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Le temps dans le Passé décomposé : « Le temps ce miroir à trois faces

I – Procèdes de la dénonciation :

P. décomposé p.14 (d’après Auguste Babel, cité par Najet lors d’une leçon en

II- Fonctionement de la dénonciation « implicite » 1 / Circularité – Réflexivité - Transformation

2- Le temps dans le Passé décomposé : « Le temps ce miroir à trois faces

Avec ces volets rabattus Futur et passé qui s’effacent J’y vois le présent qui me tue ». (3)

Le temps dans un récit donné ne peut être restituer dans sa totalité, du moins, tout écrivain tente souvent de produire un « effet de réel » dans son œuvre en esquissant un temps narratif qui prend en charge les événements les plus importants, les autres seront enfouis dans le texte (mise en abyme narrative) et font office d’ellipses en faveur d’une certaine accélération narratologique (économie narrative),

1:Harald Weinrich :Le temps. coll. poétique, éd. Seuil : Paris. 1973 p.213

2

:L.Dallenbach. Le récit spéculaire op. cité p.95

ainsi tout événement qui ne peut servir le déroulement narratif fera objet d’une ellipse bien que parfois l’archi-narrateur ne s’empêche pas de le mentionner comme - même, exp. : Zoheir rencontre enfin sa mère Najet et ce fut un grand choc pour elle ensuite, elle le quitte et rentre chez-elle, l’archi-narrateur nous décrit les lieux, nous présente les membres de sa famille ( son mari et ses deux enfants) puis revient sur un évènement qui aurait dû précéder ceux racontés par ce même narrateur : « En le

quittant, Najet n’était pas rentrée directement à la maison. Elle avait roulé longtemps au volant de sa voiture, dans l’espoir de vaincre ses angoisses (…) ».(1)

Cette technique de narration ne sert pas l’économie du temps de la narration plus qu’elle ne sert la démonstration de sa mobilité, qui exige plus un travail de mémoire qu’une chronologie narrative ; et puisque l’écriture du Passé décomposé est une écriture fragmentée ( due à la présence du journal intime) elle engendre ou se sert d’un temps fragmenté « L’écriture, qui permet la lecture et la relecture,

place le créateur et son œuvre dans une temporalité qui n’est plus celle des horloges (…) ». (2)

Ce sont généralement les temps du récit que nous retrouvons au niveau de notre corpus, toutefois, concernant quelques séquences textuelles telles que le dialogue ( style direct) ,le présent demeure le temps le mieux approprié pour ce qui est un « événement immédiat » en restituant toute l’actualité de l’action ou l’événement concerné sans pour autant changer le degré ou l’impact de l’information que l’auteur tente de nous faire parvenir; et par la même permet au mouvement narratif d’évoluer à la bonne vielle méthode en lui assurant une linéarité et réinstaure donc l’équilibre entre les différentes introspection / rétrospections opérées dans le texte et qui parfois créent une certaine instabilité dans l’ordre de la narration, néanmoins, nous constatons que le Passé décomposé est assez pauvre on action et ne suit pas forcement le schéma « Grémassien » vue la majeure partie consacrée au commentaire du narrateur.

1

: Le passé décomposé, op. Cité. p.22

Ce ci dit le texte prend une envergure autre que celle du texte narratif et sera plutôt codifié comme un « texte commentatif », l’écriture fragmentée en est la preuve, cette écriture est le fruit même du journal intime que tient Zoheir ( personnage narrateur).

a- Le temps de l’écriture :

Ce dernier se justifie le mieux dans l’exercice quotidien de l’écriture du journal intime que Zoheir utilise comme moyen de compensation afin d’apaiser sa peine ou pour invoquer sa mère et comme il essayé d’oublier le passé douloureux, il va donc opter pour une écriture qui ne supporte que le présent, ce passage du passé au présent s’est opéré comme une véritable résurrection grâce à l’écriture.

« L’écriture fragmentaire permet non seulement le déplacement de la figue mais sont creusement, son échappée, ses échappatoires ». (1)

Le temps de l’écriture donc est le présent car c’est seulement lui qui permet de faire coïncider la lecture et l’écriture.Le dialogue dans le Passé décomposé est aussi une autre preuve que l’écriture puise toute sa mobilité dans l’utilisation du présent (temps discursif par excellence) de par son emploi ; permet de marquer une certaine « Coïncidence de l’événement décrit avec l’instance du discours qui le

décrit ». (2)

Il convient de remarquer que Zoheir nous raconte l’histoire de toute sa vie en une dizaine de page (le vrai récit commence à la p.13 avec l’avènement du personnage de Najet) jusqu’à lors, il s’agissait du journal intime dont il avait la charge, il représente le seul moment « où se produit une coïncidence entre la durée

de la lecture et la durée de ce qu’on lit ». (3)

Toutefois, bien que le mouvement chronologique soit rompu par ce va et vient entre le passé et le présent (dans ce même journal) aucune atteinte n’est dénotée quant à la progression du texte ni au déroulement des évènement grâce à

1: Oster Daniel : Fragment ( littérature), CD-Rom, Universalis 2000

2: Benverniste in problème de linguistique générale. Cité par Genette in communications 8. Op Cité, p. 166.

l’intervention de l’écriture fragmentée, l’auteur jouit dès lors d’un pouvoir absolu sur ces divers jeux temporels qu’il réorganise en faveur d’une narration qui cache plus qu’elle ne révèle ; « Ce temps de l’écriture va souvent se réfléchir dans

l’aventure par l’intermédiaire d’un narrateur ». (1)

Ce dernier, n’hésite pas de s’arrêter pour interpeller le lecteur afin de lui apporter plus d’éclairage « narratif » et des informations sur les personnages et la nature relationnelle qu’ils entretiennent entre eux : « l’écriture étant censée

intervenir au cours même de l’aventure ». (2). Ce ci se justifie humblement dans le

recours à la stratégie du journal intime comme ultime procédé qui sert à faire rejaillir l’écriture de la « dénonciation »

Il en découle que ce type d’écriture a doublement utiliser le procédé du journal l’intime, d’une part il sert à faire le procès de la société qui favorise l’oppression des personnes non- conformes aux règles qu’elle pré-établi ( la dénonciation) :

Exp :

 « Quel scandale que de se glorifier d’une pareille infamie !Diraient les respectables personnes. Ces personnes bien pensantes qui ne toléraient pas nous voir, nous les parias, élever la voix ».p.5

 « Mais connaissez-vous de la honte, vous ? vous qui portez un nom qui vous donne le droit d’exister entant qu’individu dans la société ». p.5

Et d’autre part, il sert à gérer le temps dans le récit en le réorganisant, entant que micro- récit, il « ramasse le temps, Thomas Man disait qu’il

l’économise ». (3)

Concernant ses différentes intrusions (du journal intime) , elles servent à éclairer le lecteur en lui donnant des détails sur des incidents produits dans le récit, et parfois, il va même jusqu’à donner son propre jugement en les commentant :

1:Ibid.P.118

2:Ibid.p.78

3

Exp. :

(1) : « A présent, j’étais sûr de pouvoir dire que Feriel était amoureuse de moi.

Moi, son frère ! », p.87---jugement

(2) : « Pour ce faire, une idée satanique germa dans mon esprit torturé. Si elle

refusait, je m’abstiendrai évidemment de mettre mon plan à exécution dans mon dessein concernant Feriel », p.88----détails

(3) : « Bien entendu, je vous rassure tout de suite que loin de moi cette idée la !

Seulement c’était un moyen de négocier »,p.88--- commentaire et interpellation du lecteur.

Ce ci dit, toute la séquence du journal intime est une autre manière d’organiser le récit, en sa présence, le temps s’arrête, il est en suspend ; A ce niveau il convient de l’assimiler à ce que nous convenons d’appeler « pause narrative » grâce à l’étendu du commentaire et le manque d’actions

« Le rythme d’un récit est extrêmement variable, il dépend du nombre plus au moins grand des détails injectés, de l’étendu des séquences descriptives et des interventions de commentaire du narrateur ».

Ce « rythme » dépend aussi du choix de l’auteur à l’accélérer, le ralentir ou bien l’arrêter, ainsi il n’hésite pas donc à expliquer le présent par le passé (introspection) afin de préparer l’avenir ou le spéculer ( rétrospection).

b -Introspection / Rétrospection :

Le temps dans le texte est géré de façon aléatoire qui n’est en place qu’au service de la narration ainsi les différentes rétrospections et introspections non pas une valeur esthétique mais plutôt narrative celle là même qui sert l’écriture de la dénonciation, qui non seulement permet de retrouver le temps qui se perd mais de surcroît le façonne et le construit en commençant par le tout début (la naissance du signe) tel est le cas du Passé décomposé, le narrateur personnage commence par une sorte « d’introspection » douloureuse qui fait plonger son lecteur dans un passé

malheureux où il lui donne une image assez décrite de ce qui était son enfance. « La

pire des choses qui puisse arriver à quelqu’un c’est de naître bâtard et de le demeurer toute sa vie » p.5 « Aussi loin que je me souvienne , ma vie m’a été qu’un purgatoire ». pp.5-6

Dès lors le journal intime permet la réalisation de l’écriture du « dedans », du passé (« Flash- Bach »), ou du futur bref toute écriture qui relève de la dénonciation appelée également « intra- écriture » qui nécessite pour sa réalisation tout un processus qui fonctionne sur la manière de gérer le temps dans le récit, à savoir les « retour en arrière » (introspection), les « anticipations » (rétrospection) ou les « superpositions » des deux (passé / futur) marqué par le présent qui signifie le « temps zéro » (Weinrich)

Passé Future

Présent

Le Passé décomposé

A ce niveau il devient nécessaire de traquer le temps pour accéder à l’écriture de la dénonciation puisque ce dernier n’est pas donné aisément dans le texte, lui aussi relève de l’implicite comme l’écriture du Passé décomposé .Dès lors il convient aussi de traquer la mobilité du temps (analepse / prolepse / ellipse) pour accéder à la chronologie du texte ; ce ci dit , il n’en demeure pas moins que ceci valide notre hypothèse du départ concernant la préméditation de l’auteur à occulter sa dénonciation en utilisant différentes stratégies pour y arriver , ainsi la présence des analepses et des prolepses témoignent de la liberté de l’auteur et justifie sa volonté de choisir d’occulter certains incidents et de les ré invoquer ultérieurement pour tantôt cacher sa dénonciation et tantôt la manifester ( la démasquer).

 Exp : « Pendant qu’elle se débattait dans l’enchevêtrement nauséeux de

son passé traumatisant , Najet sentit la main de son mari se poser sur son ventre(…) Cette main qui s’égarait dans sa chair, ce corps d’homme s’écrasant sur son propre corps, lui rappelaient les mains et le corps d’un autre homme, haï , celui-là jusqu’à la mort. L’homme qui avait brisé en elle tout élan vers l’amour ».p.43

L’analyse de cet extrait du roman nous conduit vers le côté thématique du texte que nous essayerons d’exploiter ultérieurement, cependant, ce qui nous intéresse à ce niveau est cette introspection réalisée par Najet sur son passé que le narrateur se charge de rapporter (Najet ne s’exprime jamais dans le texte) sans pour autant expliquer les causes de son malheur ni l’identité de l’homme « haï, celui-là, jusqu’à la mort », nous dénotons une certaine volonté d’impliciter les faits afin de les évoquer vers la fin ( le dénouement) ; cette méthode guide toute l’écriture du

Passé décomposé,de sorte à ne pas tout dire pour conférer au texte une sorte

d’énigme, pourquoi pas de suspens à la façon du roman policier, plus nous avançons dans la lecture , plus le texte prend volume Plus les faits s’éclaircissent et plus nous arrivons à comprendre quel est le véritable récit dans le roman ( celui de Najet ou Zoheir) .Dès lors ce n’est vraiment qu’à quelques pages de la fin du roman ( à la prison) que nous découvrons la véritable identité de l’homme tant détesté par Najet, et cette fois encore l’auteur use dans l’introspection qui se trouve être la meilleure stratégie pour approcher le temps et s’y fondre.

« Sa pensée malade traversa le temps pour la ramener jusqu’à une période de sa jeunesse qu’elle voulait de toutes ces forces effacer de sa mémoire, sans y réussir pour autant. Alors des images, ou plus exactement des visions cauchemardesques se succédèrent dans sa tête à un train d’enfer. Elle se revoyait alors étendue dans le lit de sa chambre de jeune fille et croyait sentir encore, comme du fond d’un puits sombre, les caresses odieuses de ces mains moites qui s’aventuraient sur son corps vers le coin le plus intime de sa personne, il lui semblait subir le poids de ce corps sur le sien ». p.102, plus tard, le lecteur

comprendra que ce mépris qu’à Najet à propos de son beau-père vient d’un traumatisme d’enfance, ce dernier(le lecteur) est même sollicité à travers ces différentes interpellations dans le texte tel un personnage actif dans le roman qui réinstaure le schéma de la communication en occupant le statut de récepteur.

« Pourquoi s’était-elle contrainte au silence ? Elle n’avait pas besoin de chercher pour y répondre : sa mère ! Comment aurait-elle pu trouver le courage, l’aplomb de révéler cette chose horrible à sa mère ! Rien que d’y penser , Najet se sentit frémir d’effroi ». p.103

A priori, le temps se plie aux quatre volontés de l’écriture du Passé

décomposé , il est évidant que cette mouvance du temps est au service d’une

dénonciation qui se veut « implicite » puisque ces différents sauts dans le temps ( ces retours en arrières, ou l’anticipation ) ne casse pas la chronologie du récit, au contraire ils là renforcent et consolident en lui conférant la fiabilité en la rendant plausible. « Le « retour en arrière » ne trahit guère la chronologie :il expose les

causes ». (1)

La narration suit donc le schéma traditionnel et obéit à la loi de la linéarité, toutefois le mouvement chronologique ne subit aucune perturbation puisque la mobilité du temps lui permet de retrouver la linéarité du texte, cependant « Pour

cerner le sens exact d’un signe dans la chaîne parlée, l’auditeur doit puiser sans cesse dans l’information préalable ou, sur le mode de l’attente, anticiper sur l’information à venir ». (2)

Il existe donc deux types d’informations dans tout texte « information préalable » et « information à venir », Weinrich avance que la fusion des deux nous donne le « temps »