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Les représentations des RSN : étude qualitative exploratoire

réalité empirique et parcours théorique

1. Les représentations des RSN : étude qualitative exploratoire

1.1. Démarche méthodologique

Pour comprendre les représentations et les comportements des individus vis-à-vis des réseaux sociaux numériques, il nous semble judicieux d’entamer cette recherche par une étude qualitative afin d’identifier les différents éléments utiles à la compréhension du phénomène étudié qui est la continuité d’utilisation de ces plates-formes de socialisation. Ce choix se justifie par différentes caractéristiques de la démarche qualitative :

 elle est très riche dans la mesure où elle se base sur des données qualitatives collectées directement du terrain et donc ayant un lien étroit avec la réalité et le contexte social dans lequel se produit le phénomène (Miles et Huberman, 2003) ;

 l’autre spécificité des données qualitatives est le fait qu’elles sont très liées à un contexte ou à un cadre particulier, contrairement aux données issues d’enquêtes postales ou téléphoniques ;

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 la démarche qualitative est flexible, car le chercheur peut changer aussi bien l’outil de collecte de données que la méthode d’analyse de données en cours de route (Miles et Huberman, op.cit.), ce qui n’est pas possible dans une démarche quantitative.

Il existe plusieurs types d’études qualitatives (étude de cas, méthode comparative, recherche-action, méthode expérimentale, etc.) ce qui implique que le choix d’une méthode spécifique dépendra de l’objectif de la recherche et de l’objet étudié. En l’occurrence, nous examinerons la manière dont les individus perçoivent les réseaux sociaux numériques, leurs façons de s’en servir et jusqu’à leurs intentions de continuer à le faire dans le futur.

Pour répondre à ces interrogations, nous étudierons les réponses de nos interviewés afin d’explorer et de comprendre les représentations qu’ils se font de ces outils. Pour ce faire, nous opterons donc pour l’étude de cas à un niveau individuel.

1.1.1. L’entretien de recherche

Parmi les méthodes qualitatives présentées ci-dessus, nous privilégions l’étude de cas à travers l’entretien de recherche qui nous semble correspondre parfaitement à l’objectif de notre étude, à savoir identifier et comprendre les représentations que se font les individus des réseaux sociaux numériques. En effet, cette approche permet de « recueillir les traces des comportements, les interactions sociales et les perceptions par le discours des acteurs » (Roussel et Wacheux, 2005, p. 205). Néanmoins, en matière d’études qualitatives, nous pouvons choisir entre plusieurs types d’entretiens et ce, en fonction de nos objectifs ainsi que de l’objet de notre recherche.

Il existe quatre formes principales d’entretien :

- L’entretien non-directif : plus ouvert que le type semi-directif, il désigne des discussions libres et spontanées entre le chercheur et son répondant sur des thèmes définis au préalable. Il est surtout utilisé dans les recherches en psychologie et en socio psychologie.

- L’entretien directif : dans le cadre de ce type d’entretien, l’acteur n’est pas libre de s’exprimer, il est contrôlé par le chercheur qui lui pose des questions courtes et précises sur des faits, des perceptions ou des représentations.

- L’entretien semi-directif centré : ce type d’entretien est caractérisé par une plus grande autonomie offerte au répondant. Ce dernier répond librement à des questions bien précises sans échapper au contrôle du chercheur soucieux de

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recadrer la discussion en cas de besoin. Il s’agit de la méthode d’entretien la plus suivie dans les recherches en sciences de gestion (Romelaer, 2005).

- L’entretien de groupe : comme son nom l’indique, il se fait en groupe dans le cadre des recherches qui s’intéressent généralement aux interactions entre les individus ainsi qu’à l’émergence de perceptions et de représentations collectives.

Pour ce travail, nous avons opté pour l’entretien centré semi directif, car il nous permet d’offrir au répondant une certaine liberté dans la réponse mais également de contrôler ses réponses qui doivent correspondre aux questions du guide d’entretien préalablement établi. Cette méthode de collecte de données est choisie pour plusieurs raisons :

 Elle permet de recueillir des éléments d’analyse riches.

 Elle se caractérise par un dispositif souple et flexible qui peut être modifié au cours de la phase de collecte des données.

 Elle permet d’avoir les représentations et les interprétations que les acteurs attribuent au phénomène étudié (Quivy et Campenhoudt, 2006).

Cherchant à comprendre la post-adoption des réseaux sociaux numériques et avoir les plus riches données possibles, nous avons préféré les entretiens semi-directifs qui consentent de « recueillir les traces des comportements, les interactions sociales et les perceptions par le discours des acteurs » (Roussel et Wacheux, 2005, p. 205). Ils permettent au chercheur de cadrer les propos des personnes interviewées tout en accordant à ces dernières une certaine liberté puisque le support de collecte des données qui contient les thématiques à aborder au cours de l’entrevue, peut être complété - et donc enrichi - par d’autres questions au cours de l’entretien (Thiétart et coll., 2003, p.235).

1.1.2. Elaboration du guide d’entretien

Nous avons construit notre guide d’entretien autour de questions ouvertes qui laissent à nos répondants le loisir d’étayer leurs réponses, nous fournissant conséquemment des données riches et utiles pour notre questionnement. Il se base sur certains éléments de la littérature tout en restant exploratoire (annexe 3), ce qui nous permet d’adapter les questions aux réponses fournies par l’interviewé et de rebondir sur certains éléments que nous n’avons pas initialement prévus.

Dans le cadre de cette étude qualitative, nous portons une attention particulière aux représentations que se font les individus des réseaux sociaux numériques.

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D’après la définition de Moscovici (1998), une représentation sociale est une connaissance naïve que nous avons des événements de la vie courante. Pour Abric (1989), elle représente « le produit d’une activité mentale par laquelle un individu reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification particulière » alors que Bouder- Pailler et Gallen (2006) y voient ce qui précède l’attitude suivie à son tour par les intentions et les comportements. L’étude des représentations que se font les individus à propos des réseaux sociaux numériques serait alors intéressante pour comprendre le processus d’adoption de ces technologies ainsi que leurs usages.

Il est à noter que les représentations sociales ont plusieurs dimensions : la dimension cognitive, la dimension pratique et la dimension sociale. Ces dimensions nous aident à structurer notre guide d’entretien et nous amènent à proposer les axes de recherche qui nous ont servi pour élaborer notre guide d’entretien:

* La dimension cognitive concerne les connaissances qu’ont les individus des réseaux sociaux numériques (informations sur ces technologies, stéréotypes, sources d’informations, etc.). Elle comporte également les perceptions vis-à-vis de ces outils de communication (perception positive versus perception négative) * La dimension pratique s’intéresse à l’aspect pratique de l’utilisation des RSN. Elle

regroupe certains éléments tels que l’accessibilité aux sites de réseautage en ligne, la maîtrise perçue de ces outils, l’efficacité perçue, les différents usages, les fonctionnalités utilisées, etc.

* La dimension sociale trouve son origine dans la théorie de l’identité sociale soutenant qu’un individu choisit d’adopter un comportement spécifique pour se sentir membre d’un groupe social. Plusieurs travaux en SI ont effectivement démontré l’importance de cette variable dans l’adoption des technologies de l’information et de la communication, variable qui s’avère plus présente au niveau de l’adoption qu’elle ne l’est au niveau de la post-adoption. Or pour le cas que nous étudions, nous trouvons des variables telles que la masse critique, l’influence sociale, les interactions en ligne, etc. qui ont trait à cette dimension sociale.

Nous avons construit notre guide d’entretien en vue de répondre à plusieurs interrogations majeures :

- Connaissances des RSN : Quelle est votre définition des réseaux sociaux numériques ? Quels sont les RSN que vous utilisez ? Quels sont les apports et les inconvénients de l’utilisation de ces plates-formes de socialisation ?

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- Pratique et utilisation des RSN : Quelles sont les motivations qui vous amènent à utiliser les réseaux sociaux numériques ? Comment les utilisez-vous? Quelles sont les fonctionnalités dont vous vous servez?

- Influence sociale et impact des RSN sur les liens sociaux : Quel est le rôle de l’environnement social dans votre utilisation des RSN ? Comment avez-vous accédé à ces sites ? Quel est l’impact de leur utilisation sur les liens sociaux ? - Continuité d’utilisation des RSN : Avez-vous l’intention d’utiliser les réseaux

sociaux dans le futur ? Pourquoi ?

Cette recherche qualitative complète une première étude quantitative (voir chapitre 4 du présent document), essentiellement basée sur le modèle du PAM (Post-adoption Model) développé par Bhattacherjee (2001). Celle-ci nous a permis l’identification des facteurs explicatifs de la continuité d’utilisation des RSN, c’est-à-dire les variables clés qui jouent un rôle important dans leur phase de post-adoption. Toutefois, elle demeure limitée puisque les schémas ou modèles proposés par les recherches en SI avancent des représentations réductrices des phénomènes étudiés. Dans l’intention de remédier à cette lacune et compléter cette première étude empirique, l’étude qualitative s’avère donc impérative. Il nous faut donc bien saisir les représentations que les individus se font des RSN et la manière dont ils s’en servent pour cerner les facteurs explicatifs de la continuité d’utilisation de ces plates-formes de communication.

Le tableau 26 présente les différentes thématiques de notre guide d’entretien ainsi que les questions qui s’y rattachent. Ces dernières n’ont pas toujours été posées dans le même ordre étant donné que chaque entretien a été mené en fonction des réponses des interviewés. Certaines questions ont été rajoutées au cours de l’entretien. En effet les réponses données par certains de nos répondants nous ont amenée parfois à en poser d’autres pour mieux expliciter leurs dires.

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Tableau 26. Thématiques du guide d’entretien

Questions/Thématiques Intérêt des questions relatives à la thématique Définitions des réseaux

sociaux numériques

- Comprendre les représentations que les individus se font des réseaux sociaux numériques.

- Quelle est leur définition des RSN ? Que veut dire cela pour eux ? Pourquoi ?

Motivations - Identifier les motivations qui amènent les individus à se connecter sur les réseaux sociaux numériques.

- Comprendre leurs attentes vis-à-vis de ces plates-formes et de leurs attentes par rapport à ces sites

Usage des réseaux sociaux numériques

- Quels sont les différents usages que les individus font des réseaux sociaux ?

- Comment les individus utilisent-ils les réseaux sociaux ?

- Quel est l’impact de l’utilisation des réseaux sociaux sur les liens et les relations humaines (réel versus virtuel) ?

- Quelles sont les différentes fonctionnalités utilisées dans les RSN ? Pourquoi ?.

Avantages et inconvénients des

réseaux sociaux numériques

- Quels sont les avantages que les individus tirent de leur utilisation des réseaux sociaux ?

- Quels sont les différents inconvénients liés à l’utilisation des réseaux sociaux ? Comment les individus les gèrent-ils ?

- Quelle est leur position par rapport à la polémique autour des RSN et de la question de la vie privée ?

Utilisation future des réseaux sociaux

numériques

- Est-ce que les individus prévoient d’utiliser les réseaux sociaux dans le futur ?

- Pourquoi ?

- Comment perçoivent-ils une telle utilisation ?

o La première question vise à cerner les représentations que les individus se font des réseaux sociaux numériques et à mieux comprendre la définition qu’ils leur donnent avant de nous pencher sur les différents usages qu’ils en font. En effet la manière dont les personnes définissent les choses nous renseigne sur la façon dont elles les perçoivent, l’intérêt qu’elles en tirent et l’importance qu’elles représentent pour elles.

o La deuxième question sert à délimiter les motivations des individus qui utilisent les réseaux sociaux pour connaître l’intérêt qu’ils en tirent aussi bien au niveau personnel que professionnel.

o La troisième question permet de connaître les différents usages que les individus font des réseaux sociaux numériques et de répondre à certaines questions : 1- Comment ont-ils pris connaissance de l’existence de ces sites et comment y ont-ils adhéré ? 2- Comment s’en servent-ils ? 3- A quelle fréquence ? 4- Quelles sont les fonctionnalités qu’ils prisent ? 5- Pourquoi ? 6- Comment gèrent-ils leurs différents contacts sur ces sites ? 7- Comment

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gèrent-ils la panoplie d’outils ou de médias de communication dont ils disposent ?

o La quatrième question traite des avantages et des inconvénients inhérents à l’utilisation des RSN aussi bien dans un contexte personnel que professionnel. Les individus exposent également la manière dont ils gèrent les différents inconvénients relatifs à l’utilisation de ces plates-formes de socialisation en ligne. o La dernière question renseigne sur la manière dont les individus perçoivent leur

utilisation future des réseaux sociaux numériques. Comment la planifient-ils à long terme ? Pourquoi ? Quelles évolutions futures assignent-ils au phénomène des réseaux sociaux numériques ?

1.1.3. Choix des interlocuteurs

Le choix des personnes à interviewer est une étape cruciale dans la préparation d’une étude de recherche basée sur des entretiens qualitatifs. Le chercheur doit solliciter des interlocuteurs dont les réponses et les informations livrées peuvent l’éclaircir pour répondre à ses interrogations. Aussi, la diversification des profils interviewés doit-elle être prise en compte, car elle permettra de renforcer la validité des résultats obtenus (validité intra-groupe) outre le fait qu’elle mettra à disposition un échantillon le plus représentatif possible de la population étudiée. Nous avons commencé dans un premier temps par interroger des personnes faisant partie de notre propre réseau. Dans un deuxième temps, ces derniers nous ont orientée vers d’autres personnes à inclure dans notre enquête, ce qui nous a ainsi permis de disposer d’un échantillon bien varié avec des profils différents (sexe, âge, classe socioprofessionnelle, etc.). Notre échantillonnage est donc un échantillonnage par effet de boule de neige.

Tenant compte de notre intérêt majeur pour la post-adoption des réseaux sociaux numériques, nous avons choisi délibérément des utilisateurs des plates-formes grand- public; les RSN les plus prisés et les plus utilisés actuellement dans les contextes privé et professionnel. Notre intention initiale vise à mieux comprendre la post-adoption des RSN afin de présenter des propositions – et pourquoi pas des solutions - adéquates aux entreprises qui investissent dans ce genre de plates-formes, c’est-à-dire leur permettre d’en assurer la continuité d’utilisation profitant des différents avantages sans méconnaître les retombées escomptées, lors de la mise en place de ces outils. Il nous faut donc nous concentrer sur les réseaux sociaux numériques qui se taillent un vif succès public (contexte sociétal) pour proposer des recommandations à l’issue de cette phase d’investigation. Nous adoptons cette conduite qui nous est logiquement dictée par le contexte actuel et clairement confirmée par

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les résultats de nos investigations suite aux déclarations de nos répondants. Un fait est incontestable : les frontières entre le privé et le public se sont amoindries à tel point que les gens recourent volontiers à ces plates-formes - dites grands publics - pour inscrire aussi bien leurs faits et leurs contacts personnels que professionnels (voir tableau 27). Un pareil constat nous a permis d’identifier trois types de profils d’utilisateurs.

- Les utilisateurs des RSN pour des raisons purement personnelles sont rares, car même dans le cas de Facebook (qui est plutôt à usage personnel) les individus communiquent à la fois avec leurs proches, leurs collègues ou leurs contacts professionnels, ce qui limite la séparation entre vie privée et vie professionnelle. - Les utilisateurs des RSN pour des raisons purement professionnelles, comme les

adeptes de Viadeo et LinkedIn, y sont pour bénéficier de visibilité et de nouvelles opportunités, pour faire de la veille informationnelle ou simplement pour communiquer au sujet de leur travail.

- Les utilisateurs des RSN pour des raisons personnelles et professionnelles constituent la majorité de notre échantillon. Certains différencient entre les deux types d’usage en intégrant des réseaux spécifiques à l’un ou à l’autre. D’autres, par contre, mélangent l’un et l’autre alors que la troisième catégorie choisit deux identités différentes (personnelle et professionnelle) sur le même site de réseautage en ligne.

Le nombre minimal d’entretiens à effectuer dans une démarche qualitative ne peut être prédéfini : il suffit de s’arrêter à la saturation sémantique. Le chercheur estime que les entretiens réalisés sont suffisants lorsqu’il constate qu’ils relatent les mêmes idées ; en augmenter le nombre n’apporterait aucune information supplémentaire par rapport à ce qui a été dit auparavant. Pour notre part, nous nous sommes contentée de dix-sept entretiens d’une durée moyenne de vingt-sept minutes, car nous avons atteint la saturation sémantique préconisée par Glaser et Strauss (1967). En réalité, ce seuil a été atteint déjà après le quinzième entretien ; nous y avons ajouté deux autres pour avoir une marge d’action. Nous avons essayé de diversifier notre échantillon surtout pour ce qui est des classes socio-professionnelles (CSP) et des tranches d’âge, car les utilisateurs des RSN restent quand même relativement jeunes, même si cette tendance incline à être de moins en moins prononcée (voir tableau 28). Il va sans dire que nous avons enregistré et retranscrit intégralement tous les entretiens en vue de l’analyse des données.

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Tableau 27. Profils d’utilisateurs des RSN Utilisation des réseaux sociaux numériques Détails Raisons personnelles Raisons personnelles et professionnelles Raisons professionnelles Description - Rester en contact

avec les amis et les membres de sa famille.

- Suivre l’actualité - Partager des centres d’intérêts avec d’autres utili- sateurs

- Maintenir le lien avec les amis et les membres de la famille.

- Suivre l’actualité

- Partager des centres d’inté- rêt avec d’autres internautes. - Faire de la veille

- Maintenir du contact avec les collègues ou les contacts professionnels

- Maintenir les contacts avec les collègues

- Se mettre en relation avec de nouvelles per- sonnes

- Etre visible(le profil est un C.V en ligne)

- Rester ouvert à de nouvelles opportunités - Promouvoir son travail Nos

répondants

Rares sont les personnes qui s’en servent uniquement pour des raisons personnelles.

C’est le cas de la grande majorité.

Certains créent deux comptes distincts :

o Un compte à usage privé

o Un compte à usage professionnel

Certains sont essentiel- lement présents sur des RSN professionnels (Viadeo et LinkedIn).

Tableau 28. Profils des interviewés

Sujets Sexe Age Fonction RSN utilisés Durée

(min.)

1 F 29 Artiste Facebook, Myspace 32

2 F 28 Artiste Facebook, Myspace 64

3 H 32 Comédien Facebook 11

4 H 29 Trader Facebook, Viadeo, LinkedIn 12