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La terminologie linguistique en sesotho

LA TERMINOLOGIE DANS LES DOMAINES DE SPECIALITE EN SESOTHO

4.3. La terminologie linguistique en sesotho

Bien qu’il y ait eu d’autres journaux tels que Moboleli oa Litaba "rapporteur des nouvelles" établi en 1841, Lenqosana la Lesotho "petit représentant du Lesotho" établi en 1850, on prend ici la position qu’un véritable travail de documentation en sesotho a été réalisé grâce au journal Leselinyana la Lesotho lancé par les missionnaires protestants français le 3 novembre 1863 à Morija, même si leur objectif initial était d’évangéliser et de publier les activités de la mission (Khaketla 1972 : 229). Au début du XXème siècle, la langue était assez développée, avec la première publication d’un roman, Moeti oa Bochabela, de Mofolo (1907),

184 traduit en anglais sous le titre Traveller to the East par Ashton en 1934 et en français, "L’Homme qui Marchait vers le Soleil Levant", par Ellenberger en 2003, comme nous l'avons vu dans un chapitre antérieur.

Le travail linguistique en sesotho a commencé avec les missionnaires, notamment Jacottet (1936) dans un ouvrage intitulé A Practical Method to Learn Sesotho, Paroz (1946), dans un livre appelé Elements of Southern Sotho ainsi que Sharpe (1950) avec son Everyday Sesotho Grammar. Toutefois, comme le précise Sharpe, ces ouvrages, qui donnaient également la traduction de chaque terme ou expression en anglais pour simplifier l’apprentissage, n’étaient écrits que pour les ressortissants européens qui devaient apprendre la langue pour leur mission parmi les Basotho.

Un véritable travail linguistique en sesotho a été effectué par Khaketla (1951) avec Thapholiso ea Sesotho, littéralement "réduction ou dissertation en sesotho", mais traduisible également par "explicitation du sesotho". Il s’agit d’un premier livre de grammaire écrit en sesotho qui énonce les règles de la langue, présente toutes les parties du discours et explique les différents types de figures de style. Dix ans plus tard parut The Teaching of Southern Sotho par The Association of Principals of Training Colleges (1961) ainsi que ‘Makhonthe : Puo e Nepahetseng : Buka ea 1 de Matšela (1971). Un ouvrage plus moderne qui a au moins valorisé la place du sesotho dans l’enseignement supérieur et a empêché que la langue ne soit trop contaminée par la syntaxe de l’anglais est Sebopeho Puo (Matšela et al. 1981). La publication la plus récente est celle de Machobane (2010) Thuto-polelo ea Sesotho où l’auteur analyse 231 termes linguistiques.

Je considère que les termes linguistiques inventés à partir de l’époque de Jacottet (1936) jusqu’à celle de Matšela et al. (1981) sont toujours le résultat de la traduction, bien que ces lexies soient établies et qu’elles ne soient plus perçues comme des traductions. Leur usage dans le quotidien, leur ancienneté dans le domaine linguistique confirment qu’elles constituent une contribution importante à l’expansion lexicale du sesotho. Je considère aussi les termes proposés par Machobane (2010) comme des traductions de concepts linguistiques en anglais qui contribuent toujours à l’expansion lexicale du sesotho même s’ils ne sont pas encore bien établis dans la langue. Cela se justifie par le fait qu’il s’agit d’un ouvrage écrit pour l’enseignement du sesotho dans les institutions supérieures, ce qui fait que les termes tels que thuto-puo-bochaba "education langue culture = linguistique anthropologique" [N + N + N]N, thuto-puo-methapo "éducation langue nerfs = neurolinguistique" [N + N + N]N,

thuto-puo-185 kelello "éducation langue cerveau = psycholinguistique" [N + N + N]N sont compréhensibles par des sothophones cultivés ou des linguistes.

Les travaux effectués par les linguistes basotho ont chacun contribué à la création massive de nouvelles lexies conçues selon les moyens linguistiques et l’imaginaire culturel du sesotho. Traduits de l’anglais, ces mots explicitent des notions linguistiques qui, depuis lors, facilitent l’enseignement et l’analyse formels de la langue dans les différentes écoles du Lesotho. Comme tout autre mot lexicalisé, ces nouveaux mots appartiennent aux classes nominales prédéterminées, comme on peut le voir avec khutlo "fin = point" (C9), seemeli-thuo "représentant possession = adjectif possessif" (C7), lepata "cacheur = litote" (C5), etc. Si le système de classification nominale permet aux noms d’être pluralisés, par exemple : lereo-leraretsi "nom composé" > mareo-mararetsi "noms composés", certains termes linguistiques tels que mokhoa-boreho "infinitif", sebopeho-puo "grammaire", thuto-moelelo "sémantique", etc. demeurent toujours des singularia tantum puisque les règles linguistiques du sesotho ne permettent pas de parler de plusieurs grammaires, sémantiques ou infinitifs, etc. Cela est dû au fait que la relation qu’entretient le N2 avec le N1 empêche tout changement au niveau préfixal du N1 puisque cela résulterait en une modification sémantique du composé. Cela veut également dire que les composés ne peuvent être employés dans les circonstances linguistiques autres que celles dénotées. En d’autres termes, le mot lithuto-meelelo "sémantique" serait opaque si on accolait le préfixe li- sur le N1, ce qui oblige les noms des notions abstraites à appartenir à la C9.

D’autres lexies telles que mooko-taba "moëlle situation = thème" (C3), lehlomela "pousse de la plante = dérivatif" (C5), etc. ont acquis un nouveau sens par leur emploi métaphorique dans le domaine linguistique. Autrement dit, ces termes, qui s’emploient dans des domaines autres que la linguistique, fonctionnent de manière polysémique. Par exemple, mooko-taba veut également dire "le fond" ou "le point principal" d’une information donnée. Il s’agit en effet d’un composé exocentrique comme on l’a montré dans le chapitre sur la composition. Cela marque un enrichissement puisque avant l’invention massive des termes linguistiques, une unité comme lehlomela s’employait uniquement dans le domaine de l’agriculture. Il en est de même avec leoa108 "théorie", qui ne s’employait à l’origine que dans les jeux traditionnels sesotho comme terme général pour parler d’un système de jeu comme

108 Leoa = stratégie est un terme qui s’emploie dans un jeu sesotho dénommé morabaraba. Il s’agit d’un jeu où il faut maîtriser plusieurs formes de stratégie pour gagner, un peu comme aux échecs.

186 celui du football, et hlooho "tête" qui, dans le domaine linguistique dénote "préfixe". Pour masakana "petits enclos", il s’agit d’un terme dérivé par préfixation et suffixation du mot lesaka (C5) qui dénote un enclos traditionnel pour le bétail. En linguistique, masakana correspond à "parenthèse(s)".

La dénomination terminologique dans la linguistique sesotho se décompose en trois groupes selon la morphologie du terme : sans dérivation, avec dérivation109 et avec composition. Comme le montre le Tableau 60 ci-dessous, la répartition entre ces groupes est très disproportionnée.

Tableau 60

Répartition des termes linguistiques en sesotho

Forme morphologique du terme Effectif Pourcentage

Sans dérivation (s.d.) 5 7.1%

Dérivation par préfixation (d.p.) 6 8.5% Dérivation par suffixation (d.s.) 10 14.3% Dérivation par préfixation et suffixation

(d.p.s.)

11 15.7%

Dérivation par permutation consonantique (d.p.c.) 4 5.7% Composés [N + N]N 25 36% Composé [N + N + N]N 8 11.4% Composé [N + A]N 1 1.4% Total 70 100%

De manière générale, la dérivation est la plus fréquente dans les unités ci-dessus. Toutefois, ayant déjà démontré les différents procédés de dérivation dans le chapitre sur la composition, on considère ici certains composés comme des composés bicentriques dont le composant gauche a une plus grande saillance à l’instar de player coach, uncle dad, city-state, etc. Comme le montre Renner (2006 : 106), ces composés s’expliquent clairement par "X.Y est X qui est également Y", ainsi, a player coach is first of all a player even though he also works as a coach. En tout cas, c’est la logique de la définition de city state : “political system consisting of an independent city over a fixed surrounding area for which it served as a leader of

109 Rappel : on compte quatre types de dérivation en sesotho : dérivation par préfixation, dérivation par suffixation, dérivation par préfixation et suffixation, et dérivation par permutation consonantique.

187 religious, political, economic and cultural life” (MWOD). Il en est de même avec certains noms composés en sesotho où "N1 + N2 est N1" : lereho leraretsi est avant tout lereho et tumela moetsuoa est avant tout tumela.

Comme on peut le remarquer, il s’agit de noms déverbaux. En voici quelques exemples :

thuto-leralo "éducation-fondation = morphologie"

thuto > ho ruta "enseigner", leralo > ho rala "établir un plan" tumela thlakiso "accord-explication = accord adjectival"

tumela > ho lumela "accepter ou agréer" et tlhakiso > ho hlakisa "expliquer" lereho leakaretsi "nom-généralisation = nom commun"

lereho > ho reha "nommer" et leakaretsi > ho akaretsa "généraliser".

Dans les exemples inventoriés ci-dessous, seuls khutlo et mooko-taba ne résultent pas de la dérivation. Les composés sont motivés et la relation sémantique est déterminée par le composant principal à gauche. La grande majorité de ces noms composés sont endocentriques, c’est-à-dire qu’un seemeli-thuo "représentant possession= adjectif possessif" est une sorte de seemeli "représentant = adjectif" et qu’un thuto-moelelo "éducation signification = sémantique" est une sorte de thuto "éducation". Bien que l’anglais soit la langue-source des traductions, les termes seront glosés en français.

Termes linguistiques en sesotho

khutlo "fin = point" (s.d.)110 lereho-leraretsi "appellation complexe = nom composé" [N + N]N

khutloana "petit-fin = deux points"

(d.s) lereho-lekhethi " appellation sélection = nom propre" [N + N]N

feeloane "petit souffle = virgule"

(d.s) lereho-leakaretsi " appellation générale = nom commun" [N + N]N

molana "petite-ligne = trait d’union"

(d.s.) seemeli-phafo "représentant

qualification = accord adjectival" [N + N]N

makalo "surprise = point d’exclamation"

(d.p.s.) seemeli-thuo "représentant possession = accord possessif" [N + N]N potso "question = point

d’interrogation"

(d.p.c) mokhoa-boreho "manière dénomination = infinitif" [N + N]N

188 masakana "petit enclos =

parenthèses"

(d.s.) tumela-moetsi "accord agent = pronom du sujet" [N + N]N

tlamo "lien = tiret" (d.s.) tumela-moetsuoa "accord objet = pronom de l’objet" [N + N]N thapholiso "explication =

dissertation"

(d.s.) thuto melumo "éducation sons = phonétique" [N + N]N

mothofatso "personnifier = personification

(d.s) thuto-leralo "éducation fondation = morphologie" [N + N]N

pebolo "atténuation = euphémisme"

(d.p.c) thuto-moelelo "éducation signification = sémantique" [N + N]N

lepata "cacheur = litote" (d.p.) thuto-polelo "éducation phrase = syntaxe" [N + N]N

matšoao "signes = ponctuation"

(d.p.) thuto-puo "éducation langue = linguistique" [N + N]N

papiso "comparaison" (d.p.c.) pale-phoofolo "histoire animal = conte animal" [N + N]N

sehokelo "lien = conjonction" (d.p.s.) thothokiso-bahale "poème héros = épopée" [N + N]N

sehlomathiso "ajout = appendice"

(d.p.s) tšomo-thuto "conte éducation = fable" [N + N]N

senoko "phalange - syllabe" (s.d.) mokhabo-puo111 "décoration langue = figure de style" [N + N]N

sephafi "faiseur de louanges = adjectif"

(d.p.s.) tšomo-bahale "conte héros = légende" [N + N]N

lehlomela "pousse de la plante = dérivatif"

(d.p.s) tšomo-tlholeho "conte origine = mythe" [N + N]N

leoa "stratégie = théorie" (d.p.) tsebo-mantsoe "connaissance mots = terminologie" [N + N]N

sethantšo "explication = dictionnaire"

(d.p.s.) pale-khutšoe "histoire courte" [N + A]N hlooho "tête = préfixe" (s.d.) mooko-taba "moelle affaire = thème"

[N + N]N

lehare "milieu = infixe" (d.p.) sebopeho-puo "structure langue = grammaire" [N + N]N

mohatlana "petite queue = suffixe"

(d.s.) tsebo-ntsoe "connaissance mot = lexique" [N + N]N

111 La tournure de Khaketla (1956 : 34) était mekhabiso ea puo "décoration de langue = figure de style" [N + ap + N]N. Mekhabiso est dérivé d’un verbe transitif, ho khabisa = "orner", ce qui veut dire qu’il peut être pluralisé. Matšela et. al (1981 : 84) ont préféré dériver à partir d’un verbe un composé binominal, mokhabo-puo [N + N]N, qui est un singularia tantum sans pour autant modifier le sens de départ de figure de style.

189 sehalo "tone = ton" (s.d.) thuto-puo-bochaba "éducation langue

culture = linguistique

anthropologique" [N + N + N]N selumi "sonneur = voyelle" (d.p.) thuto-puo-bolata "éducation langue

étrangère = linguistique appliquée" [N + N + N]N

selumisoa "qui est sonné = consonne"

(d.p.s.) thuto-puo-komporo "éducation langue ordinateur = linguistique

informatique" [N + N +N]N sehlakisi "explicateur =

adjectif explicatif"

(d.p.s.) thuto-puo-tlhalosi "éducation langue explication = linguistique descriptive" [N + N + N]N

leetsi "faiseur = verbe" (d.p.s.) thuto-puo-nalane "éducation langue histoire = linguistique historique" [N + N + N]N

tumela "agréeur = accord" (d.p.c.) thuto-puo-methapo " éducation langue nerfs = neurolinguistique "

[N + N + N]N seemeli "représentant =

pronom"

(d.p.s.) thuto-puo-kelello "éducation langue cerveau = psycholinguistique" [N + N + N]N

lereho "appellation = nom" (d.p.s.) thuto-puo-likamano "éducation langue relations = socio-linguistique" [N + N + N]N

‘mui "personne qui parle = première personne"

(s.d.) maretlo-puo "parties langue = parties du discours" [N + N]N

‘muisoa "interlocuteur = deuxième personne"

(d.s.) tumela-tlhakiso "agréeur explication = accord adjectival" [N + N]N

‘muuoa "personne dont on parle = troisième personne"

(d.s.) puo-mehla "langue quotidienne = prose" [N + N]N