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4-Terrains. La région autonome Zhuang du Guangxi et le Guizhou

La question du Guangxi est plus complexe : ses disparités internes en font également une région intérieure sur son versant nord et un espace littoral en développement sur son versant sud. (Thierry Sanjuan, 2007)

Notre étude se fonde sur l’étude de la région autonome Zhuang du Guangxi, une

province chinoise largement méconnue des géographes occidentaux, ainsi que sur deux villes principales en son sein. Quelques lignes de présentation de cet espace sont donc nécessaires pour permettre au lecteur de se familiariser avec ses principales caractéristiques, ainsi que pour comprendre où nous avons pu récolter des informations nécessaires à la réalisation de notre recherche.

4-1. Présentation : la province littorale la moins développée du pays

Le Guangxi est une province littorale (elle est ouverte sur le golfe de Beibu), mais ses caractéristiques économiques ressemblent plutôt aux provinces de l’Ouest du pays. Le Guangxi se situe en effet à la bordure sud-est du plateau Yunnan-Guizhou. Elle est élevée dans le nord-ouest (le point le plus haut, la montagne du Chat - maoer shan - se situe à 2141 m), et basse dans le sud-est (planche 1). C’est une région montagneuse à 85 %, un relief qui est du à l’orogénèse himalayenne.

Le climat de cette province est subtropical : la température annuelle moyenne est de 17 à 22 degrés du nord au sud. L’été est long, chaud et humide, alors que l’hiver est relativement court et doux. Au mois de janvier (mois le plus froid) la température moyenne oscille entre 6 et 16 degrés, alors qu’au mois de juillet (mois le plus chaud), elle varie entre 27 et 29 degrés. Le Guangxi est également une des régions les plus pluvieuses de Chine, phénomène dû notamment à la mousson qui s’étale de mars à août (le total pluviométrique moyen est d’environ 2000 mn/an). Ces importantes pluies donnent de nombreuses ressources hydrauliques à la région Guangxi. Selon les statistiques officielles, celles-ci représentent 7,12 % du débit national, ce qui place la région à la 5ème place nationale dans ce domaine. Le plus grand réseau hydrographique du Guangxi, celui de la rivière des Perles, comprend un bassin représentant 85,5 % de la superficie totale du Guangxi (Atlas du Guangxi, 2003)105.

105 Wang H., (2003), Guangxi zhuangzu zizhiqu dituji (Atlas de la région autonome Zhuang du Guangxi), Xingqiu ditu chubanshe, Pékin, 486 p.

Le Guangxi est ensuite une province où les ressources minérales sont très importantes : « comme l’indique le surnom de la province, le « pays des métaux non ferreux », les gisements importants du Guangxi en font l’un des dix grands centres producteurs du pays. […] 14 minerais (entre autres manganèse, étain, arsenic et bentonite) sont classés au premier rang du pays. Les réserves assurées de manganèse et d’étain représentent un tiers de celles du pays et 25 minerais (dont le vanadium, le tungstène, l’antimoine, l’argent, l’aluminium, le talc, la barytine) occupent les 2ème, 3ème, 4ème, 5ème et 6ème rangs nationaux » (Le quotidien du Peuple en ligne, 02/11/2006). La grande majorité de ces ressources minérales se situent au nord-ouest de la région du Guangxi, une zone peuplée de nombreuses minorités.

Sur les 49,1 millions d’habitants en 2006, bien que les Han constituent l'ethnie majoritaire avec 62 % de la population du Guangxi, les minorités nationales représentent donc

38 % de la population. Les Zhuang forment la communauté minoritaire la plus importante

dans le Guangxi avec 33 % de la population, et c'est en vertu de cette importante population de minorités que le Guangxi a obtenu le statut de « région autonome» en 1958106. Comme à l’échelle du pays, les minorités au Guangxi ont souvent été repoussées dans les zones montagneuses. De manière générale, les Han vivent dans les plaines (nord-est et sud-est de la province) et les principales villes qui s’y situent [Nanning (880 400 habitants), Guigang (77 000 habitants), Liuzhou (773 000 habitants), Guilin (600 000 habitants), Beihai (307 000 Hab.)]107, alors que les minorités vivent dans une grande partie ouest de la région où il n'existe que fort peu de villes et où les infrastructures sont en nombre limité (carte 5) ; faisant de cette partie de la région une zone très isolée et très pauvre.

Dans cette thèse, nous nous intéresserons peu au problème des minorités, car c’est encore un sujet sensible dans cette province. Nous n’avons de plus que rarement pu nous rendre dans l’ouest de la région du Guangxi et le tourisme est très peu développé dans cette partie de la province. Les constats sur le tourisme dans des villages de minorités seront donc restreints aux transformations induites par cette activité dans deux villages de la périphérie touristique de Guilin (cf. chapitres 8 et 9).

106 D’autres groupes ethniques minoritaires sont présents au Guangxi, notamment les Yao (1,3 million d’individus), les Dong (280 000), les Mulao (150 000), les Maonan (170 000), les Hui (20 000), les Jing (16 000), les Yi (10 000), les Sui (12 000), les Gelao (2000). Source : Atlas du Guangxi, op. cit. p. 16-17.

4-2. Une ouverture sur la province du Guizhou

Nous avons également réalisé au mois de juin 2008 un court travail de terrain dans la province voisine du Guizhou, à titre de comparaison et d’ouverture. Trois sites d’étude ont été choisis et le Guizhou constitue donc le terrain secondaire de cette thèse. Toutefois, étant donné que nous n’avons consacré que peu de temps à l’analyse des réalités touristiques du Guizhou (hormis ce que constate la bibliographie ; Supra), nous n’aborderons le cas de cette province que dans certaines comparaisons très localisées (cf. chapitres 5 et 6), ainsi que pour une ouverture sur la diffusion du tourisme intérieur vers d’anciennes marges (cf. chapitre 9).

4-3. Echelles d’études et données récoltées

4-3-1. Les données à l’échelle du pays

Afin de réaliser un panorama du tourisme intérieur à l’échelle du pays, nous sommes d’abord allés à la recherche de statistiques générales sur le tourisme intérieur. Notre objectif était de réaliser une cartographie des principaux lieux touristiques, de leur fréquentation, ainsi que de montrer les provinces émettrices de touristes et celles qui reçoivent les touristes (et parfois les deux). Ce travail (cf. chapitre 1), s’est pourtant heurté à de nombreux obstacles. Le premier fut le manque criant de données en accès libre. Ces dernières accordent une importance considérable au tourisme international en Chine, alors que le tourisme intérieur est survolé sur quelques pages, voire parfois une seule108. De surcroît, le tourisme intérieur n’est apparu dans les registres officiels que depuis 1996.

Pour avoir des informations un peu plus approfondies, l’achat de certains registres s’avère indispensable109. Les statistiques restent un sujet sensible en Chine et servent souvent à des fins idéologiques. Bien qu’elles ne soient pas toutes inutilisables, une marge d’erreur, que le chercheur doit parvenir à cerner pour mieux apprécier la réalité qu’il étudie, reste probable (cf. chapitres 1 et 4). Les méthodes employées pour la collecte des données à charge de l’administration du tourisme diffèrent souvent d’une province à l’autre (chaque province disposant d’un registre général sur le tourisme), ce qui complique encore le travail.

108 C’est notamment le cas du registre statistique annuel sur la Chine, qui (dans l’édition 2003), ne consacre que moins d’une page au tourisme intérieur. Le tourisme international est lui traité sur 8,5 pages.

109 Ce que nous avons fait pour le registre sur le tourisme en Chine (édition 2007) :

4-3-2. Les données à l’échelle du Guangxi et des villes étudiées

A l’échelle du Guangxi, nous avons principalement travaillé sur les espaces urbains des villes de Guilin et Beihai, respectivement au nord-est et sur le littoral au sud de la province (planche 1). Notre première démarche de collecte d’informations fut celle de se rendre aux bureaux des administrations municipales du tourisme : les résultats furent maigres. Dans un premier temps, seules des statistiques générales sur les chiffres du tourisme intérieur dans les différentes municipalités de la région furent recueillies. Même en multipliant les visites, si quelques autres informations ont pu être glanées, les résultats demeurèrent décevants.

A ce stade de la collecte, la question qui surgit fut celle d’établir s’il existe des informations « interdites », ou bien si ces informations furent tout simplement inexistantes. Après un certain temps passé sur le terrain110, ainsi qu’après de nombreux entretiens, nous sommes arrivés à la conclusion que de nombreuses informations sont manquantes par manque de moyens pour les collecter. Parfois, certaines informations locales se trouvent au centre régional du tourisme, à Nanning, le chef-lieu du Guangxi (planche 1).

Au cours de nos missions sur le terrain, nous avons découvert un site primordial pour la récolte des informations apparemment inaccessibles : le bureau des annales (shizhiban)111. Sa mission consiste à la collecte de toutes les informations relatives à la ville, ses transformations, ses aménagements. Un recensement annuel est ensuite imprimé. Ces registres sont de précieux outils pour comprendre l’évolution d’une ville : ils comportent de nombreuses photos, quelques cartes et, parfois, des plans de quartiers. C’est la source la plus riche (la profondeur historique permettant des comparaisons), que nous ayons trouvée pour comprendre les logiques urbaines. Pourtant ce bureau et ses publications restent souvent méconnus des Chinois eux-mêmes.

Ces informations ont bien évidemment été complétées par des articles de presse à l’échelle locale, mais aussi régionale et nationale, indispensables pour appréhender la vie locale à proximité des sites touristiques (l’adaptation des habitants), la découverte de l’ouverture de nouveaux sites touristiques, ou la transformation qu’ils subissent. Ainsi, c’est le temps passé sur le terrain qui nous a permis de mieux comprendre les réalités touristiques des lieux étudiés112.

110 Voir les annexes.

111 市志办. C'est-à-dire le bureau (办), qui garde la trace et recense dans un livre (志), l’ensemble des informations d’une ville (市).

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Bien que chacune des trois parties qui composent cette étude puisse faire l’objet d’une lecture séparée, la démonstration est cependant menée de la première vers la dernière partie. La première partie a pour but de dresser un état des lieux sur le thème du tourisme intérieur chinois, son émergence ainsi que son développement. Un premier chapitre fait le point sur les données chiffrées de ce phénomène, notamment son importance dans le pays par rapport au tourisme international. Le second chapitre examine quant à lui les fondements du tourisme intérieur, ses origines historiques, comme les caractéristiques de la société urbaine moderne qui le pratique. Un troisième chapitre examine plus particulièrement le rôle de l’Etat dans les régions mises en valeur par tourisme, en examinant de près les deux villes principales de cette étude, Guilin et Beihai ; ce qui permet également de présenter ces deux espaces urbains.

La seconde partie est principalement centrée sur les pratiques intérieures chinoises et notamment en quoi elles diffèrent des modèles établis à partir des sociétés occidentales. Un premier chapitre fait tout d’abord un état des lieux des pratiques intérieures à Guilin et Beihai, en montrant que de nombreux stéréotypes attachés au tourisme intérieur sont invalidées sur le terrain. Le second chapitre examine les pratiques de la Nature en général, du paysage en particulier dans différents sites touristiques du Guangxi, en séparant les pratiques de groupe des pratiques plus individuelles. Un troisième chapitre vient clore cette partie en soulignant l’importance des pratiques touristiques dans les espaces urbains, tout en essayant de comprendre ce que révèle ce goût pour des espaces urbains et « modernes ».

La troisième partie analyse quant à elle l’utilisation par les municipalités de Guilin et Beihai du tourisme comme d’un outil de développement ; particulièrement un outil de développement urbain. Un premier chapitre montre que les aménagements dédiés au tourisme, international dans un premier temps, intérieur dans un deuxième, sont nombreux et occupent des dimensions impressionnantes pour des villes de taille moyenne. Le deuxième chapitre analyse ensuite l’extension des espaces urbains depuis que le tourisme a été introduit dans les plans de développement urbain. On se rend alors compte que les villes ont grandi avec le tourisme, allant parfois jusqu’à créer des périphéries touristiques, où les transformations urbaines sont également importantes. Enfin, un dernier chapitre montre la diffusion actuelle du tourisme intérieur à une échelle régionale. Des lieux en situation périphérique utilisent le tourisme pour se développer, si bien qu’une nouvelle géographie des espaces touristiques ainsi que des réseaux qui sous tendent ces derniers voit aujourd’hui le jour.

Notre conclusion générale se propose de tirer les enseignements majeurs de cette étude et d’envisager des perspectives géographiques, anthropologiques et économiques possibles.

Partie I.