• Aucun résultat trouvé

Les textiles de la momie

Dans le document Un Osiris végétant sous la loupe (Page 139-200)

L’Osiris végétant acquis par le MAH en 2017 est une figurine rituelle de l’Égypte ancienne confectionnée lors de cérémonies en l’honneur du dieu Osiris. Il se compose d’un cercueil en bois mesurant 50,4 x 16,8 x 14,7 cm sur lequel est représentée une tête de faucon. À l’intérieur gît le simulacre de la momie d’Osiris muni d’un masque en cire peinte de 18,7 x 8 x 9 cm. En complément à l’étude publiée dans la revue Genava n°65, voici le huitième article d’une série relative aux traitements de conservation-restauration et aux études matérielles réalisés.

L’examen des textiles enveloppant le simulacre de la momie d’Osiris a mis en évidence la présence de trois différentes pièces de tissu. Deux sont des linceuls déposés sur la momie et la troisième est une bandelette de maintien disposée transversalement (Fig. 1).

Du lin imprégné

La nature des textiles est une fibre végétale, du lin, qu’une analyse FTIR a confirmé (Fig. 2, 3 et 4). Par souci de préservation des matériaux, des produits d’embaumement aux propriétés antiseptiques et hydrophobes imprègnent les textiles (Fig. 5). Identifiés par FTIR , les composés sont de la cire d’abeille et une poix de nature terpénique (Fig. 6).

Trois différents tissus

Bien que tous les textiles soient de même nature, des différences résident dans leur facture. On observe trois tailles de maille appartenant à trois pièces de tissu distinctes (Fig. 7, 8,9). L’épaisseur des fils peut varier selon la pièce de tissu et selon leur usage (fil de trame ou de chaîne).

Les dimensions ont été mesurées au moyen d’un compte-fil et les épaisseurs des fils au moyen du macroscope (tableau, Fig. 10 à 21).

Tableau comparatif des trois textiles d’après les mesures du nombre de fils au cm² et de leurs épaisseurs.

L’une des pièces de tissu (le second linceul) surprend par son extrême finesse, son maillage étant à peine visible à l’œil nu. Une telle étoffe peut être considérée comme un ouvrage haut de gamme.

Deux linceuls

Deux des trois pièces de tissus sont simplement déposées sur la figurine et repliées aux extrémités (Fig. 22). La première est la toile la plus grossière alors que la seconde, posée par-dessus, est la plus fine.

Les bandelettes

Le troisième tissu, dont le maillage est de grosseur moyenne, consiste quant à lui en une (ou peut-être plusieurs) bandelette d’enveloppement servant au maintien des linceuls. Il est disposé transversalement et apparaît sur le devant à 5 niveaux: sur les chevilles, sur les genoux, sur la poitrine, sur le cou et sur le visage (Fig. 23).

Fig. 1

La figurine emmaillotée avec des textiles imprégnés de produits d'embaumement. Image avant traitement.

Fig. 2

Des fibres de lin sont à la base de la fabrication des textiles. L'épaisseur d'une fibre au niveau d'un nœud est de 12 microns. Image MEB.

Fig. 3

Assemblées et mises en torsion, plusieurs fibres de lin forment un fil. Ce fil vu au microscope électronique à balayage provient du deuxième linceul (toile fine).

Fig. 4

Les fils de trame sont ici vus en coupe sur un échantillon de bandelette, vu au microscope électronique à balayage.

Fig. 5a et Fig. 5b

Ce test montre l'imperméabilité conférée aux textiles. En haut une goutte d'eau mise en contact avec le textile ne pénètre pas. En bas (ou à droite), une goutte d’acétone est rapidement absorbée.

Fig. 6

Détail de la surface de la momie. En haut, la couche blanche et pulvérulente de cire. En bas, la poix brun foncée est bien visible après le nettoyage des dépôts de cire superficiels. On voit ici, dans une lacune de textile qu'une couche de poix plus épaisse et plus dense se trouve à la base de l'enveloppement de la figurine.

Fig. 7

Fig. 8

Les trois différents tissus vus in situ, avant traitement. Dessous, la toile grossière, partiellement recouverte des cire blanche. Par-dessus, la toile très fine est extrêmement lacunaire et cassante. Enfin, la bandelette disposée transversalement.

Fig. 9

Fig. 10

Le premier linceul in situ, vu dans 1cm².

Fig. 11

Fig. 12

Bandelette transversale in situ, vue dans 1cm².

Fig. 13

Fig. 14

Le second linceul in situ, vu dans 1cm².

Fig. 15

Fig. 16

Fig. 17

Fig. 18

Fig. 19

Fig. 20

Fig. 21

Fig. 22

Fig. 23

Relevé de la disposition des textiles. En brun, le linceul le plus grossier, en bleu, le plus fin, et, en jaune, les bandelettes transversales.

L’Osiris végétant acquis par le MAH en 2017 est une figurine rituelle de l’Égypte ancienne confectionnée lors de cérémonies en l’honneur du dieu Osiris. Il se compose d’un cercueil en bois mesurant 50,4 x 16,8 x 14,7 cm sur lequel est représentée une tête de faucon. À l’intérieur gît le simulacre de la momie d’Osiris muni d’un masque en cire peinte de 18,7 x 8 x 9 cm. En complément à l’étude publiée dans la revue Genava n°65, voici le neuvième article d’une série relative aux traitements de conservation-restauration et aux études matérielles réalisés.

Les textes anciens décrivent les rituels en l’honneur d’Osiris et de sa résurrection, ainsi que la fabrication des Osiris végétants. La figurine était modelée à partir d’un mélange de sable et de graines d’orge germées, puis emmaillotée à l’image de la momie d’Osiris. On mentionne aussi l’utilisation de fibre de papyrus pour maintenir le modelage réalisé (Fig. 1).

Les images fournies par le scanner montrent un contenu hétéroclite. La diversité des densités mesurées ne permet pas d’identifier une matière en particulier. Celles de grande densité (en clair) tendent à se déposer vers le fond. Elles contiennent des petites zones de très faible densité s’apparentant à du vide (en foncé) (Fig. 2a à 2n).

Pour tenter une identification plus précise de ces matières internes, un sondage a été réalisé à l’emplacement d’une déchirure existante (Fig. 3). L’image du scanner permet de visualiser en coupe l’endroit choisi ainsi que l’emplacement des divers prélèvements (Fig. 4).

Les moyens d’analyse habituels (FRX, FTIR, EDX-MEB) ont été utilisés et des botanistes se sont penchés sur les prélèvements de végétaux pour en étudier la nature.

compacte de 4 mm de fibres (moelle) de papyrus (Fig. 5 à 8). En-dessous, une zone beaucoup plus aérée de 8 mm de profondeur contient un fragment de tige de papyrus (Cyperus papyrus) (Fig. 9 et 10). On y trouve ensuite des fibres végétales partiellement enduites de résine et de gomme (Fig. 11 à 14). À 1,7 cm sous la surface apparaît du sable mélangé à des fragments végétaux (Fig. 15a et 15b). On trouve des fragments de glumelles et d’épis appartenant à une céréale. La présence de deux nervures marquées sur les glumelles (Fig. 16) et l’aspect d’un fragment de base d’épillet (Fig. 17) indiquent qu’il s’agit probablement d’orge

(Hordeumvulagare) plutôt que de blé (Triticum).

Un liant servant à agglomérer le sable a été identifié par FTIR après extraction avec de l’eau: il s’agit de gomme d’acacia (Fig. 18). Le sable contient une faible quantité de particules minérales roses (Fig. 19). De très petites cristallisations de carbonate de calcium ont été observés sur les grains de quartz (Fig. 20a et 20b). Les

matériaux trouvés à l’intérieur de l’Osiris végétant concordent ainsi parfaitement avec la description livrée par les textes antiques.

Plusieurs interrogations surgissent, en revanche, de ce que l’on n’a pas trouvé: comment expliquer l’absence de fragment de racine, de graine ou d’arille? Par ailleurs, la présence de glumelles indique que la plante est arrivée au stade de la fructification. Or, il faut plusieurs mois de croissance pour que la céréale atteigne cet état, ce qui ne concorde pas avec les textes qui situent le modelage de la figurine quelques jours après la germination des

graines.

Dans l’attente de comparaisons venant de l’observation de figurines similaires quelques hypothèses peuvent être

proposées:

L’absence de racines pourrait indiquer que l’on a d’abord coupé les céréales avant de les mélanger à un sable autre que celui dans lequel les plantes ont germé. L’absence de graines peut être due au fait que ces dernières étaient déjà tombées ou prélevées de l’épi mûr lors de la fabrication de la figurine. Dans ces conditions, on peut imaginer que le modelage de la figurine aurait pu avoir lieu lors de la fête du mois de Khoiak de l’année suivante. Le fait que les rites liés à la confection des figurines pouvaient varier d’un lieu de culte à l’autre pourrait aussi expliquer les spécificités observées sur cet Osiris végétant.

Fig.1

Relevé d'une représentation de l'arrosage des céréales mises à germer dans le moule d'un Osiris végétant. Bas-relief, Temple d'Isis à Philae.

Fig. 2

Images prises au scanner montrant des coupes de la momie à intervalles réguliers. La première se situe au sommet de la tête et ne montre que du textile dans une coque qui est la partie arrière du masque de cire. Dès la seconde image apparaît une bande de tissu fortement imprégnée de poix (en clair) enveloppant la masse centrale. Suivent des images de la tête avec un remplissage de matière dense, en clair, et les amulettes déposées sur les côtés. Après l’image 02g qui marque le bas du masque de cire se trouve la poitrine, la partie la plus large de la figurine. Cette zone contient beaucoup de matière dense, en blanc, chargée d'éléments de faible densité visibles sous la forme de taches noires. Finalement, au niveau des pieds (image 02n), on ne trouve plus que l’enveloppement de textile. Sur l'image 02m, la couche située juste en dessous de la poix se voit particulièrement bien. Celle-ci est probablement une couche de fibres végétales. © MAH Genève, photo: HUG.

Fig. 3

L'emplacement du sondage est choisi sur la partie supérieure de la momie, à l'endroit d'une déchirure existante. Il sera caché par le masque en cire une fois ce dernier remis en place.

Fig. 4

Fig. 5

Cette vue du sondage in situ montre les trois premières couches trouvées sous la surface composée de textiles. D'abord, la couche compacte de fibres de papyrus (a). En-dessous, un fragment cassé de tige de papyrus situé dans une zone presque vide (b). Enfin, au fond, des fibres végétales mélangées à de la résine et de la gomme (c).

Fig. 6

Ce prélèvement provenant de la première couche sous de

l'enveloppement de textiles est constitué de fibres compactées de moelle de papyrus.

Fig. 7

Vue longitudinale d'un fragment de fibres de moelle de papyrus, prise au microscope

Fig. 8

Vue transversale d'un

fragment de fibres de moelle de papyrus, prise au

microscope électronique à balayage.

Fig. 9

Fig. 10

Fig. 11

Fig. 12

Fig. 13

Fibres végétales enduites de résine.

Fig. 14

Fig. 15a

Du sable mélangé à des fragments végétaux apparaît à 1,7 cm sous la surface. Image in situ.

Fig. 15b

Échantillon prélevé à 2 cm sous la surface. Cette couche profonde contient du sable mélangé à des fragments de céréales.

Fig. 16

Fig. 17

Fig. 18

Cette image prise au MEB montre qu’une gomme enduit les grains de sable.

Fig. 19

Riche en quartz incolore, ce sable comprend une petite proportion de particules roses. Les fragments foncés sont de la résine.

Fig. 20a

Fig. 20b

Les cristaux de calcite vus au microscope électronique à balayage.

L’Osiris végétant acquis par le MAH en 2017 est une figurine rituelle de l’Égypte ancienne confectionnée lors de cérémonies en l’honneur du dieu Osiris. Il se compose d’un cercueil en bois mesurant 50,4 x 16,8 x 14,7 cm sur lequel est représentée une tête de faucon. À l’intérieur gît le simulacre de la momie d’Osiris muni d’un masque en cire peinte de 18,7 x 8 x 9 cm. En complément à l’étude publiée dans la revue

Genava n°65, voici le dixième article d’une série relative aux traitements de conservation-restauration et aux études matérielles réalisés.

De chaque côté de la nuque de la momie factice se trouve une petite masse noire dont la forme évoque une figurine. En partie cachées sous la momie et recouvertes d’une épaisse matière noire, ces figurines sont difficile à distinguer (Fig. 1 et 2). Les égyptologues ont rapidement soupçonné la présence

d’amulettes, habituellement déposées dans le cercueil des Osiris végétants. Celles-ci représentent les fils d’Horus, qui sont au nombre de quatre (Fig. 3).

Or, l’Osiris végétant du MAH ne compte que deux amulettes. Ni les prises de vue radiographiques ni celles faites au CT-scan n’ont souligné la présence des deux autres statuettes (Fig. 4a et 4b).

Les observations et les analyses montrent que les amulettes ont été réalisées à partir d’une argile mélangée à de la gomme. Additionnée d’un peu d’eau pour dissoudre la gomme et obtenir la viscosité désirée, la pâte a été pressée dans les moules des deux moitiés de la figurine. Une fois les deux parties assemblées, les amulettes ont été déposées auprès de la momie et recouvertes d’un tissu de lin.

L’apport de l’imagerie scientifique

La reconstruction en trois dimensions des figurines par tomographie a permis d’en examiner les formes, les dimensions et la texture. La première, déposée du côté droit, a une apparence humaine et mesure 7,2 x 1,45 cm. La seconde, disposée à gauche de la momie, représente un animal et mesure 6,6 x 1,47 cm (Fig. 5).Il s’agit vraisemblablement d’un babouin, bien que son profil puisse aussi faire penser à celui d’un rapace et que les deux petites protubérances sur la tête puissent évoquer les oreilles d’un chacal. Si l’imprécision des détails de l’amulette animale ne permet pas une identification catégorique, sa position par rapport à la momie, en revanche, suggère qu’il s’agit plutôt du babouin comme l’explique KatiaNovoa.

Un élément étonnant, visible sur les deux statuettes, est un relief courant du cou aux cuisses.Cette bande verticale pourrait reproduire le «ruban» que les fils d’Horus tiennent habituellement dans les mains. L’aspect des amulettes montre des reliefs et des angles doux qui suggèrent un matériau mis en forme par moulage ou coulage. Une ligne de jonction est bien visible sur les flancs (Fig. 6). La moitié arrière et la moitié avant de la figurine ont été mises en forme dans deux moules distincts, pour être ensuite assemblées.

L’examen de la surface restituée par la tomographie a également permis d’observer la présence d’un textile déposé sur les amulettes (Fig. 7 à 11). On notera que la face posée contre le fond du cercueil n’est pas couverte par le tissu. Les amulettes ont d’abord été placées dans le cercueil et ensuite seulement recouvertes par la pièce de tissu.

La matière constitutive des amulettes

Un tout petit peu de matière a été prélevée de l’intérieur de la figurine gauche à l’aide d’une pointe

diamantée de 0,7 mm de diamètre (Fig. 12 et 13). Les images prises au microscope électronique à balayage de l’échantillon prélevé permettent d’observer des particules dont la structure en feuillets ressemble à celle des argiles (Fig. 14).

Cette interprétation est corroborée par les résultats d’analyse EDX (Fig. 15) montrant les éléments d’une terre (avec principalement de la silice et de l’aluminium) qui pourrait être la montmorillonite. De plus, une analyse FTIR a montré qu’une gomme a été ajoutée à l’argile.

Un rituel lié aux amulettes

Une couche noire, dure et brillante, recouvre les amulettes. La même matière forme une flaque au fond du cercueil et une coulure marque le côté droit du masque (Fig. 16, 17 et 18a). Elle indique qu’une substance a été versée sur les amulettes pour s’écouler ensuite vers le fond du cercueil. Aujourd’hui durcie, elle était liquide à l’origine et a été utilisée à froid. Si elle avait été chauffée, la coulure aurait fait fondre le masque de cire à son contact. Différentes analyses ont permis d’identifier la composition de la substance: le test de chauffage a situé la température de fusion entre 137°C et 156°C qui correspond à celle d’une résine. L’analyse FRX a détecté du soufre, élément pouvant indiquer la présence de bitume. Enfin le spectre FTIR a assimilé le matériau à une résine fossile (tel l’ambre) et indique la présence possible de bitume (Fig. 18b). Nous avons donc une résine additionnée de bitume, qui, avec le temps, s’est durcie (fossilisée). L’adjonction de bitume peut avoir servi à liquéfier ou à noircir la résine versée, la couleur noire revêtant une forte connotation symbolique liée à la renaissance.

L’état de conservation

Les amulettes comportent plusieurs fissures et cassures visibles sur les radiographies (Fig.19 à 23).

Présents sur toute la surface, mais plus importants au niveau des chevilles, ces dégâts peuvent être dus à un phénomène de retrait lors du séchage de la pâte et/ou consécutifs à un choc, peut-être le même choc qui a causé des fissures au niveau du masque de cire. Ces dommages ne présentent aujourd’hui aucun risque d’évolution, les amulettes se trouvant protégées dans leur enrobage de résine durcie.

Fig. 2

Fig. 3

Les quatre fils d'Horus sont ici représentés peints sur une stèle en bois.

Stèle de Meresimen. Inv. N4021, Bois peint, XXVe dynastie (vers 715-656 av. J.-C.), musée du Louvre.

Fig. 4a

Fig. 4b

Restitution par tomographie du simulacre de momie accompagné des amulettes.

Fig. 5

Fig. 6

Restitution par tomographie des amulettes vues de profil.

Fig. 7

Restitution par tomographie du textile recouvrant

Fig. 8

Restitution par tomographie du textile recouvrant

Fig. 9

Restitution par tomographie du textile recouvrant

Fig. 10

Restitution par tomographie du textile recouvrant

Dans le document Un Osiris végétant sous la loupe (Page 139-200)

Documents relatifs