En Afrique, « le territoire » a pris, au cours des dernières décennies un envol impressionnant.
Cette nouveauté se matérialise par la transformation de l’espace en territoire selon l’idée de Christel
Alvergne et John IGUE (2011)83. Toujours, selon eux, en se référant au nouvel enjeu, ils
considèrent le territoire comme un produit et un construit complexe sur l’espace, en ce sens ils
attestent que « Ces évolutions apportent une épaisseur à la notion de territoire : le rapport de la
société africaine à son territoire à changé. Les besoins des populations ont évolués, les activités et
les modes d’accès aux ressources également». Ce qui est tout à fait vrai au regard des différents
changements sociaux qui ont cours dans nos pays avec l’émergence de nouveaux acteurs avec de
nouvelles exigences et forcément aussi devant de nouvelles responsabilités. Ainsi, Leloup F.,
Pecqueur B., (2005) affirme aussi que « Le territoire devient progressivement une émanation
d’acteurs, publics et privés dont les actions de coordination ne peuvent plus être réduites à une
action de politique publique au sens classique du terme, mais à une action publique ». L’émergence
de nouveaux acteurs avec de toutes nouvelles responsabilités répond aussi à ce besoin pressant de nos Etats de se construire une légitimité que certains pensent perdu mais que nous trouvons à créer
puisqu’ellen’a jamais véritablement existé. Logiquement : « ces changements historiques appellent
une autre gouvernance plus englobante que la notion de gouvernement : la gouvernance territoriale. » C. Alvergne et J. Igue(2011).
Aujourd’hui, pour parler du territoire et de la gouvernance territoriale, particulièrement, un
détour vers ceux-là qui font de l’espace un territoire : les acteurs, est nécessaire, ainsi « Chacun
admettra dorénavant que les territoires se construisent par l’action. » comme le dit H. Gumuchian.
Cette affirmation conduit à prendre en compte dans chaque analyse de l’évolution de la
coordination des différentes actions sur les territoires leur « acteurs » qui est, cependant, situé dans
un contexte tellement hétéroclite qu’il est de plus en plus difficile de connaitre les facteurs qui y ont
du poids. Pour lire le territoire, l’analyser, le comprendre, pour saisir les processus territoriaux en
cours ou en devenir « il est nécessaire de prendre en compte une multiplicité de facteurs qui vont
conditionner l’acteur. ». Ces facteurs peuvent être externes comme internes aux territoires. Mais aussi, et, en toute logique le poids et les logiques de chacun de ces acteurs, parce que finalement
c’est cela qui déterminera les dispositions des territoires à s’accommoder, plus ou moins, facilement
des changements dans les modes de régulation.
83 Christel Alvergne et John IGUE, Les nouveaux territoires de la gouvernance, Pages 5-20, Revue territoires d’Afrique, numéro 1, Janvier 2011. Dans cet article, les auteurs expliquent cet élan vers le territoriale relève de deux dimensions : -Une dimension géo-économique : émergence d’un nouvel « ordre géographique », accroissement de la population. Ceci implique des mutations importantes du peuplement et de l’organisation de l’espace dont nous relevons trois aspects : une
articulation problématique entre espaces sahéliens et côtiers […], une urbanisation puissante […], une intense migration. Et
une autre dimension politique […] les réponses politiques et institutionnelles proposées semblent mal adaptées aux évolutions ci-dessus évoquées […] le mouvement de décentralisation n a pas encore permis l’émergence d’acteurs de poids. […] ceci ne remet pas en cause la décentralisation, mais justifie au contraire d’accorder plus d’importance et de
Hervé Gumuchian en introduisant son ouvrage, atteste dans cette dynamique que :
« Les acteurs, ces oubliés du territoire », disait qu’« évoquer le territoire dans la
géographie d’aujourd’hui est devenu une telle « banalité » qu’il n’y a rien de très novateur à supposer qu’une définition conceptuelle explicite soit possible. La fournir permet à la fois de dire clairement d’où l’on parle et quel mode d’emploi du territoire on
choisit. Ce qui apparait comme moins trivial, c’est de vouloir s’interroger sur les implicites qu’accompagnent nécessairement le recours au concept de territoire ; parmi ceux la, il en est un abondement utilisé mais trop rarement précisé : l’acteur. »
Pour nous, il ne s’agit certainement pas d’une quête d’originalité mais d’un impératif que de
nous interroger sur l’acteurou les acteurs. Dans notre compréhension, l’acteur, comme son nom le
dit, est l’élément déterminant et pour le territoire comme pour la gouvernance. Il vit et perçoit son
territoire, le conçoit en fonction de ses besoins ; projette son action avec des objectifs précis en fonction de sa perception, de son vécu et de ses besoins, il exécute son projet en sollicitant des
partenariats et en mobilisant des ressources (la gouvernance) et à force façonne son territoire. C’est
ce que corrobore cette définition du territoire donnée par le Professeur Jean-Marie Miossec
(2011) 84 :
« une portion de finie de l’espace terrestre, appropriée par ses habitants ; c'est-à-dire une aire de développement ; d’aménagement et de gestion, de taille variable, un
échelon et un cadre de vie, ou la responsabilisation des acteurs locaux est susceptible de fournir, en articulation avec les autres protagonistes, une réponse, aux besoins et aux aspirations de leurs concitoyens ».
Les actions énumérées se font dans une logique complexe parce que pas forcément hiérarchisée mais surtout parce entreprise par différents acteurs, pour différentes logiques selon différentes modalités sur un même territoire. Ce sont ces actions aux auteurs divers qui font le produit appelé « territoire » et de façon inversée aussi nous pouvons considérer que le territoire
aussi façonne de manière certaine la gouvernance qui est susceptible de s’y appliquée. C’est
d’ailleurs ce que le Professeur Jean Marie Miossec (2011) affirme en disant de la gouvernance que
84 Jean-Marie Miossec, développement local, entre mondialisation et promotion des territoires : de la gouvernance à l’articulation des pouvoirs et des territoires, Concilier les concepts avec le nouvel environnement, Revue territoires
« celle-ci est fondamentalement territorialisée » non sans avoir critiqué le fait que beaucoup
d’auteurs ont parlé de la gouvernance sans faire référence aux territoires.
Pour les besoins de cette entreprise qui ne se veut qu’un modeste essai de catégorisation des
territoires plus ou moins aptes à un certain modelage procédural, en fonction des acteurs dominants
en présence, nous allons procéder en deux étapes. Nous allons d’abord voir, au Sénégal, qui sont les
principaux acteurs porteurs de la détermination du profil des aptitudes de la gouvernance locale
ensuite, nous verrons à partir d’exemples aussi quelques types de territoires qui n’offrent pas les
mêmes profils pour l’adoption de modes de gouvernance.