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Chapitre 1 : Revue des travaux antérieurs

1.4. Qualité de la viande

1.4.3. Tendreté

Selon plusieurs auteurs, la tendreté de la viande serait le critère qualitatif le plus important pour la qualité de la viande (Palka et Daun, 1999; Christensen et al., 2000; O’Sullivan et Kerry, 2009). La tendreté d’une viande peut être évaluée par l’homme à l’aide de son palais et de ses dents. Il y a trois aspects à vérifier pour la tendreté de la viande (Lawrie et Ledward, 2006). Le premier est la facilité de la pénétration de la viande par les dents (Lawrie, 2006). Le deuxième est la facilité de la viande à se fragmenter et le dernier aspect est la quantité de résidus restant après la mastication (Lawrie et Ledward, 2006). Il y a eu plusieurs tentatives pour concevoir des méthodes physiques et chimiques objectives pour évaluer la tendreté de la viande en comparaison à l’évaluation subjective à l’aide de jurys de dégustation (Lawrie et Ledward, 2006). Par contre, la complexité du processus de mastication de l’homme est compliquée à dupliquer (Lawrie et Ledward, 2006). Plusieurs dispositifs ont été développés, durant plusieurs années, pour mesurer la tendreté de la viande (Lawrie et Ledward, 2006). Celui qui est maintenant le plus utilisé est le dispositif Warner- Bratzler qui mesure la force de cisaillement en Newton ou en kilogramme (Lawrie et Ledward, 2006). Pour convertir les kilogrammes en newtons (N), il suffit de multiplier les kilogrammes par l’accélération gravitationnelle 9.8 m/s² et l’opération inverse pour convertir les newtons (N) en kilogrammes. Ainsi, la tendreté d’une viande se mesure par la force de cisaillement, puisque cette force combine la pénétration de la viande par les dents, la fragmentation de celle-ci par les dents et la mastication (Lawrie et Ledward, 2006). Selon l’étude de Destefanis et collaborateurs (2008), une viande tendre a une force de cisaillement inférieure à 32.96 N et une force de 62.59 N pour une viande dure. Pour ce qui est de la force entre 32.96 N et 62.59 N, la viande est considérée normale pour une viande de bœuf (Destefanis et al., 2008).

Il y a plusieurs facteurs qui peuvent faire varier la tendreté de la viande, comme la quantité et la qualité du tissu conjonctif et la longueur des sarcomères (King et al., 2009). Le tissu conjonctif est composé principalement de collagène. Il fournit un support au muscle et il transfère la force nécessaire pendant la contraction du squelette (King et al., 2009). La tendreté varie en fonction de l’âge de l’animal, de son sexe, de son poids vif, de sa race et du stress avant l’abatage (Muchenje

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et al., 2009). Une autre cause de la variation de la tendreté de la viande est le changement de la structure des protéines de la fibre dans le muscle dans la période entre l’abattage de l’animal et la consommation de la viande (Muchenje et al, 2009). Par exemple, si la carcasse est réfrigérée trop tôt soit immédiatement après l’abattage, les fibres musculaires vont se contracter très rapidement, et le résultat va être un raccourcissement des fibres musculaires dû au froid aussi appelé « cold- shortening », ce sujet a été traité à la section 1.4.2. En conséquence, plus la viande est dure, plus la force demandée pour cisailler la viande est élevée (Muchenje et al., 2009).

De plus, la cuisson de la viande influence également la tendreté. Si la viande est cuite à une température élevée, sa tendreté se voit réduite. Par contre, les temps de cuisson qui sont longs, comme pour la viande bouillie, peuvent rendre la viande plus tendre, car la présence de tissus conjonctifs non solubles est convertie en gélatine par une cuisson lente sur feu doux (Warriss, 2000). L’étude de Fabre et al., (2018) a démontré l’effet des méthodes de cuisson sur la tendreté des différents muscles dans la viande de bœuf. Une différence significative a été observée pour la valeur de la force de cisaillement pour le four et la plaque à cuisson (P<0,05) pour les steaks des muscles longissimus thoracis (LT), semimembranosus (SM) et biceps femoris (BF). Ceux-ci ont une valeur de force de cisaillement plus élevée pour la cuisson au four que sur la plaque (Tableau 1-9). Pour le steak du muscle semitendinosus (SM), une valeur plus élevée pour la cuisson au four a été observée par rapport à la méthode sur plaque et bouillie (P<0.05) (Tableau 1-9). Selon une cote de tendreté de la viande de Destefanis et al. (2008), la viande cuite au four serait ‘’dure’’. Celle cuite sur plaque de cuisson serait ‘’intermédiaire’’ pour les muscles SM, LT et ST et ‘’dure’’ pour le muscle BF. La viande bouillie serait ‘’intermédiaire’’ pour les muscles LT et ST et ‘’dure’’ pour le SM et BF. Pour le paramètre de perte en eau à la cuisson, pour tous les muscles, la perte est plus élevée pour la cuisson au four (P <0,05) (Tableau 1-9). La perte en eau à la cuisson élevée peut être associée avec le temps de cuisson plus élevé soit 120 minutes, comparé à 15 minutes et la grosseur de l’échantillon pour une température entre 60 et 70 °C. À cette température, le réseau du tissu conjonctif et les fibres musculaires rétrécissent longitudinalement (Fabre et al., 2018). Le rétrécissement augmente la perte en eau à la cuisson, car cela augmente la quantité de protéine myofibrillaire et de collagène par unité de surface cisaillée, donnant donc lieu à une viande moins tendre (Tornberg, 2005). Par ailleurs, le collagène vient prendre la place de l’eau dans le muscle, ce qui fait diminuer la taille de la fibre musculaire et augmenter la perte en eau (Tornberg, 2005). Ceci peut expliquer les valeurs de force de cisaillement plus élevée de l’étude.

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Tableau 1-9 : La valeur de la force de cisaillement (WBSF) et la perte en eau à la cuisson pour les muscles longissimus thoracis (LT), semitendinosus (ST), semimembranosus (SM), biceps

Adapté de Fabre et al. (2018)

LT ST SM BF Méthode de cuisson WBSF (N) Four 59,8b 57,9b 65,7b 64,7b Plaque de cuisson 38,3a 43,2a 51,0a 53,0a Bain d'eau 50,0ab 46,1ab 58,8ab 56,9ab SEM 4,1 2,8 4,7 2,6

Perte en eau à la cuisson (%) Four 39,9c 39,6b 35,4b 38,1b

Plaque de cuisson 25,7b 28,5a 26,5a 25,6a

Bain d'eau 16,0a 25,0a 25,0a 23,2a

SEM 1,4 1,3 2,0 1,5

abc Les différentes lettres dans les mêmes colonnes et paramètres indiquent une différence significative (P<0,05)

L’étude de Pipek et al. (2003) a recherché l’influence de la manipulation des animaux à l’abattoir sur la qualité de la viande. Les auteurs ont montré qu’il n’y a pas de différence pour la tendreté de la viande pour le côté droit ou gauche du bœuf (Tableau 1-10). De plus, la manipulation des animaux n’a pas d’effet sur la tendreté de la viande (Tableau 1-10). Par contre, celle-ci est influencée par le sexe des animaux. La viande des taures et des vaches est plus tendre que celle des taureaux, un constat qui est probablement dû à la teneur élevée en gras dans la viande des femelles (Pipek et al., 2003). Par ailleurs, le logement des animaux à l’abattoir à un effet sur la viande. Les animaux logés individuellement semblent avoir une viande plus tendre que celle des animaux logés en groupes. Par contre, il est difficile de qualifier ces résultats de significatifs, l’étude ne donnant pas de valeur de P (Tableau 1-10). Les mêmes résultats ont été observés dans l’étude de Xiccato et al. (2002) : la viande est plus dure également chez les veaux élevés en groupes contrairement aux élevages en cages individuelles. Ceci peut être expliqué par le fait que les veaux élevés en groupes font plus d’activités physiques que les animaux en cages. En conséquence, leur viande est souvent plus maigre et les viandes maigres ont tendance à être moins tendres, avec une force de cisaillement plus élevée (Xiccato et al., 2002).

Tableau 1-10 : L’effet de la force de cisaillement mesurée pour le muscle longissimus lumborum et thoracis dans différents groupes d'animaux Adapté de Pipek et al. (2003)

Côté du boeuf Taureaux ind. Taureaux groupes Vaches groupes Taures

Force de Droit 34,8 ± 4,7 47,8 ± 10,7 29,9 ± 2,1 26,4 ± 1,0

Cisaillement (N) Gauche 38,7 ± 2,8 52,0 ±11,1 34,3 ± 3,2 26,9 ± 0,1

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L’étude de Chulayo et al. (2016) a démontré que le sexe de l’animal avait un impact sur la qualité de la viande. Par ailleurs, les auteurs ont démontré aussi l’effet de l’âge de l’animal sur la qualité de la viande. Leurs résultats ont prouvé que la viande de taures était plus tendre que celle de la vache, car la force de cisaillement était plus faible chez la taure que chez la vache et même le taureau. (Tableau 1-11). De plus, la viande de vache avait un L* significativement plus faible que la viande de taure, donc la viande de taure aurait une couleur plus pâle que la viande de vache (Tableau 1-11). L’indice L* peut être affecté par le gras de la carcasse, l’âge de l’animal, le pHu, le taux en humidité de la viande et les changements en myoglobine dans le muscle (Chulayo et al., 2016; Marenčić et al., 2018). Par ailleurs, le processus de vieillissement de la viande réduit la capacité de la myoglobine à se lier à l’oxygène. Ceci est en lien avec le fait que les animaux plus vieux ont habituellement une couleur de viande plus foncée, car la myoglobine se lie difficilement à l’oxygène (Marenčić et al., 2018). Les animaux qui sont abattus à un âge plus vieux ont une qualité de viande différente de celle des plus jeunes. Plus l’âge de l’animal augmente plus le poids à l’abattage augmente, mais ils vont avoir aussi un ralentissement de la croissance et une augmentation du gras intra et intermusculaire, donc plus de collagène (Marenčić et al., 2018). Le collagène augmente avec l’âge de l’animal et des liens chimiques se créent entre les fibres de collagène, ce qui fait diminuer la tendreté de la viande (Muchenje et al., 2009). Tous ces facteurs amènent une diminution de la tendreté des fibres musculaires des animaux plus vieux (Marenčić et al., 2018).

Tableau 1-11 : Effet de la classe de l'animal sur les paramètres de qualité de la viande Adapté de Chulayo et al. (2016)

Paramètres Classe de l'animal Signification1

Taures (n=39) Taureaux (n=38) Vaches (n=33)

pHu 5,79 ± 0,024 5,73 ± 0,031 5,88 ± 0,031 NS

L* 33,57b ± 0,508 32,26b ± 0,655 29,31a ± 0,657 *

a* 17,47 ± 0,378 16,74 ± 0,487 18,73 ± 0,489 NS

b* 12,74 ± 0,375 12,88 ± 0,483 13,43 ± 0,485 NS

WBSF 42,10 ± 2,037 50,77 ± 2,625 58,90 ± 2,634 **

a,b moyenne significativement différente

WBSF- Warner Braztler force de cisaillement

1 *, P<0,05; **, P<0,01; ***, P<0,00; NS, pas de différence significative

La longueur des sarcomères, ou myofibrilles, a un effet important sur la qualité de la viande (Swatland, 2002). Les myofibrilles ont un diamètre de 1 µm et sont composées de petites unités que l’on nomme myofilaments (Warriss, 2010; Listrat et al., 2016). La section longitudinale des myofibrilles observées au microscope montre en alternance des bandes foncées (Bandes A) et des

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zones claires (Bandes I) (Figure 1-11). Chaque bande I est divisée en deux portions par la ligne Z. La distance entre deux lignes Z est la longueur des sarcomères, qui est une unité contractile des myofibrilles (Warriss, 2010; Listrat et al., 2016). Les myofilaments minces sont principalement constitués d’actine et les myofilaments épais sont principalement composés de molécules de myosines dont l’activité des ATPase catalyse la dégradation de l’adénosine triphosphate (ATP) en adénosine diphosphate (ADP) et fournit l’énergie requise pour la contraction musculaire (Listrat et al., 2016).

Figure 1-11 : Filament de myosine et d'actine (Listrat et al., 2016)

Lors d’une contraction musculaire, il y a un glissement des myofilaments d’actine et de myosine les uns sur les autres et il y a un rapprochement des deux lignes Z l’une de l’autre (Pearson, 1987; Warriss, 2010) (Figure 1-12). Il en résulte un rétrécissement de la longueur des sarcomères causé par le rapprochement des deux lignes Z (Pearson, 1987; Warriss, 2010). Lors du relâchement musculaire, une molécule d’ATP doit se fixer sur la myosine pour enclencher la séparation de l’actine et de la myosine et permettre le retour à l’état initial. Si l’ATP n’est pas disponible, le complexe actine-myosine reste stable (Pearson, 1987; Lepetit et al., 2000; Warriss, 2010). Ces deux myofilaments combinés ensemble forment irréversiblement l’actomyosine et l’extensibilité du

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muscle est perdue (Pearson, 1987; Lepetit et al., 2000; Warriss, 2010). Cette situation se présente souvent après l’abattage des animaux et c’est ce qui explique l’établissement de la rigidité cadavérique (rigor) c’est-à-dire que le muscle reste contracté. Après l’abattage, les muscles demeurent actifs et les contractions musculaires se poursuivent jusqu’à temps que la réserve d’ATP soit épuisée (Warriss, 2010). Si le muscle au stade rigor mortis (rigidité cadavérique) a de courts sarcomères, la viande est dure et a une faible capacité à retenir l’eau (Lepetit et al., 2000; Swatland, 2002). Comme mentionné à la section 1.4.2, la longueur des sarcomères est influencée par la vitesse de refroidissement des carcasses après l’abattage appelé cold shortening (Swatland, 2002). Le cold shortening fait rétrécir la longueur des sarcomères et empêche le pH de la viande de chuter, celui- ci restant au-dessus de 6.1, et la viande est par conséquent moins tendre (Muchenje et al., 2009).

Figure 1-12 : Contraction des filaments d'actine et de myosine (Étudiants scientifiques, 2016)

Selon Maltin et son équipe (2003), les facteurs post-mortem comme la longueur des sarcomères, la température, le pHu et la protéolyse auraient un impact majeur sur la tendreté de la viande. De plus, la composition des fibres et la teneur en collagène combinées avec les facteurs comme la race, la génétique, le génotype, le taux croissance et la nutrition jouent un rôle sur la tendreté de la viande (Maltin et al., 2003).

Lepetit et ses collaborateurs (2000) ont démontré l’effet de la température sur la longueur des sarcomères. Pour l’expérience, les muscles Semimembranosus (SM) et longissimus Dorsi (LD) de trois vaches de réforme de race Friesian ont été utilisés. Les muscles ont été collectés deux heures après l’abattage. La moitié de chacun des muscles a été mise dans la glace et l’autre dans de l’eau à 15°C. Après 24 h, tous les morceaux de viande ont été placés à 4°C pour une durée de 14 jours. Les auteurs ont observé que pour la viande normale et la viande contractée, il y avait une légère augmentation de la longueur des sarcomères à une température de 50°C, mais que par la suite, la

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longueur des sarcomères diminuait à partir d’une température de 60°C pour la cuisson de la viande (Figure 1-13). Ainsi, quand la température atteint 60°C, la viande devient moins tendre. La différence de résistance observée autour de 60°C pour la viande normale et celle qui est contractée peut provenir de la modification du collagène dans les fibres (Palka et Daun, 1999; Lepetit et al., 2000). D’autre part, les protéines des filaments épais et minces et de la ligne Z réagissent différemment à la cuisson (Palka et Daun, 1999). La myosine devient insoluble à une température de 55°C, les protéines sarcoplasmiques au-dessus de 65°C et l’actine à une température entre 70 et 80°C (Palka et Daun, 1999). De plus, la perte en eau à la cuisson augmente lorsque la longueur des sarcomères diminue, car si les fibres musculaires sont contractées, l’eau est expulsée (Palka et Daun, 1999; Lepetit et al., 2000). L’étude de Palka et Daun (1999) a obtenu les mêmes résultats que Lepetit et son équipe (2000) pour l’effet de la température sur la longueur des sarcomères (Figure 1-14). La viande pour cette étude provenait de taures et le muscle choisi était le Semitendinosus (ST).

Figure 1-13 : Effet de la température sur de la longueur des sarcomères pour le muscle LD et SM

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Figure 1-14 : L'effet de la température sur la longueur des sarcomères et la perte en eau à la cuisson

(Palka et Daun, 1999)

Christensen et son équipe (2000) ont observé l’effet de la température de la viande sur la tendreté de la viande. Comme il a été vu dans les deux études précédentes (Palka et Daun, 1999; Lepetit et al., 2000), la viande devient plus dure à une température de 60°C comparativement à 40°C. Pour l’expérience de Christensen et al. (2000), le muscle semitendinosus chez des taures de race Friesian a été utilisé. La force de cisaillement est le paramètre utilisé pour voir la tendreté de la viande. Il a été remarqué que la force de cisaillement augmente entre 40°et 50°C et au-dessus de 60°C et 90°C (Figure 1-15). De plus, entre 50° et 60°C, la force de cisaillement de la viande diminue (Figure 1-15). Cette augmentation de la tendreté de la viande reflète les changements thermiques du tissu conjonctif périmysium qui résistent à la traction (Christensen et al., 2000). Il y a deux hausses de dureté de la viande. La première est entre 40°C et 50°C et elle est causée par la dénaturation du tissu conjonctif. La deuxième est quant à elle causée par la dénaturation des protéines myofibrillaires, la myosine et l’actine (Christensen et al., 2000).

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Figure 1-15 : L'effet de la température à la cuisson sur la force de cisaillement (Christensen et al., 2000)

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