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dienne : les agendas pour les rendez-vous, les horaires pour les transports en commun, les services et commerces ou encore les spectacles. Enfin, pour beaucoup d’activités, la notion de rapidité s’est imposée, que ce soit dans l’industrie où il faut toujours produire de plus en plus vite ou dans les compétitions sportives souvent (mais pas toujours) basées sur des critères de vitesse.

3.3 Le temps dans le langage naturel

Étant donné l’importance de la notion de temps, il n’est donc pas vraiment surprenant de voir appa- raître, dans de nombreux textes, une grande quantité de marques temporelles. Leur utilité est d’orga- niser les diverses informations dans l’espace du temps.

L’étude de la temporalité dans le langage naturel a été abordée au travers de nombreux domaines de recherche : la linguistique, les théories du discours, la logique, l’extraction d’information ou encore l’ingénierie des connaissances. Si ces travaux abordent tous le sujet selon un point de vue différent, il existe évidemment de nombreux points communs ou d’interconnexions entre ceux-ci. Il n’est pas pour autant facile d’obtenir une vue d’ensemble tant les différentes approches semblent concentrées sur le point spécifique qui les occupe. Il faut reconnaître que la complexité du problème, ou des problèmes, posé(s) par le traitement du temps en langage naturel ne permet souvent pas de l’aborder sous tous ses aspects.

Dans les chapitres suivants, quelques-unes des théories les plus importantes sont abordées afin de brosser un aperçu de ces différentes approches. Nous allons cependant dès à présent évoquer quelques exemples qui vont permettre de donner une première intuition des obstacles rencontrés lors du trai- tement du temps dans les textes en langage naturel.

L’information temporelle apparaît souvent de manière directe par l’intermédiaire d’expressions tem- porelles, souvent adverbiales :

« le 25 mai 2009 », « jeudi »,

« ce soir ».

Il existe cependant de nombreux autres moyens d’exprimer la notion de temps. L’emploi des temps morphologiques permet par exemple de placer le propos dans le présent, le futur ou le passé. Cer- taines constructions syntaxiques apportent également des éléments d’informations. Il existe aussi des connecteurs qui ont une dimension temporelle, comme « et » qui peut marquer la succession de deux actions. De manière générale, l’agencement des phrases et des propositions au sein du discours a son importance. Qu’il s’agisse de propositions simplement juxtaposées, de propositions coordonnées ou subordonnées, il y a souvent une indication sur la temporalité des événements qui peut être déduite :

« Il traversa la rue prudemment car les voitures roulaient rapidement. Il prit un taxi pour se rendre à l’aéroport »,

« Il a raté son bus car il s’est levé trop tard »,

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« Il a rattrapé le bus qu’il avait raté ».

Enfin, les événements en eux-mêmes possèdent une dimension temporelle implicite :

« La bombe a explosé »,

« Il a été flashé sur l’autoroute »,

expriment des événements qui semblent être instantanés. Au contraire :

« Il a traversé la Manche à la nage », « Il a attrapé un coup de soleil »,

évoquent plutôt des actions qui ont nécessité un certain temps pour s’accomplir.

Les dates telles que « le vendredi 26 juin 2009 » sont des références temporelles, dites absolues, qui sont très faciles à interpréter car elles se rapportent directement à un élément déterminé du calendrier ou à une section sur une ligne du temps. Il existe cependant des moyens moins directs pour dési- gner un moment dans le temps. Certaines expressions temporelles, désignées comme relatives, telles que :

« hier », « jeudi », « à 20 heures » « il y a une semaine »,

doivent être interprétées dans le contexte temporel de l’énonciation. D’autres encore sont exprimées par rapport au contexte défini par le discours, comme

« la veille »,

« trois mois plus tard ».

L’exemple suivant illustre la différence entre ces deux cas :

« Il y a une semaine, Luc a mangé au restaurant et a eu une intoxication alimentaire. Trois jours après, il en était encore malade ».

Pour localiser le moment du repas, on recule d’une semaine par rapport au moment de l’énonciation, alors que pour déterminer le moment auquel Luc est toujours malade, on effectue un déplacement en

avant par rapport au moment auquel l’intoxication s’est déclarée.

Enfin, la localisation temporelle peut aussi s’effectuer relativement à un point explicitement donné avec l’expression temporelle, mais dont la localisation temporelle précise s’appuie sur une connais-

sance du monde, qui n’est pas nécessairement connue (« trois jours après sa victoire »).

Lors de la production d’un texte, le scripteur aura parfois recours à des expressions temporelles qui lui permettent de rester imprécis quant à la localisation temporelle de son propos. Ces expressions peuvent par exemple être énoncées à l’aide d’une préposition qui permet de rendre imprécise l’iden- tification d’un point :

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« vers 15 heures »,

« au début des années soixante ».

L’imprécision peut aussi provenir du déplacement temporel par rapport à un point de référence qui est lui précis :

« environ une heure plus tard », « environ une heure après 20 heures ».

Notons également qu’une expression telle que « il y a un an » ne s’interprète pas nécessairement comme étant l’instant situé exactement 3655jours plus tôt.

Ce dernier exemple introduit le concept de granularité. Nous avons vu qu’au cours de l’histoire différentes unités ont été définies afin de mesurer le temps. Celles-ci sont utilisées en fonction de ce qui est situé dans le temps. Pour évoquer un mandat présidentiel, on ne fait pas référence au temps au moyen des mêmes unités que lorsque le sujet est un 100 mètres. Il serait tout à fait inadapté de dire que la fonction présidentielle s’exerce normalement sur 157.680.000 secondes (5 ans) et que le 100 mètres peut être couru en6, 34e−08années (10 secondes). À chaque type d’événement correspond une granularité naturelle, à partir de laquelle il est le plus commode de l’évoquer. Évidemment, il arrive souvent que plusieurs granularités puissent convenir. Il est alors possible de passer de l’une à l’autre :

« Il a été nommé au poste de Premier Ministre ce vendredi », « Il a été nommé au poste de Premier Ministre en 2010 ».

L’information véhiculée par ces deux phrases est similaire car elle correspond au même fait objectif, mais n’est cependant pas tout à fait identique en ce qui concerne la précision de la localisation temporelle. En langage naturel, un locuteur peut choisir d’utiliser une unité temporelle différente de la granularité naturelle et ainsi produire un effet d’imprécision. Ce mécanisme peut être utilisé lorsqu’il juge que, dans le contexte de sa conversation, son propos ne mérite pas un niveau de précision plus élevé

« Son anniversaire est en mars »,

ou tout simplement parce qu’il exprime quelque chose qui est imprécis par nature

« Les navigateurs devraient arriver à destination en décembre ».

L’existence de références temporelles volontairement imprécises induit cependant un phénomène d’ambiguïté. Une proposition telle que

« En septembre, les billets d’avion pour l’Australie seront en promotion »

ne permet pas de conclure sur la période concernée. Il se peut qu’il s’agisse de tout le mois de septembre ou au contraire d’une période précise et plus restreinte de ce mois. D’autres cas ambigus peuvent survenir. La distinction entre une expression générale ou particulière en est un. Avec une

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affirmation telle que

« L’hiver est froid »,

parle-t’on de l’hiver en tant que concept de saison, en tant que période approximative correspondant à la partie de l’année durant laquelle il fait froid, ou encore en tant que période très précise délimitée par deux dates fixes ? Cet exemple introduit d’ailleurs un autre type d’ambiguïté, que l’on ne peut résoudre qu’en ayant certaines connaissances sur le monde et sur le contexte d’énonciation. En ef- fet, le terme « hiver » ne désignera par exemple pas la même période selon que l’on se situe dans l’hémisphère nord ou sud.

Certaines expressions temporelles peuvent également être employées pour désigner l’événement qui a habituellement lieu à ce moment là ou qui a eu lieu à cette date, par exemple :

« le 21 juillet » pour la fête nationale belge,

« le 11 septembre » pour les attentats contre le World Trade Center à New-York en 2001.

Si ces expressions, désignées par Calabrese Steimberg [2008] comme des héméronymes, conservent une certaine valeur temporelle, elles désignent avant tout un événement et non la date à laquelle il s’est produit.

Enfin, il arrive aussi très fréquemment que la caractérisation temporelle des faits exposés dans un texte ne soit pas explicite. La proposition

« Le premier ministre Yves Leterme a déclaré [...] »

exprime implicitement que Yves Leterme a été premier ministre au moment de la rédaction de l’ar- ticle (ou à un autre moment précisé par le contexte).