… donc cela permet de recréer un lien, d’avoir un lien et de créer un lien.

3 Un réseau social est une plate-forme qui relie plusieurs individus et cela de façon… au niveau international. 4 Il y a des gens derrière l’écran et on se rencontre vraiment.

5 Dans la vie, on est amis, on doit forcément l’être sur Facebook sinon il y aurait quelque chose qui ne va pas.

Les relations sont capables de tellement se renforcer sur Facebook qu’elles sont presque semblables aux relations fortes de la vie.

Elles sont encore beaucoup plus fortes puisque sur Facebook, je peux suivre ta vie au quotidien.

6 Les réseaux sociaux… on parle de réseaux virtuels alors qu’ils n’ont rien de virtuel… Cela m’a permis de rencontrer des gens plus vite et rencontrer les bonnes personnes, identifier les bons interlocuteurs et directement toucher les professionnels experts dans leurs domaines… du coup, il y a moins de « déchets ».

… Et finalement, de transformer, de matérialiser concrètement dans la vie réelle une rencontre qui a été initiée en ligne, c’est une richesse extraordinaire.

173 1.3. Résultats de l’étude qualitative

Dans le cadre des réseaux sociaux, la notion de partage est très proche de la notion de don, car elle répond aux mêmes logiques (Skagefy, 2008 ; Casilli, 2010). Elle tend à créer et à maintenir le lien entre individus. « Donner une information de valeur, du soutien moral dans une circonstance difficile ou inviter au restaurant n’est pas en soi un don…mais ces dépenses correspondent aussi à la volonté de s’investir dans un élan : celui qui mène à l’autre. La notion d’investissement a alors bien plus à voir avec un investissement financier : on investit dans un projet financier et on investit dans une relation amoureuse. » (Alter, 2009, p.27). Le partage est spontané et point obligatoire puisque la relation n’est pas contractuelle. Ainsi, le don s’avère-t-il le facteur essentiel du fonctionnement des réseaux sociaux ? La figure 15 est une schématisation de cette dynamique de dons contre- dons dans le cadre des RSN.

Nous constatons qu’il est possible de classer les types de dons selon deux axes principaux :

- Le contenu du don qui différencie le don personnel du don informationnel. Le premier représente toute information (sous différents formats : texte, images, vidéos, sons, etc.) rattachée à la personne qui la dévoile sur le réseau social. En d’autres termes, toutes les informations que nous dévoilons sur nous-mêmes sont des dons personnels. A l’opposé, les dons dits informationnels sont des informations publiques disponibles sur Internet ou sur un autre support que nous partageons sur les sites de réseautage en ligne.

- L’étendue du don qui concerne la (ou les) personne(s) destinataire(s) du don.

Le don à la communauté lorsque l’individu partage avec elle différents contenus. L’un de nos répondants considère que le réseau social est une sorte « d’écho de ce qu’on dit » dans le sens que communiquer sur un réseau social, revient à envoyer un signal puis à en chercher l’écho. Cette conception est intéressante dans la mesure où elle colle parfaitement au fonctionnement des réseaux sociaux numériques puisque ces sites permettent de communiquer en one to one mais surtout en un mode plutôt one to many ; ainsi la communication et la diffusion de l’information auprès de plusieurs individus se font dans le cadre de cette idée de l’écho à retrouver au sein de la communauté. « La réciprocité ne se réalise donc pas entre A et B, mais entre A et N. Il s’agit d’une réciprocité que les anthropologues nomment « élargie » ou « généralisée ». On comprend alors mieux qu’on travaille au nom du lien, pas au nom du bien. » (Alter, 2009, p. 113).

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Figure 15. Dynamique de dons contre-dons dans le cadre des RSN

Donner

(1….N)

Recevoir

(2….N)

Rendre (3….N)

Lien social

Dons