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1.3 Tensions de gouvernance

1.3.2 Tensions et paradoxes de participation

Dans les organisations pluralistes, le pouvoir, diffus (Denis, Langley et Rouleau, 2007) est partagé en des lieux et entre des acteurs divers. Nous avons précédemment vu que les espaces et forums pouvaient faciliter dialogue et débats entre parties prenantes aux intérêts et logiques multiples. Dans les paragraphes qui suivent, nous les aborderons plutôt dans l’optique des tensions et paradoxes, multiples, qu’ils peuvent générer au sein d’organisations pluralistes démocratiques sur le plan de la participation (Stohl et Cheney, 2001 ; Varman et Chakrabarti, 2004). En effet, pour Caudron (2008 : 57),

[l]a réalisation de la démocratie au travail (qui passe par le développement de la participation, par exemple) est, pour beaucoup d’auteurs, une condition sine qua non de la réalisation de la démocratie en général. Pourtant, loin de ces vœux humanistes, que ce soit sur le plan conceptuel ou empirique, les écrits qui s’intéressent aux pratiques démocratiques dans les entreprises aboutissent systématiquement à des conclusions paradoxales et contradictoires.

Traiter de participation démocratique nous conduit à aborder les enjeux de pouvoir et de contrôle, qui y sont intimement liés. En effet, comme l’a formulé Malo (2001 : 8), la question suivante se pose : « Quand l’entrepreneur est collectif, quand le sommet stratégique est multi-intéressé, qui est au pouvoir? » Ou, comme Sainsaulieu et ses collègues (1983) le demandent, qui participe au pouvoir, et comment ?

Pour pouvoir répondre à cette question de participation au pouvoir, il convient de préciser les bases de la dynamique gouvernance-gestion des coopératives et autres organisations de l’économie sociale, une gouvernance « stakeholder» différente de la gouvernance

« shareholder » des entreprises à capital-actions, puisqu’on y on retrouve à la fois une structure d’entreprise sous la responsabilité de la gestion et une structure d’association (assemblée générale et conseil d’administration) fonctionnant avec la règle « un membre, un vote » (Malo, 2001). Bien que les membres de coopératives en soient aussi les actionnaires (par le principe de participation économique au capital des coopératives), ils sont

désintéressés puisque la rémunération du capital est interdite ou limitée. Parmi les auteurs classiques des écrits sur les coopératives, Desroche (1976), sociologue de la coopération, par le biais de son « quadrilatère coopératif » (reproduit ci-dessous), met en lumière les acteurs impliqués dans ces deux structures ainsi que les dynamiques qui les lient. Tel que résumé par Bouchard (non daté),

ce sont les membres qui élisent des dirigeants ou administrateurs pour les représenter. Ceux-ci délèguent les responsabilités de gestion à des gestionnaires qui sont recrutés par les administrateurs. Les gestionnaires embauchent, à leur tour, des employés, lesquels fournissent des services aux membres-usagers.

Tout en permettant une qualification des acteurs et de leurs rapports, le quadrilatère coopératif de Desroche (1976) reprend aussi, par la scission verticale, le traditionnel clivage possible entre d’une part la gestion ou l’appareil organisationnel de l’entreprise (à gauche, gestionnaires et employés) et la gouvernance de l’association (à droite, membres et leurs représentants administrateurs élus). À cette fracture possible entre gestion et gouvernance s’ajoute une autre tension potentielle illustrée par la division horizontale, entre d’un côté les membres de base et employés opérationnels, et de l’autre, les gestionnaires et administrateurs au sommet décisionnel.

Figure 1.3 - Quadrilatère coopératif (adapté de Desroche, 1976) Gestionnaires Administrateurs

Employés Membres

Le quadrilatère de Desroche permet de remarquer le pluralisme des acteurs en présence au sein de la gestion et de la gouvernance d’une coopérative. Or, si tel que le soutient Caudron (2004),

la simplicité du schéma permet de comprendre la façon dont s’équilibre le jeu des acteurs en fonction de leurs intérêts propres […], ce modèle ne rend pas compte de la complexité du mode de gouvernance coopératif (comment « se vit » la démocratie dans une coopérative ?). De plus, il n’associe les divergences d’intérêts qu’au rôle joué par les acteurs dans le cadre de la coopération. L’hétérogénéité n’est placée ici qu’au niveau des acteurs, mais elle ne prend pas en compte l’hétérogénéité des pratiques.

Æ

Å

Ç

È

Adaptant la question de Caudron (2004), notre thèse, en proposant que certains outils sociomatériels médiatisent les tensions, pose la question de savoir comment « se vivent » les tensions, dans la pratique. La coopérative de travailleurs étudiée par Caudron illustre les contradictions entre une structure démocratique formelle et les dérives découlant de son instrumentalisation à des fins personnelles (notamment par l’emploi de « personnes de confiance » ou « proches de la famille » pour contrôler les prises de décision). De cette étude se dégage clairement l’importance des fondateurs et de leurs choix initiaux. Cela permet, toujours selon Caudron (2004), de relativiser les mécanismes de contrôle des organes démocratiques, alors qu’un système comptable « déviant » (des chiffres manipulés, voire falsifiés) mis en place par la direction est accepté par compromission par le dirigeant élu et que les principes et règles de la coopérative sont détournés.

Ce court-circuitage de la structure démocratique prend racine dans l’opportunisme de certains membres mais aussi dans leurs « craintes liées à la prise de décision démocratique. » (Caudron, 2004) Plus concrètement, les écrits sur la gestion et la gouvernance participatives signalent qu’elles entraînent des processus de prise de décision plus longs, des défis de gestion des émotions, ainsi que le paradoxe lié à la confrontation entre volonté d'égalité et inégalités, inévitables, entre les participants dues à leurs caractéristiques personnelles (Mansbridge, 1973). Stohl et Cheney (2001) se sont spécifiquement penchés sur les écrits traitant des paradoxes rencontrés dans les organisations ayant des pratiques participatives, démocratiques – dont plusieurs coopératives. Stohl et Cheney (2001 : 352, notre traduction) concluent que

dans certains cas, les tensions semblent inhérentes aux pratiques organisationnelles participatives et démocratiques, alors que dans d'autres études, les paradoxes émergents semblent plutôt fonction d'un certain design organisationnel, d'une configuration de forces sociales ou de procédures particulières […] Nous pouvons présumer que le paradoxe est inhérent aux pratiques participatives et aux structures démocratiques.

Partant d’une recension des écrits et de leurs propres travaux, Stohl et Cheney (2001) dressent une liste de paradoxes de participation vécus par les individus dans les coopératives et dans d’autres initiatives de démocratie industrielle. Ces paradoxes, au nombre de quatorze, sont regroupés en quatre types (soit les paradoxes ayant trait à l’agence, à la structure, à l’identité et au pouvoir). Une lecture attentive de leur tableau

synthèse avec des lunettes sociomatérielles nous permet de relever de potentiels outils impliqués dans les divers paradoxes, tel que l’illustre le tableau suivant :

Tableau 1.6 - Paradoxes de participation des travailleurs/de démocratie industrielle et outils sociomatériels (reproduction adaptée de Stohl et Cheney, 2001 : 360 pour les deux colonnes de gauche; la colonne de droite est notre ajout)

Types de paradoxes

Paradoxes Quelques outils

potentiellement impliqués A. Paradoxes of Structure: Concerning the architecture of participation and democracy—for example, “Be spontaneous, creative, vocal, and assertive in the way we have planned!”

1. Paradox of Design: Imposing or mandating grassroots participation from the top; for example, as with Total Quality Management or Participative Management.

2. Paradox of Adaptation: While trying to preserve the organization’s essential qualities, adapting so much to outside forces or expectations that the organization’s soul is lost. 3. Paradox of Punctuation: Short-cutting the democratic process in practice (because the process costs time) in such a way that, over time, the vitality of the system is lost.

4. Paradox of Formalization: Institutionalizing democracy such that spontaneity is gone; that is, the routinization of that which should be inspired. Organigramme et structure; programmes, guides et outils de gestion; ressources; règles B. Paradoxes of Agency: Concerning the individual’s (sense of) efficacy within the system—for example, “Do things our way but in a way that it still distinctively your own!”

1. Paradox of Responsibility: Relinquishing directly to a group one’s rights to make decisions, particularly while insisting that the right to participate be maintained.

2. Paradox of Cooperation: Following formal or informal procedures in a way that hinders rather than promotes cooperation, including the pattern of “nonparticipation” in the interest of furthering cooperation.

3. Paradox of Sociality: Intense involvement at work as an ironic limit on other forms of participation (e.g., in family and community) such that all types of participation become undermined; prevalent in highly mission-based organizations. 4. Paradox of Autonomy: Giving up more individual rights than one intended to do through a contract with a highly democratic organization; surrendering individual agency for that of the collective. The gains to the individual through adhesion to the whole community are outweighed by the sacrifices.

Règles et procédures; espaces, horaire de travail et agenda C. Paradoxes of Identity: Concerning issues of membership, inclusion, and boundaries—for example, “Be self- managing to meet organizational goals!”

1. Paradox of Commitment: Making commitment to and enactment of the group’s espoused values and beliefs about voice and participation a test that ironically leads to exclusion rather than inclusion (especially in so-called “alternative organizations”).

2. Paradox of Representation: Becoming co-opted by dominant interests; losing one’s “voice” unexpectedly; for example, when labor thinks like management and forgets about workers’ interests yet still insists its own role is distinct. 3. Paradox of Compatibility: The potential problems with exporting a particular model of democracy or participation to another society or culture.

Énoncés de mission ou vision; règlements et formulaires (par exemple, d’adhésion); outils d’évaluation; modèles D. Paradoxes of Power: Concerning the locus, nature, and specific exercise of power in the organization— for example, “Be independent, just as I have commanded you!”

1. Paradox of Control: Encountering less, not more, freedom within team-based structures, at the group level or at the system-wide (organizational) level.

2. Paradox of Leadership: Waiting for a charismatic leader to inspire, create, and maintain democracy.

3. Paradox of Homogeneity: Failing to see the value of resistance or oppositional voices; excessive valuing of agreement, cooperation, and consensus, while preaching diversity of opinion.

Outils de contrôle (de gestion, de surveillance, etc.); textes et politiques

Si l’article de Stohl et Cheney (2001) permet de répertorier les nombreux paradoxes que sont susceptibles de créer les organisations démocratiques, hormis la présentation de trois stratégies génériques de gestion des paradoxes (coping, change, creative synthesis), il ne nous renseigne pas sur les pratiques concrètes par lesquelles les acteurs parviennent à évoluer en de tels contextes, et encore moins sur les outils sociomatériels impliqués. On constate qu’au-delà des espaces et forums, de certains textes et de la structure formelle souvent repérés jusqu’à maintenant dans la recension, d’autres outils sociomatériels sont susceptibles de médiatiser les tensions et paradoxes liés à la participation. Il s’agit là de pistes que nous poursuivrons dans les articles de cette thèse.

Certaines des tensions identifiées par Stohl et Cheney ont toutefois fait, directement ou indirectement, l’objet d’études plus appliquées. À partir de l’étude, respectivement, de banques de l’économie sociale et de d’entreprises d’économie sociale en aide domestique, Caire (2009) et Jetté et Lévesque (2003) font ressortir comment l’espace démocratique que représente l’assemblée générale des membres n’est pas toujours utilisé à son plein potentiel. Alors que Caire (2009) dresse le récit détaillé d’assemblées générales « à sens unique », Jetté et Lévesque (2003) notent comment l’assemblée générale de nombreuses entreprises d’économie sociale en aide domestique (dont des coopératives de solidarité) affiche des taux de participation très bas, du moins chez les membres utilisateurs et de soutien.25 L’étude d’autres coopératives de solidarité démontre aussi une faible participation à l’assemblée générale de ces mêmes catégories de membres (Langlois, 2004a et 2004b).26 On remarque par ailleurs que du côté des utilisateurs, les « structures […] et de représentations institutionnelles (présence d’usagers au CA) […] demeurent soit investies faiblement, soit occupées de façon individuelle » (Jetté et Lévesque, 2003 : 174). C’est ainsi que l’on peut ici souligner la possibilité d’un lien entre l’intensité de la participation et celle du lien d’usage, sur

25 Pour Jetté et Lévesque (2003 : 174) il apparaît d’ailleurs « évident que dans les cas soumis, les

usagers constituent un acteur avec une « faible » influence par rapport au pouvoir de gestion des directions ou d’autres acteurs présents dans les conseils d’administration bénéficiant du poids et de la légitimité d’un établissement ou d’une organisation (CLSC, organismes communautaires, CDEC, etc.). »

26 Dans le cas de la coopérative de solidarité en alimentation naturelle l’Églantier, par exemple,

Langlois et Girard (2005 : 36-37) soulignent que « malgré les efforts des administrateurs pour inciter la participation au moyen de bulletins d’information et de soupers anniversaires, seulement 6,16 % des membres se sont présentés lors de l’assemblée générale de 2004. Les membres travailleurs sont ceux qui ont démontré la plus grande participation, avec 80 % des membres présents. Les membres de soutien, présents à 8,33 %, et les membres utilisateurs, présents à 4,74 %, ne paraissent pas concernés par leur rôle à jouer au sein de la coopérative. »

laquelle il sied ici d’élaborer. Nous reproduisons ici un long extrait d’un texte de Bouchard (non daté), qui résume très adéquatement le lien entre participation et lien d’usage :

La création d'une EC [entreprise collective] résulte de l'identification de besoins qui ne sont pas couverts par le marché ou par le secteur public, mais qui sont d'une importance certaine pour des individus et des groupes sociaux. La mobilisation des ressources humaines et financières à l'origine du projet s'explique donc en partie par la nécessité de répondre aux besoins des populations intéressées. Plus cette activité est importante pour l'usager, plus il tendra à donner de l'importance à l'EC. Ainsi, l'EC qui fournit du travail (collectif de femmes, coopérative de travailleurs, etc.) verra probablement la majorité de ses membres s'impliquer activement dans sa gestion et son contrôle. L'organisation qui produit un service utilisé seulement quelques fois dans l'année ou dans la vie (une maternité, par exemple) sera vraisemblablement moins investie par ses usagères mais sera en revanche prise en charge par les militantes et les professionnels qui y œuvrent. La notion de d'intensité du lien d'usage rend compte de cette réalité. Cette intensité peut être mesurée, suivant Claude Vienney (1980), par la part que cette activité occupe dans l'ensemble des activités de l'individu. Ainsi, pour un petit exploitant dont l'agriculture ne représente qu'une fraction de ses revenus, le regroupement de producteurs n'aura pas la même importance que pour celui qui dépend entièrement de ses recettes agricoles. L'intensité du lien d'usage peut aussi varier dans le temps. La mise en route du projet est très mobilisatrice mais le militantisme peut parfois décliner une fois que la réponse a été donnée au besoin ressenti. L'arrivée de concurrents peut également affaiblir l'intensité du lien d'usage avec l'EC, qui n'est plus seule à offrir les mêmes services. Le lien d'usage est donc une clé fondamentale pour l'analyse stratégique dans les EC. Plus le lien d'usage est fort, plus l'EC peut compter sur l'engagement de ses membres associés.

Remettant nos lunettes sociomatérielles, on voit que la nature même des biens et services offerts par la coopérative pourrait médiatiser les tensions de participation. En effet, au-delà des règles et de la structure, on peut supposer que plus le bien ou service produit sera important et central dans la vie des membres, plus ceux-ci se sentiront concernés par la gestion et la gouvernance de l’organisation, et plus ils seront donc susceptibles de vouloir s’impliquer dans ses instances démocratiques.

Sans aborder la dimension sociomatérielle des pratiques, l’étude de la coopérative indienne SAMITI par Varman et Chakrabarti (2004) permet de constater l’importance du lien d’usage (le travail, dans ce cas) sur l’implication des membres, laquelle est tout de même fortement façonnée par la culture. Dans le cas étudié, la culture joue un rôle fort important. En effet, Varman et Chakrabarti démontrent comment l’organisation, démocratique, s’inscrit tout de même dans le contexte indien marqué par les castes, et donc comment, dans les relations entre les membres, théoriquement égaux au sein des instances démocratiques de SAMITI, se reproduisent des dynamiques inégalitaires de la société. Varman et Chakrabarti insistent

sur le manque de conscience démocratique des travailleurs (démontrant le fort conditionnement par le système indien hiérarchique de castes, dont ils occupent les inférieures) ; sur les limites de leur participation économique, et sur la reproduction, paradoxale, d’une hiérarchie sociale au sein de l’organisation démocratique de SAMITI (dominée par les associés de la classe moyenne, fondateurs). À partir d’une étude menée dans des environnements culturels bien différents de l’Inde (i.e. le Québec et le Brésil), Barros (2010) conclut à des résultats similaires quant au rôle déterminant du contexte culturel sur des organisations alternatives, dont le discours fortement émancipatoire ne se traduit pas par des pratiques en conséquence.

En plus de résultats suggérant l’impact de la culture sur les organisations, ces études partagent une approche sur laquelle nous souhaitons élaborer. Comme c’est souvent le cas de nombreuses études ayant porté sur les contradictions vécues dans les organisations alternatives, les travaux de Varman et Chakrabarti (2004) et ceux de Barros (2010) reposent sur une méthodologie de recherche-action participative inscrite dans un paradigme ouvertement critique. En trame de fond de ces travaux se lit la volonté des chercheurs de révéler les structures de domination (le « making the hidden obvious » de Schlechty et Noblit, 1982, cités par Patton, 2002 : 480), de mettre en lumière l’oppression et la manipulation par les élites des classes dominées et la potentielle émancipation de ces dernières (Alvesson et Willmott, 1992 ; Boltanski, 2009). La citation suivante, de Barros (2010 : 180), illustre particulièrement bien cette volonté de dévoilement : « Our own

interpretation of this incongruence suggests that perhaps these individuals do not yet consider their organizational world as a source of oppression that could affect its member’s

[sic] emancipation project. »

Nous formulons ici deux commentaires. Tout d’abord - et en lien direct avec ce que nous avons précédemment argué au sujet du déterminisme de certains écrits sur l’identité organisationnelle - , malgré une volonté de se pencher sur les pratiques concrètes des acteurs, nous observons dans les écrits critiques une économie des différences individuelles et une tendance à former des blocs monolithiques d’acteurs, soit dominants, soit dominés (Nord et Jermier, 1992).

Notre deuxième commentaire a trait à la façon par laquelle les auteurs critiques traitent les contradictions observées. Dans les écrits inscrits dans le paradigme critique, les

contradictions sont centrales à l’analyse et vues comme vectrices de changement social (Benson, 1977 ; Burrell et Morgan, 1979 ; Séguin et Chanlat, 1988). Dans l’approche dialectique de Benson (1977 : 5 et 16), les contradictions peuvent : occasionner des crises et des dislocations qui activent la recherche d’arrangements sociaux alternatifs ; être combinées de sorte à faciliter ou à fomenter la mobilisation sociale ; ou définir les limites de changement dans une période ou un système. Stabilité et changement s’expliquent donc par l’équilibre du pouvoir entre entités opposées ; les luttes et arrangements qui maintiennent le statu quo entre les forces opposées produisent la stabilité et il y a changement lorsque l’une des force augmente son pouvoir et compromet le statu quo (van de Ven et Poole, 1995 : 517). Alors, la thèse affronte l’anti-thèse et la résolution produit la synthèse, qui est par définition une nouvelle construction qui se distingue de la thèse et de la synthèse – et non pas l’acceptation, le maintien du paradoxe. La citation suivante, tirée de Hernandez (2006 : 129), exprime exactement notre propos :

Most scholars of cooperativism have recognized this contradiction [entre la démocratie formelle et l’oligarchie observée]. However, earlier research was

embedded in the debate over whether democracy or oligarchy, true cooperativism or deteriorated forms, would eventually be the fate of these organizations (Bernstein, 1976, 1980; Apthorpe et al., 1977; Gunn, 1984; Müller, 1991; Rothschild and Whitt, 1986; Thomas Isaac et al., 1998). Since the 1980s, scholars have recognized the conflictual character of cooperatives, but do so from a predominantly ‘dialectic perspective’ (Rothschild and Whitt, 1986; Thomas Isaac et al., 1998; Greenberg, 1986; Whyte and Whyte, 1991), seeking to understand the way the organizations find resolutions to the conflicts, and paying particular attention to the forces that sustain democracy. More recently, scholars have shifted their perspectives to the consideration of paradox as a paradigm (Cornforth, 1995, 2004; Westenholz, 1999).

Mettant en application cette approche ou perspective du paradoxe, l’analyse politique d’une