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L’identification et la datation du bois du cercueil

Dans le document Un Osiris végétant sous la loupe (Page 23-51)

L’Osiris végétant acquis par le MAH en 2017 est une figurine rituelle de l’Égypte ancienne confectionnée lors de cérémonies en l’honneur du dieu Osiris. Il se compose d’un cercueil en bois mesurant 50,4 x 16,8 x 14,7 cm sur lequel est représentée une tête de faucon. À l’intérieur gît le simulacre de la momie d’Osiris muni d’un masque en cire peinte de 18,7 x 8 x 9 cm. En complément à l’étude publiée dans la revue Genava n°65, voici le troisième article d’une série relative aux traitements de conservation-restauration et aux études matérielles réalisés.

La méthode d’identification

L’essence d’un bois peut être déterminée par l’examen microscopique de son anatomie selon trois différents plans de coupe. Le plan transversal (CT), le plan longitudinal tangentiel (CLT) et le plan longitudinal radial (CLR) (Fig. 1) présentent des caractéristiques propres à chaque bois. On prélève un échantillon d’environ 0,5 mm2 (Fig. 2) que l’on enrobe d’une résine pour le consolider, puis que l’on coupe en très fines tranches. Ces coupes peuvent être ensuite examinées de différentes manières: au microscope avec un grossissement variable, allant habituellement de 5x à 400x, ou avec le microscope électronique à balayage (MEB), bien plus puissant.

L’éclairage joue un rôle important dans la mise en évidence de caractéristiques anatomiques différentes, selon qu’il provient d’une lumière réfléchie (reflétée) ou d’une lumière transmise (traversante). Dans ce dernier cas, les tranches du bois laissent partiellement passer la lumière et les détails anatomiques sont vus en transparence. On peut aussi déceler certains composés par coloration des coupes. Ici, nous avons utilisé la safranine qui colore en rouge les tissus lignifiés.

Le bois du cercueil, ancien, sec et dégradé, ne nous a pas permis de faire de très bonnes coupes. Elles avaient tendance à se désagréger sous la lame. Malgré cette difficulté, nous avons pu obtenir quelques fragments exploitables qui ont été examinés au microscope en lumière transmise (Fig. 4 et 7), tandis que l’étude des plans en lumière réfléchie s’est faite sur l’échantillon tel quel (Fig. 3 et 6). D’autres images à très fort grossissement ont été obtenues au microscope électronique à balayage (Fig. 6, 8 et 9).

Ces examens nous ont permis de réunir des observations sur toutes les caractéristiques nécessaires à

l’identification du bois, qu’une spécialiste en xylologie (étude du bois) a confirmé à partir des photographies: le Tamarix type aphylla (Fig. 10).

La datation du bois

En complément à une datation stylistique réalisée par deux égyptologues, Jean-Luc Chappaz et Katia Novoa, une datation par radiocarbone a été effectuée. Cette méthode s’applique aux objets en matière organique, comme le bois, qui contiennent du carbone à partir duquel la datation est réalisée.

Les matières organiques ne sont que rarement conservées dans les contextes archéologiques. En dehors de conditions climatiques exceptionnelles, leur décomposition est généralement très rapide. C’est le cas en Égypte où l’environnement extrêmement sec a permis à des milliers d’objets en bois, textiles et autres vanneries d’être conservés jusqu’à nos jours.

La méthode de datation au radiocarbone utilise les propriétés radioactives du carbone 14, un isotope de carbone qui se désintègre au fil du temps. Au moment de la mort des cellules, par exemple d’une plante, le carbone 14 absorbé par cet organisme cesse d’être renouvelé. Avec les années, la quantité de carbone 14 dans la plante diminue progressivement alors que celle du carbone 12 et du carbone 13, des éléments qui ne sont pas radioactifs, reste inchangée. En calculant le rapport entre la quantité de carbone 14 et celle de carbone 12 et 13 présents dans le matériau, on peut mesurer le temps écoulé depuis la mort de la plante.

Un échantillon de bois prélevé sous le socle du cercueil (Fig. 11), de même qu’un prélèvement de textile (Fig. 12) ont été envoyés à un laboratoire spécialisé de l’École polytechnique fédérale de Zurich. Les résultats obtenus pour les deux échantillons sont identiques. Leur datation est située avec une

probabilité de 95% dans une période allant de 371 à 339 av. J.-C. et de 328 à 204 av. J.-C., autrement dit au IVe et IIIe siècles av J.-C.

Fig. 1

Les caractéristiques anatomiques du bois de feuillus vus sur les trois plans de coupe (transversal,

longitudinal tangentiel et longitudinal radial). Source:

Fig. 2

La préparation de l'échantillon de bois placé dans un petit récipient où une résine d'enrobage sera coulée.

Fig. 3

Section transversale en lumière réfléchie, grossissement 16x. Les vaisseaux vus en coupe apparaissent ici comme des gros trous, dont certains sont disposés en grappes. Les rayons sont représentés par les lignes claires.

Fig. 4

Section transversale en lumière transmise, grossissement 400x. Les vaisseaux et les cellules de parenchyme paratracheal (autour des vaisseaux) sont visibles ici en coupe.

Fig. 5

Fig. 6

Section tangentielle, microscope électronique à balayage (MEB), grossissement 200x. A côté des rayons vus en coupe, apparait

longitudinalement la paroi d'un vaisseau avec ses

Fig. 7

Fig. 8

Section radiale,

microscope électronique à balayage (MEB),

grossissement 120x. Des cristaux se sont formés à l'intérieur des cellules des rayons.

Fig. 9

Section radiale, microscope électronique à balayage (MEB), grossissement 650x. L'analyse de composition élémentaire par microanalyse par Energie Dispersive de rayons X (EDX) couplée au MEB a mis en

évidence du calcium et du soufre. De formes rhomboédriques, les cristaux sont identifiés comme étant du gypse.

Fig. 10

Le tamarix, aussi appelé athel ou saltcedar, est un arbre sacré pour les anciens Égyptiens. Sa taille peut atteindre 18 mètres et il pousse autant aux abords du désert égyptien que dans la vallée du Nil.

Fig. 11

L'échantillon pour la datation au radiocarbone a été prélevé sous le

Fig. 12

L'emplacement du prélèvement de l'échantillon de textile se trouve sous le textile de surface. MAH, inv. A 2017-1.

L’Osiris végétant acquis par le MAH en 2017 est une figurine rituelle de l’Égypte ancienne confectionnée lors de cérémonies en l’honneur du dieu Osiris. Il se compose d’un cercueil en bois mesurant 50,4 x 16,8 x 14,7 cm sur lequel est représentée une tête de faucon. À l’intérieur gît le simulacre de la momie d’Osiris muni d’un masque en cire peinte de 18,7 x 8 x 9 cm. En complément à l’étude publiée dans la revue

Genava n°65, voici le quatrième article d’une série relative aux traitements de conservation-restauration et aux études matérielles réalisés.

Le cercueil contenant le simulacre de la momie d’Osiris est entièrement peint en noir, à l’intérieur comme à l’extérieur, à l’exception du socle, peint en vert, et de la tête du faucon. Tandis que le visage est doré et la perruque est verte, les pupilles, les sourcils et le bec sont peints en noir. Deux cartouches ainsi que des représentations figuratives peintes en blanc ornaient la surface, mais sont aujourd’hui presque totalement effacés (Fig. 1).

La tête dorée du faucon

Dès l’acquisition de l’artefact par le MAH, la question de la technique de dorure s’est posée. Une couleur dorée peut être obtenue avec une peinture contenant un pigment doré ou par l’application d’une feuille d’or. En observant la dorure au macroscope, nous avons pu reconnaître l’aspect typique de la surface d’une feuille d’or ainsi que ses bords, visibles sous forme de lignes droites (Fig. 2). L’épaisseur, mesurée au

microscope électronique à balayage (MEB), est de 0,3 microns (trois millièmes de millimètre) (Fig. 3). Le décor qui orne le visage du faucon a d’abord été gravé dans la couche préparatoire blanche, pour être ensuite recouvert par la feuille d’or (Fig. 4 et Fig. 5 et, Fig. 5-b). Notons que la peinture noire des pupilles, des sourcils et du bec est appliquée sur la dorure.

La couche préparatoire blanche est la même sur toute la surface du cercueil. Elle se compose de carbonate de calcium, autrement dit d’une craie identifiée par spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR). La craie étant de nature friable, elle doit être additionnée d’un liant pour être utilisée comme couche de fond. Après avoir extrait le liant au moyen de différents solvants, d’autres analyses par FTIR ont été réalisées et confirment qu’il s’agit d’une gomme polysaccharide, vraisemblablement de la gomme d’acacia (connue sous le nom de gomme arabique).

Les couches peintes

Les couleurs posées sur cette couche de fond contiennent elles aussi de la gomme arabique comme liant (Fig. 6 et 7). Le pigment noir est un noir de carbone, communément utilisé en Égypte ancienne. Conçu à partir de matière

organique brûlée, il est constitué de carbone. Cet élément est trop léger pour être détecté lors d’une analyse par fluorescence de rayons X (FRX), et sa structure amorphe empêche son identification par la spectrométrie infrarouge (FTIR). Ainsi, lorsque ces méthodes d’analyses ne livrent aucun résultat, on peut déduire que le pigment est

vraisemblablement un noir de carbone. Enfin, grâce à la microscopie électronique à balayage (MEB), nous avons pu observer à très fort grossissement l’aspect du pigment. Celui-ci a conservé la morphologie des fibres du bois de la matière calcinée, et nous renseigne sur son origine: un charbon de bois (Fig. 8).

Le vert de la perruque contient pour sa part des particules de pigment broyé assez grossièrement (Fig. 9). Il s’agit d’un pigment appelé bleu d’Égypte (identifié par FTIR) que les Égyptiens ont su concevoir artificiellement à partir de cuivre (Fig. 10). Dans le cas présent, le pigment bleu a dû être additionné d’une composante jaune pour obtenir la couleur verte. Une analyse (par FRX) aurait pu mettre en évidence le fer contenu dans de l’ocre jaune, mais seule une sur les quatre analyses effectuées (dont une par Energie Dispersive de rayons X, ou EDX) a détecté un soupçon de fer. La couleur jaune apparaît d’ailleurs uniquement dans la partie amorphe de la masse colorée, comme si elle était dissoute dans le liant (Fig. 11). L’observation du liant à très fort grossissement au MEB ne permet pas de distinguer le moindre grain. La composante jaune pourrait être le liant lui-même, qui aurait jauni en vieillissant. Dans ce cas, la perruque

Fig. 1

Vue générale du cercueil. Osiris végétant. Provenance inconnue. Période ptolémaïque, IVe - IIIe s. av. J.-C. Bois peint, lin, résine, gomme, sable, végétaux, cire peinte, argile. Inv. A 2017-1

Fig. 2

Fig. 3

Fig. 4

La feuille d'or épouse parfaitement le relief gravé dans la couche préparatoire.

Fig. 5

Fig. 5-b

Fig. 6

Grâce à une petite fissure, on peut observer en coupe la couche de peinture noire posée sur la couche préparatoire blanche.

Fig. 7

La peinture noire comporte de nombreuses craquelures tandis que la peinture verte de la perruque est de consistance plus granuleuse.

Fig. 8

Au premier plan, un fragment de vaisseau et, au second, un

fragment de fibre replié indiquent que le pigment est issu de charbon de bois.

Fig. 9

Fig. 10

Après que le liant a été extrait d'un prélèvement de peinture verte, il apparaît nettement que les grains de pigments sont tous bleus (les fragments blancs étant des résidus de la couche de fond).

Fig. 11

Dans le document Un Osiris végétant sous la loupe (Page 23-51)

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