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5.5 Explication du comportement stationnaire / instationnaire

6.1.2 LES temporelle

La volonté d’unifier entre autre les formalismes RANS et LES a poussé certains auteurs [38,

39, 152, 153] à développer une LES basée sur un filtrage temporel. Ce type de formalisme est dénommé TLES pour Temporal Large-Eddy Simulation. Il consiste à appliquer un filtre linéaire, noté<· >, à une variable instantanée φ. La variable filtrée < φ > s’obtient par le produit de convolution [153]

hφi (x, t) = Z t

−∞

G∆T(τ − t)φ(x, τ) dτ (6.37) où∆T est la largeur du filtre temporel. Puisque la conséquence ne peut jamais précéder la cause, l’approche temporelle de la TLES nécessite l’utilisation d’un filtre causal, c’est-à-dire faisant intervenir uniquement le passé de l’écoulement jusqu’à l’instant présent. De façon générale, le filtre doit vérifier la propriété suivante [153]

G∆T(t) = 1T g t ∆T  (6.38) où le noyaug est une fonction intégrable telle que

g(s) > 0, Z 0

−∞

g(s) ds = 1, g(0) = 1 (6.39) Ces propriétés impliquent que le filtre conserve les constantes et que

lim

s→−∞g(s) = 0 (6.40)

et suffisent pour que le filtre tende vers une distribution de Dirac lorsque la largeur du filtre tend vers zéro

lim

∆T→0G∆T(t) = δD(t) (6.41) Deux exemples simples et utiles de filtre temporel sont donnés par l’utilisation des fonctions exponentielle et de Heaviside pour le noyau. Dans le premier cas, on a

g(s) = exp(s) =⇒ G∆T(t) = 1T exp t ∆T  (6.42)

6.1. Présentation de la LES 125

et la variable filtrée s’obtient par

hφi (x, t) = 1T Z t −∞ exp τ − t ∆T  φ(x, τ ) dτ (6.43) Dans le second cas, le noyau et le filtre s’écrivent

g(s) =H(s + 1) =⇒ G∆T(t) = 1

TH(t + ∆T) (6.44) et la variable filtrée s’obtient par

hφi (x, t) = 1 T

Z t t−∆T

φ(x, τ ) dτ (6.45)

D’après le formalisme de Germano [58], la décomposition de la variable instantanée en partie filtrée et résiduelle (cf. équation (6.3)) et les équations filtrées (cf. équations (6.9) et (6.26)) sont formellement identiques à l’approche spatiale et ne sont donc pas reproduites ici. Le terme SGS devrait néanmoins être remplacé par SF S, pour Sub-Filter Scale, en toute rigueur. Par souci de simplicité des notations, on gardera le termeSGS. Un problème soulevé par la TLES est le déphasage introduit par les filtres proposés ci-dessus. En effet, dans la cas du noyau exponentiel par exemple, sa fonction de transfert est donnée par

ˆ G∆T(ω) = Z 0 −∞ eiωtG∆T(t) dt = 1 1 + iω∆T (6.46)

Contrairement aux filtres proposés pour l’approche spatiale (cf. section (6.1.1)), la fonction de transfert des filtres TLES est complexe et introduit ainsi un déphasageΦ donné par

tan Φ =−ω∆T (6.47)

L’introduction d’un déphasage est inhérente à la TLES du fait qu’on utilise un filtre causal [152]. De plus, lorsque la largeur de filtre croit, on voit que le filtre amortit de plus en plus l’amplitude du signal auquel il est appliqué, carlimT→∞| ˆGT| = 0.

Quel est le comportement des équations filtrées lorsque la largeur de filtre tend vers les deux valeurs limites zéro et l’infini ? Dans le premier cas, il est facile de montrer que la

variable filtrée n’est pas modifiée par rapport à la variable instantanée : lim ∆T→0hφi (x, t) = Z t −∞ lim ∆T→0G∆T(τ − t)φ(x, τ) dτ = Z t −∞ δD(τ − t)φ(x, τ) dτ = φ(x, t) (6.48) Ainsi, quand la largeur de filtre tend vers zéro, l’opération de filtrage appliquée à l’équation de Navier-Stokes redonne les équations instantanées, ce qui signifie que les contraintes de sous-maille sont nulles et que l’on effectue une DNS. Une autre façon de démontrer que la limite DNS est atteinte, lorsque la largeur de filtre est nulle, est d’écrire

lim

∆T→0τij SGS = lim ∆T→0

UiUj − hUiiUj = UiUj− UiUj = 0 (6.49) Cette limite est également valable pour l’approche spatiale, puisque le filtre tend vers une distribution de Dirac spatiale quand sa largeur tend vers zéro [174].

Que se passe-t-il maintenant lorsque la largeur du filtre tend vers l’infini en TLES ? On choisit par commodité le noyau utilisant la fonction de Heaviside mais les résultats qui suivent restent vrais avec le noyau exponentiel. On peut écrire

lim ∆T→∞hφi (x, t) = lim ∆T→∞ 1 ∆T Z t t−∆T φ(x, τ ) dτ =T {φ} (6.50) Le membre à droite est par définition la moyenne temporelle de φ. Si l’écoulement est statistiquement stationnaire, la moyenne temporelle est équivalente à une moyenne d’en-semble, par ergodicité. En conclusion, pour un tel écoulement, la variable filtrée tend vers sa moyenne d’ensemble, quand la largeur de filtre tend vers l’infini :

lim

∆T→∞hφi = φ (6.51)

En conséquence, la vitesse filtrée tend vers sa moyenne d’ensemble, la fluctuation aux grandes échellesu

itend vers zéro et la fluctuation de sous-mailleu′′

i tend vers la fluctuation uiqui prend en compte toutes les échelles de la turbulence (décomposition RANS). On peut calculer la limite des contraintes de sous-maille lorsque la largeur de filtre est suffisamment grande : lim ∆T→∞τij SGS = lim ∆T→∞ UiUj − hUiiUj = U iU j − U i U j (6.52)

6.1. Présentation de la LES 127

Le membre de droite est par définition le tenseur de Reynolds, et on a donc

lim

∆T→∞τij SGS = Rij (6.53)

Le formalisme de la TLES permet ainsi d’atteindre les deux limites RANS et DNS lorsque la largeur de filtre tend respectivement vers l’infini et vers zéro.

En LES classique, on peut montrer que l’on tend vers une moyenne spatiale quand la largeur de filtre devient suffisamment grande. Cette moyenne n’a de sens que si l’écoulement est statistiquement homogène, et dans ce cas, elle est équivalente à une moyenne d’ensemble, par ergodicité. Ainsi, la LES spatiale tend également vers la limite RANS pour de grandes valeurs de largeur de filtre. Le tableau (6.2) récapitule ces résultats. En pratique, les écou-lements stationnaires en moyenne sont plus nombreux que les écouécou-lements homogènes, et c’est le cas par exemple des écoulements de canal et de marche descendante, auxquels on s’intéresse. Le formalisme de la TLES offre ainsi un cadre plus cohérent pour les métho-dologies hybrides RANS-LES non-zonales. Le modèle hybride PITM, présenté par la suite, sera adapté au formalisme de la TLES pour justifier théoriquement les modèles hybrides à transition continue.

Un modèle de déconvolution approchée [180] a été adapté à la TLES par Pruett et al. [154]. Les résultats en canal àReτ = 590 sont satisfaisants, mais la fréquence de coupure est choi-sie proportionnelle à l’inverse du pas de temps et donc constante partout dans l’écoulement. Ce choix n’est pas optimal dans la mesure où la coupure se situe dans les très hautes fré-quences au centre du canal, sans doute au-delà de l’échelle de Kolmogorov. Une question cruciale est de savoir comment choisir la largeur de filtre de façon optimale en écoulement inhomogène. En LES spatiale, le maillage, qui est discret par nature, « échantillonne » le signal dans la mesure où l’on approche le signal continu par un signal discret. Le choix le plus naturel est de faire dépendre la largeur de filtre de la taille locale de maille, selon la relation (6.7) par exemple. En TLES, il n’y a pas de choix naturel. Une première idée est de la faire dépendre des variables dynamiques de l’écoulement : production, vitesse, pression, vorticité, anisotropies, échelles de Kolmogorov ou de la turbulence, etc. Ce choix3 permet de découpler la physique de l’écoulement et le numérique (maillage). Une proposition empi-rique est donnée à la section (6.2.7). Il faut néanmoins garder en tête qu’un filtrage temporel implique un filtrage spatial et inversement [159]. Certains auteurs [183,182,159] proposent une relation de dispersion explicite, de la formeω = f (κ) que l’on verra par la suite. Dans 3En théorie, la largeur de filtre en LES spatiale peut également dépendre des variables dynamiques. Ce choix n’est pas utilisé en pratique.

ce cas, on peut explicitement relier la fréquence de coupure au nombre d’onde de coupure et donc à la taille locale de maille.

LES ∆S → 0 DNS

S → ∞ RANS si écoulement homogène

TLES ∆T → 0 DNS

T → ∞ RANS si écoulement stationnaire

TAB. 6.2 – Limite atteinte en fonction des valeurs de la largeur de filtre en LES et TLES.

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