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Chapitre 1 : Revue des travaux antérieurs

1.5. Alimentation

1.5.2 Gourgane (Vicia faba)

Dans les dernières années, plusieurs équipes ont étudié l’alimentation des ruminants contenant seulement une source de protéine provenant des légumineuses comme le lupin, la gourgane et le pois. Ces derniers peuvent être une alternative au tourteau de soya couramment utilisé. Différents auteurs ont rapporté que l’utilisation de ces légumineuses dans l’alimentation animale n’a pas d’effets négatifs sur les performances de productions des animaux dont la croissance de l’animal, le poids carcasse et la qualité de la viande (Bonanno et al., 2012; Facciolongo et al., 2015). Toutefois, certaines légumineuses comme les pois chiches et les pois affectent le gras intramusculaire en augmentant le nombre total de gras polyinsaturés. Ils améliorent ainsi les propriétés organoleptiques et physiques de la viande comparativement aux rations avec du tourteau de soya (Bonanno et al., 2012).

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La gourgane (Vicia faba major L.) peut être considérée comme une source potentielle de protéine et d’énergie dans une ration alimentaire pour les animaux (Emiola et Gous, 2011). Elle a une teneur en acides aminés similaire au soya excepté pour la teneur en méthionine qui est plus faible (Tableau 1-15). Meijer et son équipe (1994) étaient plutôt d’un autre avis. Selon eux, la gourgane aurait une valeur nutritionnelle faible et son utilisation dans l’alimentation des animaux devrait se réserver seulement au ruminant. La faible valeur nutritionnelle de la gourgane est causée principalement par la présence de facteurs antinutritionnels, spécialement des tanins condensés (Meijer et al., 1994). Les tanins condensés sont des composés polyphénoliques, avec un poids moléculaire entre 500 et 3000 Da, qui sont capables de précipiter les protéines à partir de solutions aqueuses, affectant négativement l’appétence des aliments et la quantité d’aliments consommés (Meijer et al., 1994). De plus, les tanins condensés sont des produits polymérisés de flavonoïdes, de flavan-3-ol (catéchine) et flavan-3,4-diol (Meijer et al., 1994). Les tanins, en trop grande quantité, sont responsables de la diminution de la croissance, de la faible digestibilité des protéines, de la diminution de la disponibilité des acides aminés et de l’augmentation de l’azote fécal (Meijer et al., 1994). À cause de l’astringence, les tanins condensés affectent aussi négativement l’appétence et la consommation volontaire des animaux (Meijer et al., 1994). La majorité des tanins de la gourgane se retrouvent dans le tégument (Meijer et al. 1994). Ainsi, si la coque est enlevée, on élimine une grande partie des tannins condensés et de la fibre brute (Meijer et al., 1994). Tableau 1-15. Profil en acides aminés du soya et de la gourgane Adapté du NRC (2001).

Acides aminés essentiels (%)

Thréonine Leucine Isoleucine Méthionine Lysine Valine

Soya 3,98 7,81 4,56 1,45 6,27 4,71

Gourgane 3,5 7,44 4,06 0,79 6,38 4,49

Facciolongo et al. (2015) ont expérimenté différentes sources de protéines dans l’alimentation avec des agneaux en finition. Ils ont principalement regardé les effets sur la qualité de la viande. Pour réaliser l’étude, ils ont utilisé 32 agneaux qui ont été divisés dans 4 groupes homogènes de 8 agneaux. Les quatre rations des agneaux étaient balancées afin d’être isoprotéiques et iosénergétiques (Facciolongo et al., 2015). La première ration était du soya (témoin), la deuxième la gourgane, la troisième du lupin et la dernière le pois. Toutes les rations étaient mises en comprimées (Tableau 1-16). Elles étaient toutes isoénergétiques et isoprotéiques. Pour les paramètres de qualité de la viande, il n’y a pas eu de différence significative entre les différentes rations pour le pH au temps zéro et après 24 heures (Facciolongo et al., 2015). Le pH après 24

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heures devait se situer autour de 5.8 et celui-ci a été atteint pour toutes les rations. Pour la force de cisaillement (WBS), il n’y a pas eu de différence significative entre les différents muscles (Tableau 1-17). Même si les valeurs ne sont pas significativement différentes, les auteurs ont remarqué une valeur plus élevée chez les agneaux nourris avec le soya, probablement parce que leur carcasse contenait une plus faible quantité de gras intramusculaire contrairement aux autres groupes (Facciolongo et al., 2015). Il a été démontré que le gras intramusculaire, c’est-à-dire le persillage, sépare et dilue la fibre périmisale, désorganise la structure intramusculaire des tissus conjonctifs et augmente leur résistance (Hocquette et al., 2010; Facciolongo et al., 2015). Pour la couleur de la viande, le type de ration n’a pas eu d’influence sur les trois paramètres de couleur de la viande, soient L*, a*, b* (Tableau 1-17). Pour la perte en eau à la cuisson, celle-ci s’est située entre 20.26 et 21.23% et elle n’a pas été influencée par les rations. Par contre, elle a eu tendance à être meilleure avec la ration contenant du soya. Ceci est probablement dû au pH24 plus élevé enregistré pour cette viande (Facciolongo et al., 2015). Quelques études ont observé une corrélation positive entre le pHu et la perte en eau à la cuisson (Bouton et al., 1971; Lawrie et Ledward, 2006; Facciolongo et al., 2015).

Tableau 1-16. Ingrédient et composition chimique (%) des rations Adapté de Facciolongo et al. (2014)

Soya

Gourgane

Lupin

Pois

Maïs

12,0

12,0

18,0

10,0

Avoine

18,0

15,0

12,0

8,0

Orge

12,0

5,0

26,0

Luzerne

17,5

17,0

5,0

22,5

Paille

5,0

4,0

8,5

3,0

Mélasse

1,7

1,7

1,7

1,7

Tourteau soya

12,0

Tourteau gourgane

25,0

Tourteau lupin

25,0

Tourteau pois

25,0

Huile de soya

1,0

1,0

1,0

Farine blé

17,0

15,5

25,0

Protéine Brute

16,88

17,1

17,2

16,3

ME (MJ/kg)

11,1

11,1

10,82

11,1

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Tableau 1-17 : L'effet de l'alimentation avec différentes protéines, le soya, la gourgane, le lupin et le pois sur les différents paramètres du muscle longissimus dorsi (LD) et semimembranosus (SM) Adapté de Facciolongo et al. (2015)

Ration (R) Valeur F Valeur F

Paramètres

Muscle

(M) Soya Gourgane Lupin Pois SD1 R M R x M

pHu LD 6,79 6,69 6,74 6,86 0,175 2,46 0,01 0,54 SM 6,72 6,79 6,71 6,82 pH24 LD 5,85 5,71 5,81 5,83 0,245 1,84 0,4 0,87 SM 5,85 5,63 5,7 5,87 WBS (kg/cm2) LD 2,7 2,54 2,48 2,17 0,702 0,1 0,8 0,22 Force de cisaillement SM 2,7 2,62 2,59 2,65 L* LD 40,08 39,6 40,75 39,46 1,226 3,73 1,03 0,35 SM 40,9 39,95 40,81 39,5 a* LD 9,21 9,54 8,71 9,44 0,563 0,97 3,79 2,62 SM 8,86 8,84 9,08 8,94 b* LD 8,06 8,37 8,47 8,54 0,55 0,47 1,19 1,28 SM 8,37 8,04 8,15 8,25

Perte en eau à la cuisson (%) 21,23 20,54 20,44 20,26 4,582 0,05

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Bonanno et son équipe (2012) ont étudié différentes sources de protéines chez des agneaux mâles de race Comisana en Italie. Quatre groupes homogènes de 7 agneaux ont été formés en fonction de leur âge et de leur poids. Les animaux ont été abattus à 129 ± 6 jours. Ils ont reçu du foin de luzerne et des concentrés à volonté. Le concentré utilisé était de l’orge mélangée avec une des quatre sources de protéines c’est-à-dire des concentrés soit à base de gourgane, de pois chiches, de pois ou de tourteau de soya. Les concentrés étaient isoprotéiques avec une protéine brute entre 20 et 21%. Pour ce qui est des paramètres de croissance, le poids final et le gain moyen quotidien étaient similaires pour les quatre rations (Tableau 1-18). Ainsi, les différentes rations ont montré une croissance uniforme des agneaux. Les quantités en matière sèche et en protéine brute du foin de luzerne consommées n’ont pas différé entre les groupes. Cependant, les quantités de matière sèche et de protéine brute ingérées provenant des concentrés étaient significativement plus élevées pour certaines légumineuses, comme le pois chiche (Tableau 1-18). Même si les animaux ont ingéré plus de pois chiches et moins de tourteau de soya, aucune différence significative n’a été remarquée pour la conversion alimentaire et le gain moyen quotidien entre les rations. De plus, il n’y a eu aucune différence significative pour les paramètres de qualité de la viande, comme la couleur (a*, b*, L*), la perte en eau à la cuisson, la force de cisaillement et l’humidité ou la perte en eau.

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Tableau 1-18 : Effet de différentes rations avec des grains de légumes (féverole, pois, pois chiche) et de soya dans les concentrés sur les paramètres de croissance et de qualité de la viande sur des agneaux Adapté de Bonanno et al. (2012)

Concentré

Pois Chiche Féverole Pois Soya SEM P1

Paramètres de croissance

Poids initial 17,3 17,8 17,4 17,1 1,22 n.s.

Poids final 25,7 26,3 26,2 26,0 1,76 n.s.

Gain (81-129 jours) (g/jour) 175 178 184 186 19,6 n.s.

Prise alimentaire quotidienne (g/tête)

DM foin 337 306 343 305 19,5 n.s.

DM concentré 588a 520ab 546ab 495b 22,2 0,024

PB foin 61,1 55,4 62,1 55,3 3,54 n.s.

PB concentré 121a 110ab 117ab 103b 4,65 0,038

Paramètres de qualité de la viande

pH à 24h 6,43 6,09 6,16 6,02 0,13 n.s.

L* 44,10 46,40 45,20 44,90 1,53 n.s.

a* 20,40 19,00 20,10 18,80 0,84 n.s.

b* 7,34 6,55 7,18 6,93 0,69 n.s.

Perte en eau à la cuisson (%) 27,60 26,70 25,20 27,10 1,11 n.s.

WBS (kg cm-2) 4,30 3,14 3,10 3,32 0,36 n.s.

Humidité (g/kg) 736 739 737 741 5,96 n.s.

Isomère de ALC 0,51a 0,58a 0,15b 0,16b 0,092 0,003

SEM, Erreur standard de la moyenne

1 n.s., Pas de différence significative P >0.10

De plus, la quantité d’acide ruménique, qui est le principal isomère d’acide linoléique conjuguée (ACL, C18 : 2 cis-9, trans-11) et une molécule reconnue pour ses effets bénéfiques sur la santé humaine, n’a pas été influencé par les différentes rations (Bonanno et al., 2012). Cependant, la quantité totale des autres acides linoléiques conjugués était élevée dans le gras intramusculaire des agneaux nourris avec le pois chiche et la gourgane (Bonanno et al., 2012). Il est donc possible chez l’agneau de substituer le concentré de soya par d’autres légumineuses (Bonanno et al., 2012).

L’expérience de Meijer et ses collaborateurs (1994) a permis d’analyser la composition chimique de la fève entière de la féverole, de la féverole sans sa coque et de la coque seule. Les tanins condensés, la protéine brute, le gras brut, la cendre totale et l’extraction de l’azote libre ont été analysés. On retrouve dans le tégument la majorité des tannins condensés tandis que la protéine brute et l’azote libre sont principalement localisés dans le cotylédon (Meijer et al, 1994). La digestibilité in vitro de la fève entière de la féverole pour le porc était de 92% pour la protéine brute et 86% pour la matière organique (Tableau 1-19). La digestibilité in vitro de la protéine brute et de

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la matière organique ont été numériquement améliorées respectivement de 4% et 13% quand la coque a été enlevée (Tableau 1-19). Par contre, dans cette publication, aucune analyse statistique n’indique si cette différence est statistiquement significative ou non. De plus, la fève sans sa coque aurait tendance à être plus facilement digestible que la fève entière.

Tableau 1-19 : Composition chimique et digestibilité in vitro chez le porc de la protéine brute et de la matière organique de la fève entière de la féverole, de sa fève sans coque et de sa coque seule Adapté de Meijer et al. (1994)

Fève entière Fève sans coque Coque

Composition chimique (g/ 100 g matière sèche)

Tanins condensés 0,57 0,06 3,36

Protéine brute 29,2 33,2 4,4

Gras brut 1,1 1,2 0,2

Total des cendres 5 4,9 2,8

N libre extrait 56,7 59,4 39,4

In vitro digestibilité (%)

Protéine brute 92 96 n.d.

Matière organique 86 99 2

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